Stéphane Matteau, 20 ans après son célèbre but, demeure près des Rangers
LNH vendredi, 30 mai 2014. 16:19 jeudi, 12 déc. 2024. 14:40La beauté du sport réside dans ces moments inoubliables, ces explosions de joie et ces performances extraordinaires qui s’impriment dans les mémoires individuelles et collectives. Par une intrigante coïncidence, les Rangers de New York ont atteint la finale de la Coupe Stanley 20 ans, presque jour pour jour, après l’empreinte du célèbre but de Stéphane Matteau.
En l’instant d’une seconde, un geste peut créer un héritage indélébile pour un athlète et même l’histoire d’une organisation sportive et ce but de Matteau - inscrit en deuxième prolongation du match numéro sept face aux Devils du New Jersey en finale de l’Est - appartient à cette catégorie.
Par-dessus le marché, la description mémorable du « Matteau!, Matteau!, Matteau! » a servi à accroître le caractère unique de ce but aux yeux des partisans des Rangers.
Le véritable anniversaire du 27 mai s’est produit le soir de l’éclatant triomphe du Canadien lors du cinquième match, mais le Québécois de 44 ans a tout de même pu fêter cet événement de belle manière et il est devenu plus savoureux avec l’accession de sa troupe à la ronde ultime pour la première fois depuis 1994.
« Je l’ai vécu avec les partisans des Rangers pendant le match à Montréal. J’étais à New York dans un rassemblement de visionnement et c’était magique. J’ai commencé à interagir un peu sur les réseaux sociaux et c’était incroyable de voir les réactions, ça se propage tellement vite; c’était une très belle journée », a raconté le principal intéressé au sujet de cette date magique à ses yeux.
« À l’exception d’il y a deux ans face aux Devils, les Rangers n’étaient pas passés près d’atteindre la finale (depuis 1994). Ça prouve que c’est extrêmement difficile de s’y rendre même si ton organisation dispose de beaucoup d’argent », a reconnu Matteau qui était ravi de la coïncidence de deux décennies.
Même si les entraîneurs ont défilé, que les joueurs ont été encore plus nombreux à passer, que le mythique Madison Square Garden a subi une gigantesque cure de rajeunissement et que 20 années se sont écoulées, la magie du but de Matteau ne se dément point.
« On dirait qu’il y a une belle continuité et que ça continue même à augmenter. Après la victoire des Rangers au sixième match, les gens me suivaient avec leur téléphone pour obtenir des photos; je n’avais jamais vécu cela et on a passé de beaux moments. Je trouve cela flatteur et agréable à vivre même si ces moments ne reflètent pas la réalité du quotidien », a confié celui qui est souvent sollicité pour s’adresser aux partisans des Blueshirts à l’écran géant du MSG.
Pour ajouter une dose d’intérêt à son but, Matteau l’a enfilé aux dépens de nul autre que Martin Brodeur qui n’avait pas encore établi les fondations de sa renommée internationale. Voilà pourquoi il retient avant tout l’héritage de ce legs sur l’organisation.
« Je n’aurais surtout jamais pensé que ce but aurait un si gros impact dans l’histoire des Rangers. Plus jeune, j’étais un partisan du Canadien donc je n’avais aucune idée des choses vécues par cette organisation », a-t-il convenu.
En vivant, dans un rôle de spectateurs, les éprouvantes séries des Rangers face aux Flyers, aux Penguins et aux Canadiens, il comprend mieux la résonnance produite par son but.
« Vingt ans plus tard, en ressentant le stress d’une finale d’association, je ne peux pas m’imaginer comment j’aurais réagi comme partisan quand les Devils avaient créé l’égalité avec sept secondes à jouer dans le septième match en 1994. »
« Je n’aurais pas pu m’imaginer l’ampleur d’un septième match à New York comme partisan. Je crois que ce but a créé tout un émoi sur les amateurs en raison du côté dramatique de la situation », a-t-il enchaîné dans une entrevue au RDS.ca.
Encore aujourd’hui, Matteau partage le côté spectaculaire de ce but avec Howie Rose, celui qui l’avait décrit de façon inspirée.
« Chaque 27 mai, il communique avec moi. D’ailleurs, il a été le premier à me féliciter quand mon garçon (Stefan) a joué son premier match dans la LNH avec les Devils contre les Islanders. C’est évident que nous avons un lien particulier ensemble et c’est une personne spéciale à mes yeux. Il a eu le réflexe de savoir que c’était moi qui avait compté tandis que plusieurs journalistes de New York croyaient que le but avait été marqué par Esa Tikkanen et le fait qu’il ait crié mon nom trois fois fait encore plus vibrer les amateurs », a exprimé Matteau.
Pas loin d’être élu maire de New York!
Matteau conserve une vaste dose de fierté de ce but déterminant, mais il se réjouit aussi de sa contribution qui ne se limitait pas à celui-ci. En fait, l’attaquant gaucher a touché la cible six fois durant les séries de 1994 incluant un autre but dramatique.
« Les gens oublient celui-là, mais j’ai aussi compté un autre but en deuxième prolongation dans la troisième partie. Un but, c’était beau et ç’aurait été parfait, mais deux… », s’est-il rappelé avec le sourire dans la voix.
Cependant, un souvenir bien clair, moins positif, ne s’efface pas de sa mémoire.
« J’ai manqué un filet désert en prolongation dans le premier match de la finale contre Vancouver (qui a finalement été remporté par les Canucks). Celui-là, je le regrette, c’était un but facile. Je n’avais qu’à pousser la rondelle, mais je suis passé au-dessus. Si j’avais pu compter, je pense que j’aurais été élu maire de New York le lendemain matin! », a-t-il évoqué en riant.
Heureusement, les Rangers ont trouvé le moyen de rebondir pour remporter, en sept matchs, la coupe Stanley. Pour y arriver, les Blueshirts ont aussi eu besoin de la « garantie » de Mark Messier lors du sixième match de la finale de l’Association Est face aux Devils. Le grand meneur avait assuré une victoire des siens pour pousser la série vers un match décisif et il avait orchestré le tout avec rien de moins qu’un tour du chapeau.
« Pour être honnête, je n’avais pas vu ses déclarations dans les médias le matin. On était confronté à l’élimination et le niveau de concentration était tout simplement plus élevé. On avait tous peur de perdre surtout que c’est très difficile de gagner au New Jersey donc je n’avais pas le temps ni la tête pour lire les journaux. C’est plus tard que j’ai pris connaissance de cette histoire et ça fait que mon admiration est encore plus grande pour le grand leader qu’il est », a pointé Matteau qui a joué 957 matchs dans la LNH dont 109 en séries.
En se fiant sur son expérience, Matteau rappelle que les Rangers peuvent causer ce qui serait considéré comme une surprise en méritant les grands honneurs face aux Kings de Los Angeles.
« Les Rangers étaient cuits en perdant 1-3 en deuxième ronde face aux Penguins, puis le décès de la mère de Martin (St-Louis) est survenu. Cet incident malheureux a permis aux joueurs de prendre du recul et l’équipe n’est plus reconnaissable depuis. On peut rêver même si ça s’annonce corsé. De toute façon, personne ne se rend en finale de la LNH en pensant que ça sera facile et personne ne va baisser les bras chez les Rangers. Après tout, les Kings perdaient 3-0 contre les Sharks », a-t-il analysé.
Un pas de recul pour le bien de son fils
Il y a environ un an, Matteau a quitté son poste d’entraîneur adjoint avec l’Armada de Blainville-Boisbriand à la suite de la controverse impliquant son fils (sur la photo) avec l’équipe de la LHJMQ. Depuis ce moment, Matteau a retiré ses billes du hockey.
« Je me suis effacé de la planète le plus possible, j’ai pris ma retraite du hockey. Avec ces événements, j’ai pris du recul pour l’amour de mon garçon. En tant que père, je devais le faire pour qu’il puisse voler de ses propres ailes et c’est bien ainsi. Je me concentre sur ma fille, ma femme et mon garçon à distance avec son hockey », a relaté Matteau.
Cette décision lui permet de s’impliquer dans d’autres causes gratifiantes.
« Je travaille pour les anciens Rangers et je participe à différents regroupements. Je m’implique aussi à Lancaster en Pennsylvanie où j’ai un ami qui possède des écoles privées. J’agis comme grand frère et nous avons créé le « Matteau Goal Club ». On établit des objectifs pour les jeunes et, s’ils atteignent leur cible chaque mois, on les récompense en les amenant notamment faire des activités comme du kart et du paintball. On discute de leur vie personnelle et je le fais de manière bénévole sauf que ça m’apporte énormément », a spécifié le sympathique ancien hockeyeur.
En se consacrant à sa famille, Matteau peut épauler son fils de son mieux. Il faut dire que la saison 2012-2013 a été remplie de péripéties pour l’espoir des Devils en se déclinant de la façon suivante. D’abord, il a participé au camp des Devils pour retourner ensuite dans l’entourage de l’Armada au milieu de leur camp d’entraînement. Il a entamé la saison dans la LHJMQ, mais il s’est retrouvé au camp de l’équipe américaine des moins de 20 ans et il s’est fait retrancher le 23 décembre. Il a donc quitté la Finlande avec une très grosse déception et il est revenu dans l’encadrement de l’Armada. Le conflit de travail a été résolu dans la LNH et il a joué 17 parties avec les Devils à la reprise des activités pour finalement retourner dans le junior…
« Ce fut une année très spéciale pour un jeune de 18 ans. C’est devenu très déstabilisant de vivre une période aussi mouvementée. Quand je me mets dans ses souliers, je comprends en partie la grande déception ressentie avec tous les déplacements », a ciblé le paternel.
« Cette année, les Devils ont misé sur la stabilité et il a passé toute la saison dans la Ligue américaine pour l’aider. Il a connu une bonne saison avec quelques hauts et bas comme tous les jeunes joueurs. Il était vraiment bien encadré et je pense que ce fut un excellent choix », a poursuivi l’ancien des Flames, des Blackhawks, des Rangers, des Blues, des Sharks et des Panthers.
« Oui, ce but a changé ma vie dans un sens, mais je demeure une personne très humble et même effacée. Au Québec, je ne suis pas très connu et c’est correct ainsi. Ma famille est en une de hockey alors que ma fille et mon fils pratiquent ce sport. J’essaie de demeurer un peu dans l’ombre. Je ressens l’impact quand je me présente au MSG, mais deux rues plus loin, je suis une personne très normale et terre à terre. »
*Avec la collaboration de Chantal Machabée.