C’était pendant le tournoi de la Coupe Memorial disputé à Portland en Oregon. Je couvrais l’événement pour la Presse Canadienne et le Réseau NTR. Après les matches, je devais entrer dans le vestiaire pour des interviews, ce qui est plutôt inhabituel chez les juniors, d’autant plus que j’avais le même âge que les joueurs. Je n’oublierai jamais son regard quand il m’a vu entrer la première fois…il a juste tourné la tête, totalement surpris, regardé le relationniste des Olympiques et dit haut et fort de sa grosse voix « Qu’est-ce qu’elle fait icitte elle? » le relationniste lui répond hésitant que je suis journaliste sportive et que je fais mon travail.

Je voyais bien qu’il m’observait, mais il ne disait pas un mot. Puis j’allais le trouver et il répondait à mes questions avec sérieux. A la fin du tournoi, en compagnie de quelques journalistes, Pat nous invite à venir prendre un verre afin d’oublier sans doute l’élimination crève-cœur des Olympique . Il me regarde, lève son verre et hoche de la tête. Je savais que je venais de « passer le test » et du m ême coup, je venais de faire la connaissance des deux Pat…Le bourru et le gentil!

Le hasard a fait que deux mois plus tard, je sois engagé par Radio-Canada à Ottawa et ainsi couvrir les activités des Olympiques de Hull. J’ai eu le privilège de discuter de hockey à tous les jours avec Pat…il fut le premier entraîneur avec qui j’ai eu à composer et ce fut très instructif et aussi très drôle. Après les matches, il arrivait souvent qu’on aille prendre une bière avec lui et il nous racontait les péripéties de son travail de policier à Gatineau, des anecdotes de hockey et son amour pour la musique country. Quand il était de bonne humeur qu’il avait enfilé quelques bières, il lui arrivait souvent de fredonner sa chanson préférée du temps, Me and Bobby McGee de Janis Jolpin…

Pat Burns a marqué le hockey autant par sa personnalité que par ses excellentes statistiques. Il a dirigé plus de 1000 matches, remporté 3 Jack Adams avec des équipes originales, dans 3 gros marchés en plus et remporté une Coupe Stanley avec les Devils. Les grands penseurs du Temple de la Renommée ont manqué le bateau. Avec de telles statistiques, il a sa place parmi les plus grands. Personne n’en doute.

Ce qui m’a le plus marqué chez lui, fut la dignité dont il fait preuve dans la maladie. Il est resté lui-même, droit et n’acceptait aucune pitié. Au cours des prochains jours vous lirez plusieurs témoignages à son sujet. Il a marqué autant les joueurs, les journalistes que les amateurs. Pat Burns était ce qu’on appelle un vrai. Pas de demi-mesure, pas d’hypocrisie. Vous saviez à quoi vous attendre avec lui. La dernière fois que je l’ai vu, c’était à Stanstead pour le dévoilement de l’arena qui va porter son nom. Le premier ministre Stephen Harper était sur place. Je fut totalement pris par surprise lorsqu’appelé à lui poser la première question. Nous étions plusieurs journalistes, émus tentant de reprendre notre concentration. J’avais encore « le moton », les yeux dans l’eau et le premier ministre me nomme. « Madame Machabée? Une question? » Je regarde Gabriel Grégoire tout juste à côté de moi, aussi ému et ébranlé et la seule chose que je trouve à dire c’est « Monsieur le Premier Ministre, avec tout le respect que je vous dois, je n’ai qu’une chose à dire, je veux juste dire a Pat que je l’aime » On a entendu des rires et Gabriel m’a fait un grand sourire, comprenant totalement mon état d’âme. Pat s’est levé, a regardé sa belle Line qui riait aussi, il s’est retourné et a dit en souriant « moi aussi je t’aime Chantal! » . Puis nous sommes allés quelques minutes à sa rencontre dans un salon privé après la cérémonie en sachant que nous lui faisions nos adieux. Ma consolation, c’est que nous avons eu le temps de lui dire à quel point il nous a marqué. Il ne sera pas oublié. J’offre mes plus sincères condoléances à sa belle et formidable épouse Line, à ses enfants Maureen et Jason, et à toute sa famille. Sans oublier mes collègues de CKAC, Michel et Gabriel Grégoire qui ont été très près de Pat ces dernières années.