Jim Montgomery se confie avec son combat contre l'alcoolisme
LNH lundi, 25 mai 2020. 16:00 dimanche, 15 déc. 2024. 14:05Le 10 décembre dernier Jim Montgomery a vécu le pire jour de sa vie lorsqu’il a été congédié par les Stars de Dallas.
Camouflant un sérieux problème d’alcool depuis de nombreuses années, l’entraîneur québécois croyait pourtant que tout allait bien et qu’il contrôlait son amour pour la bouteille. Très habile à déceler la moindre faille chez l’adversaire, il a été totalement incapable de remarquer ses propres faiblesses.
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Depuis plusieurs saisons, le Montréalais originaire du quartier Rosemont connaissait énormément de succès, alors pourquoi écouter les conseils de son épouse Émily? Son patron Jim Nill lui avait déjà servi deux avertissements, mais son club gagnait. Tout allait très bien dans le monde de Jim Montgomery. Il n’avait aucunement conscience que sa vie dérapait et que la situation se dégradait sans cesse. Même que le matin où il a été viré, les Stars connaissaient une séquence de 16-4-2.
Mais vient un jour où la réalité nous rattrape. On peut fuir ses démons pendant un certain temps, mais on peut difficilement y échapper.
Le 10 décembre 2019, l’univers de Jim Montgomery a éclaté.
« Mon congédiement a été extrêmement difficile à annoncer à ma femme, confesse-t-il sans pudeur. Ça a encore été plus tough avec mes enfants. J’ai perdu ma job à cause de mon problème d’alcool. Quand tu as de jeunes enfants comme moi, c’est leur père leur idole. Je les ai déçus, poursuit-il difficilement, entre deux longs silences, le trémolo dans la voix ». Ce jour-là, Jim Montgomery a énormément souffert et il en porte encore des cicatrices aujourd’hui.
Mais le 10 décembre 2019, c’est aussi le début de sa guérison.
Quand Jim Nill a mis son coach dehors, il lui a également rendu le plus grand service de sa vie. « Si je n’avais pas été congédié, je ne me serais pas regardé dans le miroir. Les Stars m’ont fait une faveur. Si j’avais continué encore deux ou trois ans, ma maladie aurait empiré. J’aurais sûrement perdu ma famille et plusieurs amis ».
Un combat pour la vie
« Ça fait cinq mois et demi que je suis en réhabilitation et c’est incroyable comment j’ai avancé dans mon combat contre l’alcool, raconte l’ancien pilote des Stars. Quand c’est arrivé, j’ai rencontré un thérapeute et j’ai quitté le Texas pour aller dans un centre de désintoxication où j’ai notamment compris ma maladie et ses effets. Quand je prends un verre, ça augmente la dopamine dans mon cerveau, je perds mon sens rationnel et je ne suis plus capable d’arrêter de boire. Là-bas, une conversation avec un médecin m’a aussi particulièrement marqué, il m’a dit : " Si tu savais que si tu continues à boire, tu allais mourir tout seul. Est-ce que tu arrêterais? " Ça m’a fait vraiment peur. J’ai la santé, j’ai une belle famille et des bons amis et je suis certain que j’aurais tout perdu si j’avais continué comme ça encore trois ans. De retour à Dallas, j’ai poursuivi ma thérapie pendant un autre trois semaines à raison de cinq séances par semaine, quatre heures par jour. Je continue à travailler sur moi chaque jour, je fais de la méditation et je prends beaucoup de temps pour avoir des pensées de gratitude. »
« J’ai commencé ma réhabilitation avec beaucoup de crainte, d’anxiété et de culpabilité, avoue celui que Serge Savard avait acquis en retour de Guy Carbonneau en 1994. Mais aujourd’hui, avec l’aide de ma famille, mes amis et plusieurs personnes, j’ai de nouveau confiance. Je vis avec de l’espoir, de la gratitude et un bon état d’esprit. Vivre sobrement est un bien meilleur mode de vie pour moi et je vis de la bonne manière maintenant. »
« Quand tu es en réhabilitation, tu dois comprendre que le combat ne sera jamais fini, explique l’homme de cinquante ans. Mais je crois en moi et je ne suis pas seul. Je suis très chanceux d’avoir une femme aussi courageuse et qui me supporte. On se marie pour le meilleur et pour le pire…et elle a vu le pire! Ma mère, ma famille, mes meilleurs chums m’ont aussi soutenu et aidé tout comme certaines personnes qui souffrent aussi d’alcoolisme ».
L’alcoolisme s’est incrusté de façon sournoise dans la vie de Montgomery. Comme il n’avait pas besoin d’étancher sa soif chaque jour, il n’était qu’un buveur social qui dépasse les bornes à l’occasion.
« Je ne réalisais pas que j’avais un problème parce que je pouvais passer plusieurs journées sans boire. Mais une fois par semaine, ça virait en beuverie. Quand je coachais au collège, le samedi soir, c’était notre soir de brosse, admet-il. Quand la maladie s’implante dans ta vie et qu’elle progresse, tu ne peux plus t’arrêter comme tu le faisais avant. Tu perds le contrôle que tu avais auparavant sur l’alcool et tu commences à poser des gestes qui ne sont pas intelligents. »
Quand les Stars ont congédié le successeur de Ken Hithcock, l’histoire est devenue publique et ça n’a pas été très long avant que les rumeurs se confirment. Dans cette épreuve qu’il n’a pas pu vivre dans l’anonymat comme la plupart des gens, Montgomery a reçu un chaleureux soutient de la part de ses amis, d’anciens coéquipiers et également de joueurs qu’il ne connaissait pas personnellement, mais qui voulaient l’encourager après avoir eux-mêmes gagné leur bataille face à l’alcool ou face aux drogues.
« C’est incroyable le nombre de personnes qui m’ont aidé. J’ai reçu des coups de téléphone, des messages texte et des courriels. Depuis la première journée, Rob Ramage a été un grand ami. Nate Thompson, Brantt Myhres, Rich Clune, Paul Kariya et John Stevens m’ont aussi contacté. Il y en a plusieurs autres, mais je ne peux pas penser à tout le monde sans en oublier, car il y en a trop. »
Aveugle devant les signaux
Tout au long de sa carrière de quinze ans comme joueur chez les professionnels, Montgomery a fait preuve de discipline. Il est lui arrivé de boire un peu trop à quelques reprises, mais à l’époque il savait quand s’arrêter.
En 2008 alors qu’il était entraîneur adjoint à l’Université RPI, il a été intercepté par la police de la Floride alors qu’il conduisait en état d’ébriété. Plus de douze ans plus tard, l’alcool lui a fait perdre son poste dans la Ligue nationale.
« Ça aurait dû être un warning, avoue-t-il. C’était la première fois en trente-huit ans que je me retrouvais dans le trouble à cause de l’alcool. À ce moment-là, j’aurais dû analyser ce qui se passait dans ma vie. Comme j’aurais dû analyser quand ma femme m’a parlé, comme j’aurais dû analyser quand Jim Nill m’a demandé deux fois si j’avais des problèmes. Je n’étais pas prêt à avouer que j’avais un problème. Je ne croyais pas que ça allait mal parce que je pouvais être deux semaines ou un mois sans boire. Je pensais que je pouvais régler le problème moi-même, mais c’était impossible. L’autre affaire, c’est que j’avais beaucoup de succès alors pourquoi changer? C’est aussi ça la maladie, je me trouvais toujours des excuses pour justifier que tout allait bien pour moi. Mon ego n’était pas un bon ami. »
« Je dépassais les bornes environ une fois par semaine pis j’en profitais de mes soirées. Quand je commençais, je ne pouvais pas arrêter de boire. C’est la raison pourquoi il ne faut surtout pas que je recommence à boire. Je n’ai pas de contrôle, enchaine-t-il. Si je commence à boire, c’est l’alcool qui prend le contrôle de mon cerveau. Je buvais après des victoires, avec des amis, lors d’un souper en famille ou une fête dans le quartier. Ça faisait plusieurs années que c’était comme ça. Sur la route ou avec des amis à la maison, je commençais avec une ou deux bouteilles de vin pendant le repas et après j’enfilais au moins un bon six à douze verres de vodka. Ce n’est pas long que tu tombes sur la brosse et le lendemain tu as oublié ce qui s’est passé pendant la veille. »
Un jour à la fois
Jim Montgomery n’en veut surtout pas à son ancien patron. Avant de lui indiquer la porte de sortie, Jim Nill lui avait parlé deux fois.
« Tout ce qui est arrivé, c’est entièrement de ma faute et j’en suis de plus en plus convaincu à chaque journée où je suis sobre, car je suis une meilleure personne maintenant. Depuis que j’ai commencé comme coach, j’ai toujours demandé à mes joueurs de faire les choses correctement. Je ne le faisais pas moi-même. Une couple de fois par semaine, j’avais la gueule de bois le matin et ce n’est pas ce qu’on appelle faire les choses correctement. J’étais un hypocrite quand je vivais comme ça. »
« J’ai compris que ce n’est pas bon pour moi. J’ai cessé de boire et c’est définitif. J’ai une meilleure vie aujourd’hui comparé au moment où je coachais dans la LNH. Les choses plus importantes de la vie; la famille, ma santé, mes amis et les personnes que j’aime, c’est plus important que la bouteille, raconte le père de quatre enfants de dix, huit, cinq et deux ans et demi. »
Dans tous les sports, de grands athlètes ont eu droit à une seconde chance. De moins bons aussi. Certains ont réussi des retours inspirants et d’autres sont retombés encore plus bas. Montgomery ne sait pas si le téléphone sonnera à nouveau pour lui dans la LNH.
« Je veux coacher encore. J’ai espoir, car c’est ma passion et je pense que je suis un bon coach. C’est hors de mon contrôle. La seule chose que je contrôle, c’est ma réhabilitation et chaque jour m’assurer que je suis une bonne personne, un bon mari et un bon père de famille. Il y a quelqu’un qui m’a dit :" La maladie reste dans ton cerveau et elle continue de faire des push-up jusqu’à la première fois où tu vas boire, car elle sait qu’elle va renaitre ". C’est important que je ne retouche jamais à ça ».
Habitué à l’adversité depuis ses débuts dans le monde du hockey avec l’Université du Maine en 1989, Jim Montgomery a gagné la première manche de son combat face à l’alcool en admettant son impuissance devant cet ennemi perfide. Il a pris sa vie en main, il a trouvé de l’aide et il a pris les moyens pour s’en sortir. C’est l’étape la plus importante pour une personne qui souffre de dépendances.
Aujourd’hui, le petit gars de Rosemont est probablement un meilleur homme. Il a réussi à sortir l’alcool de sa vie, mais après cinq mois et demi de sobriété, le combat n’est pas terminé. C’est pour aider d’autres alcooliques comme lui qu’il a accepté de mettre ses tripes sur la table et de raconter avec émotion ce côté sombre et inconnu de son existence.