Le Temple de la renommée du hockey ouvrira ses portes à quatre anciens joueurs, dont à Joe Sakic, que j'ai eu l'honneur de diriger à sa deuxième saison dans la LNH alors que les Nordiques connaissaient une saison difficile, ce qui n'avait pas empêché le jeune homme de 21 ans d'amasser 102 points, dont 63 passes en route vers une grande carrière.

Joe se retrouvait au coeur d'une équipe en reconstruction, qui venait d'échanger Peter Stastny et Michel Goulet. Il se voulait la transition entre le passé et l'avenir.

Je me souviens que Joe était venu dans mon bureau vers le mois de janvier alors que de toute évidence, l'équipe n'avait plus de chance de mériter une place pour les séries. Je lui avais simplement dit qu'il ne lui restait plus qu'un seul objectif à viser dans cette saison de misère et c'était d'atteindre le plateau des 100 points, ce qu'il avait réussi à faire. Je lui donnais toutes les chances d'y arriver en l'utilisant pendant au moins 25 minutes par partie.

J'ai rapidement constaté qu'il était doté d'un talent exceptionnel. Il avait tout pour devenir un grand leader, en plus d'être doté de grandes qualités. Il était un passeur hors pair qui avait un bon lancer ainsi qu'un coup de patin décent. On pouvait toujours compter sur lui, car il se présentait autant au Colisée que sur la route.

À ses débuts, Joe portait le numéro 88 et je lui avais dit que je n'aimais pas ce numéro, car je trouvais que ça ressemblait à un chiffre de coureur automobile. J'avais beaucoup d'estime pour Alain Côté qui venait de prendre sa retraite et j'avais conseillé à Joe de prendre le 19 d'Alain. Je voyais ça comme une continuité.

De plus, le numéro 19 était le même qu'un certain Steve Yzerman des Red Wings. Aujourd'hui, quand je regarde le passé de ces deux grands joueurs, je ne peux que constater qu'ils ont eu des carrières semblables. Outre le fait que l'un était droitier et l'autre gaucher, leurs carrières se ressemblent beaucoup.

Joe a trouvé difficile de se joindre à une équipe en reconstruction, mais je pense que ça lui a appris à devenir meilleur. Ces périodes sombres sont souvent bénéfiques pour le développement des joueurs. Plus tard, il a vu des joueurs comme Mats Sundin, Peter Forsberg, Owen Nolan et Adam Foote le rejoindre. Avec ce noyau, les Nordiques sont redevenus une puissance de la LNH. Quand le club a été transféré au Colorado, Joe a continué son beau travail.

Joe était un diamant qu'il fallait polir et il a réussi à s'élever parmi l'élite même s'il a amorcé sa carrière avec une équipe de fond de classement. En plus, il était tellement facile à diriger. C'était un charme de travailler avec lui. Je n'ai jamais entendu quelqu'un parler en mal de lui, tout comme dans le cas d'Yzerman.

Étrangement, Joe n'avait pas été notre premier choix en 1987 alors qu'on avait décidé de jeter notre dévolu sur le défenseur Bryan Fogarty avec notre première sélection au neuvième rang. Comme on profitait de deux choix au premier tour, Joe avait été choisi au 15e échelon. Si on n'avait eu qu'un choix au repêchage, Fogarty aurait sans doute été notre homme et Sakic nous aurait probablement glissé entre les doigts.

En 1987, Fogarty était un choix évident et pourtant, quand on jette un oeil sur leur carrière respective, on voit qu'ils n'étaient pas dans la même classe. Joe a connu une carrière extraordinaire alors que Bryan, qui était un grand défenseur junior, n'a jamais été à la hauteur des attentes.

Tout le monde voulait jouer avec Joe. Je me souviens que Guy Lafleur était venu me voir pour me dire qu'il pouvait jouer avec Sakic n'importe quand, même si c'était un jeune. Je lui avais répondu à la blague que moi aussi j'aimerais ça jouer avec lui.

Une autre fois, j'avais décidé d'utiliser Peter Stastny à l'aile plutôt qu'au centre lors d'un avantage numérique parce que je ne voulais pas changer Joe de position. C'était la première fois en huit ans que je n'utilisais pas mon vétéran centre à sa position naturelle. Peter ne s'était pas formalisé de ma décision parce qu'il aimait jouer avec des joueurs talentueux.

Son entrée parmi les immortels est pleinement méritée.

L'un des pires échanges de l'histoire

Mats Sundin qui est aussi intronisé au Temple de la renommée a amorcé sa carrière avec les Nordiques. À son arrivée, je n'étais toutefois plus à la barre de l'équipe, mais ça ne m'empêche pas de dire qu'il a été au centre de la pire transaction de l'histoire du club et de l'une des pires transactions de la ligue.

Les Nordiques l'avaient échangé aux Maple Leafs de Toronto en retour de Wendel Clark, Sylvain Lefebvre, Landon Wilson et d'un choix de premier tour qui est devenu un certain Jeff Kealty. Vous imaginez ce qui serait arrivé s'il était demeuré à Québec avec tous les autres bons jeunes joueurs. Le Colorado a gagné deux fois la coupe Stanley, mais avec Sundin dans la formation, l'Avalanche en aurait gagné huit!

C'était horrible comme transaction. Wendel Clark n'a joué qu'une saison à Québec avant d'être échangé aux Islanders de New York dans une transaction à trois équipes.

Personne n'a oublié les séries de 1993 contre le Canadien quand l'entraîneur Pierre Pagé l'avait vertement engueulé sur le banc. Les images sont encore figées dans notre mémoire. Je pense que les Nordiques lui reprochaient son manque de leadership, mais il était encore peut-être trop jeune à l'époque pour le faire parce qu'à Toronto, il a été un vrai leader. On ne lui a simplement pas laissé assez de temps.

Pavel Bure et Adam Oates

Ce n'est pas un hasard si Pavel Bure était surnommé le Rocket russe. Il était tellement électrisant. Il lui arrivait de passer entre deux défenseurs comme une fusée tellement il était rapide. Bure donnait tout un show sur la glace et à lui seul, il valait le prix d'entrée. Je n'ai jamais vu un joueur avec des départs aussi fulgurants. On avait l'impression qu'il avait du feu sur les lames.

Quant à Adam Oates, il était un grand passeur. Il a amassé 1079 passes en 1337 parties. Certains vont remettre en question sa présence au Temple parce qu'il n'a jamais gagné la coupe, mais des joueurs comme Cam Neely et Brett Hull lui doivent quelques-unes de leurs très bonnes saisons. Oates était un grand fabricant de jeux qui jouait dans l'ombre.

*propos recueillis par Robert Latendresse