MONTRÉAL – « On le savait depuis longtemps qu’il allait devenir recruteur. Pendant des trajets en autobus, on s’amusait à établir notre top-100 des joueurs de la LNH et la discussion pouvait durer de Shawinigan jusqu’au Cap-Breton tellement on en débattait longtemps. »

Cette histoire est celle de Raphaël Pouliot qui a accédé, à 25 ans, à un rôle de recruteur d’une équipe de la LNH lorsque l’organisation d’expansion de Las Vegas s’est assuré ses services. Par contre, cet exploit n’a rien d’étonnant pour ceux qui l’ont côtoyé.

Tommy Tremblay – qui a été son coéquipier avec les Cataractes de Shawinigan – se souvient donc très bien des prédispositions de son ami pour ce métier. En fait, il pouvait déjà percevoir que Pouliot cadrerait à merveille avec cette orientation.

« Tout à fait et je dirais aussitôt qu’on s’est rencontré. Avant même d’être un joueur, c’est un passionné de hockey. Il me parlait sans cesse de ses échanges et des joueurs qu’il avait acquis pour son équipe dans sa ligue simulée», s’est rappelé Tremblay qui œuvre maintenant comme directeur du marketing et des communications pour les Cataractes.

On avait beau parler d’une ligue simulée pour le plaisir, Pouliot épatait déjà ses amis avec ses décisions.

« Il faisait des vols presqu’à tous les jours. Parfois, il faisait un échange et je ne comprenais pas trop pourquoi. Après, il en faisait un autre et je comprenais qu’il venait de les endormir ben raide. Comme aux échecs, il avait trois coups d’avance en tête, le monde ne le voyait pas venir », a témoigné Olivier Picard qui a joué avec lui au sein de l’Armada.

Si son talent indéniable a été repéré par la formation de Las Vegas, la première marque de confiance est pourtant venue d’André Tourigny et des Huskies de Rouyn-Noranda. C’est avec ce club qu’il a entamé sa carrière de recruteur en épiant les joueurs des Maritimes pendant qu’il jouait pour l’Université de Moncton.

Fils de l’entraîneur d’expérience Mario Pouliot, il est, pour ainsi dire, né dans la potion magique pour percer dans ce milieu. Il a donc gravi les échelons à une vitesse fulgurante.

« Dès notre première réunion, on a immédiatement vu qu’il connaissait et comprenait très bien la game. C’est un jeune très posé aussi. Tout de suite, on l’a grandement aimé », a confié Tourigny au RDS.ca.

« L’année d’après, il est revenu à Montréal et il a accompli plus de boulot pour nous. En l’observant travailler, on a rapidement voulu lui donner un rôle plus important dans notre organisation. On voyait qu’il allait devenir un kingpin ! C’est là qu’on l’a nommé recruteur en chef », a poursuivi Tourigny.

Et oui, Pouliot a été nommé recruteur en chef d’une équipe de la LHJMQ à 22 ans. Il fallait de l’audace pour lui confier de telles responsabilités, mais la promotion semblait s’imposer.

« Il n’y avait aucun doute dans notre esprit que c’était la décision à prendre », a maintenu celui qui a pris les commandes des Mooseheads de Halifax après des séjours avec l’Avalanche et les Sénateurs dans la LNH.

Pouliot n’a pas déçu, il n’a pas tardé à bien faire paraître ses patrons. Il a contribué aux succès des Huskies qui ont même atteint la finale de la Coupe Memorial en 2016. Sans surprise, le travail d’architecte de Pouliot a ainsi été remarqué par plusieurs dont Kelly McCrimmon, le propriétaire des Wheat Kings de Brandon qui participait aussi à ce tournoi.

À ce moment, Pouliot ignorait qu’il était tombé dans l’œil de McCrimmon qui a été nommé assistant au directeur général George McPhee à Las Vegas. Pouliot se préparait donc pour une autre saison prometteuse avec les Huskies sans attendre – et surtout pas aussi vite - le coup de fil qui est arrivé.

« J’ai quand même été un peu surpris. Oui, je m’étais dit que ce serait un objectif un jour [d’accéder à la LNH]. Mais disons que je ne m’attendais pas à ça, cette année. Évidemment, je suis très content de l’occasion qu’on m’a confiée », a mentionné le dépisteur qui connaît bien les préoccupations de la génération de la relève.

Les signes ne mentent pas. Pouliot s’était forgé toute une réputation dans la LHJMQ. Dominique Ducharme (l’entraîneur des Voltigeurs) a été le premier à le recommander à McCrimmon alors que Tourigny et Gilles Bouchard (l’entraîneur des Huskies) ont plaidé en sa faveur.

À partir du premier contact établi avec Pouliot, il ne s’est pas écoulé trois jours avant que le poste lui soit accordé. Humble malgré son ascension épatante, l’ancien attaquant s’est assuré de remercier ceux qui lui ouvert cette grande porte avec une mention spéciale pour Tourigny.

« Je n’arrive pas à trouver un mot assez fort pour ce qu’il a fait pour moi, il a été d’une aide énorme. Il m’a donné beaucoup de confiance et pas beaucoup de personnes m’auraient confié le poste de recruteur en chef. En plus, je l’ai côtoyé durant les années et c’est ultra enrichissant. Il a fait de petits miracles avec les Huskies. Il a été un modèle pour moi dans son travail. Lui, Gilles Bouchard et Mario Duhamel sont des gens desquels j’ai énormément appris », a-t-il insisté.

Jamais trop tôt pour un « surdoué »

Malgré la vague de jeunesse qui a frappé ce milieu depuis quelques années, le monde des recruteurs demeure dominé par les têtes grises. Parfois, Pouliot doit se sentir bien jeune quand il regarde ses homologues.

Raphaël PouliotCeci dit, l’âge n’a pas freiné les dirigeants de Las Vegas qui ont probablement fait de Pouliot le plus jeune recruteur de la LNH.

« Mon âge peut m’avoir aidé dans le sens que je suis jeune et que j’aime apprendre. Je vais avoir beaucoup de choses à assimiler, mais c’est ce que je veux faire », a exposé celui qui est revenu récemment de trois jours de réunion au Nevada.

Aux yeux de Tourigny, le départ de Pouliot vers la LNH était imminent.

« Le connaissant, je ne peux pas être surpris que ça arrive aussi vite. Je savais que si les responsables d’une équipe osaient le rencontrer et creuser à son sujet, ils verraient la même chose que nous. J’étais certain que le raisonnement serait le même », a soulevé Tourigny qui a été contacté deux fois par les nouveaux patrons de son ancien protégé.

Tremblay et Picard vont encore plus loin dans leur jugement.

« Pour un surdoué de son domaine comme on peut l’appeler, c’est la même chose que les joueurs, ils font le saut dans la LNH beaucoup plus rapidement qu’avant. Raph avait certainement sa place pour monter dans la LNH », a lancé Tremblay en soulignant le renouveau vécu avec les postes confiés à Jean-Philippe Glaude (Nashville) et Alexandre Rouleau (Chicago).

« C’est bien beau avoir un curriculum vitae de 20 ans, mais ça ne veut pas dire que tu as fait un bon travail pendant tout ce temps. Il possède quand même quelques années d’expérience et il a trouvé le moyen de réussir plusieurs bons coups », a ajouté Picard, qui agit comme entraîneur adjoint avec les Cantonniers de Magog et comme recruteur pour l'Armada.

Un futur DG dans la LNH?

En se fiant à sa fulgurante tangente de carrière, la déduction facile serait de penser que Pouliot deviendra éventuellement directeur général dans la LNH. Évidemment, il devra surmonter de nombreuses étapes et embûches pour se voir confier les rênes d’une équipe.

À 25 ans, il absorbe encore tout ce qui lui est arrivé et il préfère se concentrer sur ses responsabilités actuelles. 

« Quand j’ai commencé comme recruteur, je l’ai fait parce que ça me passionnait. À ce moment, j’aurais dit que je voudrais devenir recruteur en chef. En fin de compte, cette opportunité est arrivée plus rapidement que je le pensais. Ensuite, je songeais à un titre de directeur général dans la LHJMQ ou des fonctions de recruteur LNH. La deuxième option s’est présentée à moi et c’est certain que j’aimerais continuer de monter les échelons », a-t-il reconnu avec une confiance nullement teintée de prétention.

Tourigny ne veut pas lui ajouter de la pression sur les épaules, mais il voit tous les atouts en lui.

« S’il devient DG dans la LNH un jour, je vais être la personne la moins surprise au monde. Sky is the limit pour lui. Il n’est pas rendu là, c’est quand même la meilleure ligue au monde et ça ne se fait pas du jour au lendemain. Cela dit, rien ne peut me surprendre dans son cas », a vanté son allié.

Puisqu’il baigne dans le monde du hockey depuis sa naissance, Pouliot aurait pu suivre les traces de son paternel en devenant entraîneur. Heureusement pour sa carrière, il n’a pas été séduit par cette voie.

« J’ai aidé pendant un an pour du coaching et je ne mentirai pas, ça ne m’a pas intéressé tant que ça. Le côté de la gestion d’une équipe m’a attiré depuis que je suis jeune, je m’amuser à bâtir mes équipes et à évaluer les joueurs même dans les camps d’entraînement de mon père », a conclu Pouliot avec une réponse éloquente.