Pierre Racicot a eu une longue et belle carrière de 28 saisons dans la LNH
LNH lundi, 6 déc. 2021. 07:35 lundi, 6 déc. 2021. 11:01MONTRÉAL – Une caisse de bouteilles de « jus d’orange » au milieu de la petite pièce, une poignée de joueurs des Panthers de la Floride et du Lightning de Tampa Bay venus le rejoindre, trois de ses collègues préférés et des discussions chaleureuses pendant deux heures. Pour conclure en beauté son 1880e et dernier match dans la LNH, le juge de lignes Pierre Racicot n’aurait pas pu demander mieux.
C’était sa façon à lui, un juge de lignes qui aime demeurer dans l’ombre, de terminer une carrière de 28 saisons dans la LNH. De Mario Lemieux et Wayne Gretzky, à Connor McDavid et Sidney Crosby, en passant par Jaromir Jagr et Martin Brodeur ou même Tie Domi et Bob Probert, Racicot a côtoyé tous les grands acteurs du hockey depuis 1993.
Passionné de sa profession, le Québécois de 54 ans revient d’une affectation rêvée de trois mois en Autriche. C’est donc maintenant qu’il accroche officiellement ses patins et il était heureux de revenir sur son parcours fort rempli de matchs, de déplacements en avion et de nuits dans les hôtels.
Son dernier match dans le circuit Bettman a eu lieu le 8 mai, en Floride, où il a élu domicile depuis 25 ans. Ce duel entre les Panthers et le Lightning avait été passablement robuste alors que les deux clubs se préparaient à croiser le fer en séries quelques jours plus tard.
« Même si ça s’était battu pendant une bonne partie du match, les gars sont venus prendre quelques bières et ils sont restés là pendant deux heures. On a jasé de toutes sortes d’affaires. Ce sont des moments vraiment spéciaux, ça n’arrive jamais », a confié Racicot qui est reconnu pour sa personnalité sympathique.
« En fait, c’est arrivé à mes deux, trois derniers matchs. À Philadelphie, je disais à l’un des joueurs que je m’en allais en Europe dont pour aller déguster quelques bières en République tchèque. Il m’a dit qu’il en avait justement dans le vestiaire et il les a apportées après la partie », a ajouté celui qui portait le numéro 65.
Quelques jours plus tôt, Racicot effectuait son dernier match à New York. Il s’était empressé de dire à l’autre juges de lignes qu’il ne voulait pas qu’il mentionne à personne que sa carrière achevait.
« Je voulais simplement sortir de manière anonyme comme je l’ai fait durant toute ma carrière. Tout d’un coup, après la partie, tous les joueurs se sont placés en ligne pour venir me serrer la main. Il m’a juré qu’il n’avait rien dit », a raconté celui qui a toujours adoré la classe de Vincent Lecavalier et Anze Kopitar.
C’est vrai que Racicot n’a pas travaillé en tant qu’arbitre, mais ce ne sont pas tous les officiels qui peuvent quitter ce métier avec une belle réputation.
« C’est cool. Dans ce travail, tout ce que l’on veut, c’est du respect. Ce n’est pas de se faire accepter ou aimer. Je n’ai jamais cherché à me faire aimer parce que ça n’arrivera pas, a reconnu Racicot avec un sourire lucide au visage. Après tout, on est dans le chemin, comme officiel, entre les deux équipes et la victoire. Mais on veut se faire respecter, c’est le meilleur signe. Si tu respectes les autres, tu vas te faire respecter. C’est plaisant de voir ça », a témoigné Racicot.
Racicot en a eu une autre belle preuve lors de son 1500e match, en janvier 2016. La LNH lui avait préparé une cérémonie au centre de la patinoire à laquelle son père, André, son épouse et son fils ont pu assister. La tradition veut que le capitaine de chaque équipe s’y joigne, mais Racicot a eu la bonne idée de demander si Jaromir Jagr pouvait représenter les Panthers.
Malgré tout, le plus beau moment de sa carrière remonte à 2008. Imaginez un instant, il s’est retrouvé au premier match de la finale de la Coupe Stanley, entre les Penguins et les Red Wings, avec son ami d’enfance, Marc Joannette, comme arbitre. Le regard qu’ils ont échangé avant la mise au jeu ne s’effacera jamais de sa mémoire.
Puisqu’il a déjà raconté ce souvenir, on lui a demandé une autre histoire. Lors de son dernier match à Philadelphie, il est allé voir Michel Therrien.
-Hey Mike, savais-tu que j’avais déjà été te voir jouer avec les Chevaliers à Longueuil? J’étais allé au match avec mon père et ton père.
-Avec mon père, comment ça?
-Je ne te l’ai jamais dit, mais mon père a travaillé toute sa vie avec le tien.
-Ben voyons, t’aurais dû me dire ça avant!
-Oublie ça! Je ne te l’ai jamais dit parce que je sais que tu te serais servi de cette histoire avec moi durant un match, a conclu Racicot en riant de bon cœur.
Racicot a connu Therrien, professionnellement, quand il a débuté comme entraîneur dans la LHJMQ en tant qu’adjoint à Bob Hartley avec le Titan de Laval. Racicot a alors fait le saut dans la LNH à une époque où le jeu physique occupait une place prépondérante.
« C’était le fun aussi dans ce temps-là, c’était intense. Il fallait que tu saches, en tout temps, ce qui se passait sur la glace. Une autre différence, c’est qu’en 1993, plusieurs matchs n’étaient pas télédiffusés. Aujourd’hui, avec 24 caméras haute définition dans un match de finale, ça ne te donne pas une grosse marge d’erreur. Ça m’est arrivé de rater un hors-jeu de très peu pendant les séries et il n’y avait rien de pire que de se retrouver à l’hôtel ensuite et voir en boucle la reprise à la télévision », a noté Racicot qui est content que les séquences peuvent être révisées désormais.
Un grand mérite lui revient pour avoir été en mesure de s’adapter à la vitesse fulgurante du jeu. Il investissait, au quotidien, une heure d’entraînement même s’il devait voyager 22 à 23 jours par mois pour ce métier qu’il décrit comme une belle école de vie.
Ça lui rapporte aujourd’hui puisque son corps n’est pas tant amoché outre que « les pentures sont un peu rouillées » comme il le dit si bien.
Racicot ne voulait surtout pas s’accrocher pendant une saison de trop. Il vient tout juste d’entamer un nouveau chapitre à titre de superviseur des officiels. Pour ce rôle, il devra s’habituer à regarder les parties de la galerie de presse, un endroit où il risque de trouver le jeu lent.
Mais ce nouvel emplacement, dans les hauteurs des arénas, lui permettra de se rapprocher de son ancien collègue et grand ami - pratiquement un frère - Stéphane Provost, qui a perdu la vie dans un accident de moto en avril 2005.
Pour vous donner une idée du grand cœur de Racicot, il s’est empressé de lancer des initiatives afin de récolter des fonds pour payer les études universitaires des deux filles de Provost.