LAS VEGAS - Marc-André Fleury semblait anxieux lorsqu’il a posé ses patins sur la glace du T-Mobile Arena aux côtés du sergent Stewart Richmond du Service de police de Las Vegas, l’un des premiers répondants honorés par les Golden Knights avant le premier match à domicile de leur histoire. Le gardien sorelois a d’ailleurs poussé un long soupir après qu’il eut été accueilli par l’officier qui l’a ensuite escorté jusqu’au centre de la patinoire.

 

De retour au vestiaire après la victoire historique et convaincante de 5-2 qu’il venait de signer aux dépens des Coyotes de l’Arizona, le gardien sorelois a poussé un autre long soupir. Un soupir de satisfaction celui-là.

« Je ne crois pas que j’étais spécialement nerveux, mais oui : je voulais la gagner cette partie-là. Avec tout ce qui est arrivé ici depuis 10 jours, ça faisait du bien de voir les gens célébrer dans les gradins. C’était beau à voir. C’est vraiment une belle sensation d’avoir offert à nos partisans une victoire pour les aider à retrouver le sourire », a défilé le vétéran gardien visiblement très fier de cette victoire historique.

 

Auteur de 29 arrêts dans le cadre de sa troisième victoire consécutive cette saison, Fleury a dû modifier sa routine d’avant-match afin de prendre une part active à l’hommage que les Golden Knights ont orchestré avec brio avant la rencontre. «Il y a parfois des choses bien plus importantes que ma routine et ce soir, il était très important de prendre part à cette cérémonie en raison de tout ce qu’elle représentait pour l’équipe, pour nos partisans et les gens de la ville.»

 

Les victoires pansent les plaies

 

Après avoir répondu à des vagues de questions posées par des collègues anglophones de Las Vegas, mais aussi des quatre coins de la LNH, Marc-André Fleury a reconnu qu’il était bien au fait que lui et ses coéquipiers venaient d’établir un record de la LNH en devenant la première équipe d’expansion de l’histoire à remporter ses trois premières parties.

 

Un exploit qui est bien plus qu’une simple statistique pour Fleury et ses coéquipiers qui ont, pour la plupart, tous été largués par leur ancienne équipe afin d’être mis à la disposition des Golden Knights dans le cadre du repêchage d’expansion.

 

« Des statistiques ça demeure des statistiques, mais on a quand même raison d’être contents et fiers de ces trois victoires. Ce n’était pas évident », a souligné le gardien qui affichait un sourire beaucoup plus franc que celui du 22 juin dernier lorsqu’il s’est présenté devant ses nouveaux partisans avec un chandail des Golden Knights sur le dos.

 

« Ce processus n’a pas été facile, surtout quand tu es habitué à une équipe et à une ville où tu as habité pendant tant d’années. Mais la famille est installée. Nous sommes ici chez nous. On a une bonne gang de joueurs. Tout va mieux maintenant. C’est plus facile à accepter. Surtout quand tu gagnes », a ajouté Fleury qui a vécu des moments qui marqueront sa carrière dans le cadre de cette victoire historique.

 

« Ce n’est pas le même feeling que gagner une coupe Stanley, mais je tenais à gagner ce match. »

 

« On jouait pour la ville, pour les gens de Las Vegas ce soir », a renchéri James Neal qui a ajouté deux buts hier à sa production de trois enfilés lors des deux premières rencontres. Avec ses cinq buts en trois matchs, Neal a égalé un record établi par Réal Cloutier en 1979-1980, alors que Buddy avait enfilé cinq buts lors des trois premiers matchs de l’histoire des Nordiques de Québec dans la LNH.

 

Entouré de journalistes dans le vestiaire des Knights, le défenseur Deryk Engelland a admis que le match de mardi serait à jamais gravé dans sa mémoire. « Parler aux partisans, aux premiers répondants et aux familles des victimes comme je l’ai fait lors de la cérémonie me marquera c’est évident. Mais c’est la réaction des amateurs qui m’a le plus marqué. Vous savez, Las Vegas est une très grosse ville, mais en même temps c’est une petite communauté. Les gens sont fiers de vivre ici. Il faut y habiter ou sortir du secteur des hôtels et des casinos pour comprendre la réalité de cette ville », a commenté le vétéran défenseur qui a couronné sa soirée en marquant un but; son 23e seulement en 473 matchs en carrière dans la LNH. « J’ai été chanceux, mais je ne pourrais pas demander mieux. »

 

Départ inespéré
 

Histoire de mousser les chances de voir son équipe bondir dès le début de la rencontre, l’entraîneur-chef Gerard Gallant a lancé un message simple à ses joueurs avant la partie : « Je leur ai dit qu’ils ne joueraient jamais plus un match aussi important au cours de leur carrière et qu’ils devaient s’assurer de le commencer en force. »

 

Gallant a sans doute exagéré un peu. Car bien qu’historique et très émotif, le match inaugural de mardi ne sera peut-être pas le plus important de la carrière de ses joueurs. Mais en enfilant quatre buts en moins de 11 minutes de jeu, disons que ses joueurs l’ont pris au mot. « Pour être bien franc, je ne m’attendais pas à un départ aussi fulgurant. Mais les gars connaissaient très bien la signification spéciale de cette partie. Ils ont été rien de moins qu’exceptionnels ce soir. En offrant trois buts aussi rapides – en six minutes et 15 secondes – à nos partisans, nos joueurs leur ont donné des raisons de célébrer. C’était bruyant. L’ambiance était magique. Mais même en avant par trois buts et quatre ensuite, nos gars ont continué à jouer du gros hockey jusqu’à la fin de la deuxième période. La troisième a été moins bonne, mais nous avions une bonne avance.

 

« Quand nous avons effectué le repêchage d’expansion, il est clair que nous tenions à sélectionner de bons joueurs de hockey. Mais nous tenions aussi à repêcher de bonnes personnes. Nos joueurs l’ont prouvé sur et hors de la patinoire au cours des deux dernières semaines », a conclu Gerard Gallant qui était visiblement heureux de la victoire et du départ aussi sensationnel qu’imprévu de son équipe qui vient d’amorcer un séjour de six rencontres consécutives à domicile.

 

À des collègues italiens venus l’interviewer après la rencontre, le défenseur Luca Sbisa a reconnu avoir été étreint par de vives émotions lors de l’hommage rendu avant la rencontre. Des émotions qui l’ont empêché de bien amorcer la rencontre alors qu’il s’en est remis à Marc-André Fleury pour le sortir du pétrin à quelques reprises. « Marc-André a été simplement phénoménal lors de nos trois parties. Il nous a sauvés lors du premier match. Nous savions que nous repêchions un gardien de premier plan en juin dernier. Il le prouve maintenant », a ajouté Gerard Gallant.

 

Une bonne frousse

 

Comme le reste de ses coéquipiers, David Perron était heureux et soulagé après la victoire.

 

« Après avoir été un gros 10 minutes sans bouger sur la glace, je me demandais vraiment comment nous allions réagir. Deryk (Engelland) a fait un méchant beau discours avant le match. On savait qu’il allait parler, mais j’aurais été pas mal plus nerveux que lui si j’avais eu à l’imiter. Je suis vraiment content d’avoir gagné ce match et de voir qu’on connaît un aussi bon début de saison », a lancé le Québécois qui considère que ce début de saison aidera à tisser des liens plus rapidement avec les partisans.

 

« Les gens d’ici sont intéressés par le hockey. Par l’équipe. Ils ne connaissent pas beaucoup la «game» mais ils veulent acheter des billets des saisons. Ils sont curieux. Ils portent des chandails et des casquettes. Ils nous parlent. Ce soir, le match n’était pas à propos de nous, mais à propos de la ville et de ce qu’elle a vécu. Mais en gagnant, on attire encore plus l’attention et on le fait positivement et c’est très bon pour mousser l’engagement des amateurs vers le hockey », a poursuivi Perron qui a évité le pire le premier octobre dernier.

 

« Je devais aller manger centre-ville avec Jonathan Marchessault et Marc-André Fleury. Flower est demeuré avec sa famille et nous avons décidé de rester en banlieue sinon nous aurions été pris dans ça. Quand les premières nouvelles sont sorties, nous avons été frappés. On parlait rapidement de dizaine de morts. On s’est échangé des messages entre les joueurs pour s’assurer que tout était OK. Je me suis même senti obligé de rassurer mes parents, tellement ça devenait épouvantable comme bilan. Disons qu’on n’a pas bien dormi pendant quelques jours. »

 

Après trois victoires, les choses vont déjà un peu mieux pour Perron et sa bande. Elles vont un peu mieux aussi dans le camp de leurs nouveaux partisans qui, à coup de victoires, retrouvent peu à peu le sourire.