MONTRÉAL – Même si l’entraîneur Jon Cooper avait donné congé à ses joueurs au lendemain d’une remontée victorieuse contre les Maple Leafs de Toronto, Yanni Gourde est resté bien sage. Quand on vient de célébrer son anniversaire de naissance en amassant un point à son tout premier match dans la Ligue nationale, aucun plan de fin de soirée ne pourra de toute façon être à la hauteur du reste de la journée.

« J’ai pris le temps de relaxer et de revenir sur terre, confiait cette semaine la nouvelle recrue du Lightning de Tampa Bay. Les derniers jours ont été vraiment intenses. Premier rappel, premier match et première victoire! Je n’ai même pas pris le temps de souligner ma fête. Je me suis reposé, c’était ça ma priorité. »

Les premières journées de sa 25e année d’existence, Gourde les a passées sur un nuage. Jamais repêché- ni dans la LHJMQ, ni dans la LNH - l’ancienne vedette des Tigres de Victoriaville vit présentement un rêve que plusieurs ne le voyaient pas réaliser. Frappé par une vague de blessures qui a emporté quatre de ses attaquants réguliers alors qu’il devait jouer deux matchs en autant de jours, le Lightning l’a rappelé de son club-école lundi en même temps que Joel Vermin, son coéquipier chez le Crunch de Syracuse.

« Il m’ont dit d’être prêts pour les deux matchs, raconte l’attaquant de 5 pieds 9 et 167 livres. Lundi, malheureusement, on a joué à onze attaquants et sept défenseurs, mais Joel s’est blessé à son tour. Je me suis donc dit que j’allais peut-être avoir ma chance. »

Le lendemain, Cooper a laissé son petit nouveau sur le qui-vive. Gourde a participé à l’entraînement matinal et à la rencontre d’équipe, mais on ne lui a rien confirmé. Ce n’est qu’en soirée, lorsqu’il enfilait son équipement pour prendre part à la période d’échauffement, qu’il a déduit que son tour était venu.

« Ça arrive qu’on habille 21 joueurs et qu’il y en ait un de retranché après l’échauffement. Là, je comptais et je voyais qu’on était 20. C’est là que j’ai réalisé que j’allais jouer mon premier match. »

Gourde a effectué dix présences sur la patinoire et a été utilisé pendant près de sept minutes. Il a écopé d’une pénalité pour obstruction en première période, mais s’est repris en troisième en participant au but de Michael Blunden.

« J’étais moins stressé que je pensais l’être et tout a bien été. J’étais dans un bon environnement. C’est sûr que c’est gros, mais une fois que tes patins touchent la glace, tu oublies un peu tout et tu apprécies le moment. Ça reste un match de hockey, après tout. C’est vraiment ce que j’ai essayé de faire : vivre le moment présent et apprécier chaque petit instant de la journée. »

Gourde a atteint son but quatre ans après avoir amorcé sa carrière professionnelle. En 2012, après une saison de 124 points avec les Tigres qui s’est conclue par une élimination dès la première ronde des séries éliminatoires, il a obtenu un essai de quatre matchs à Worcester avec le club-école des Sharks de San Jose. L’année suivante, il y est retourné avec un contrat de la Ligue américaine en poche et a récolté 14 points en 54 matchs.

« C’est sûr qu’il y a une grosse différence entre le junior et la Ligue américaine. Les gars sont énormes, beaucoup plus forts. Mais je n’ai pas trouvé ça si dur. À Victo, à mon année de 18 ans, j’étais un joueur d’énergie sur les troisième et quatrième trios. Dans mon stage junior, j’ai vraiment passé par tous les rôles possibles, alors j’avais déjà cette polyvalence quand je suis arrivé pro. Je savais reconnaître les moments où mon équipe avait plus besoin de mon énergie que mon talent offensif. Je savais ce qu’on attendait de moi et c’est une partie de mon jeu que j’aime. Je suis capable d’occuper n’importe quel rôle. »

Malgré tout, à 21 ans, le natif de Saint-Narcisse a dû se remettre à la recherche d’un boulot. Il a tenté, en vain, de se tailler un poste chez les Comets d’Utica, l’équipe de réserve des Canucks de Vancouver. Il a donc dû se rabattre sur l’ECHL et est allé jouer 30 matchs avec les Wings de Kalamazoo. Les Sharks sont alors revenus dans le portrait en lui offrant un nouvel essai professionnel de 25 matchs à Worcester.

Gourde a récolté 24 points au cours de cette période. Il croyait sa production digne d’un contrat à deux volets de la Ligue nationale, mais les Sharks n’ont pu satisfaire ses attentes et il est donc retourné sur le marché des joueurs autonomes. Peu de temps après, le Crunch devenait sa troisième équipe de l’année.

La saison dernière, Gourde a disputé une saison complète à Syracuse, amassant 29 buts et 57 points en 76 parties. Il avait 13 points en 24 matchs quand l’appel du Lightning est finalement venu en début de semaine. Son premier match dans la LNH était son 240e chez les professionnels.

« Chaque étape est tellement différente pour chaque joueur. Est-ce que je l’ai fait plus ou moins rapidement que je pensais? J’y suis toujours allé au jour le jour dans la Ligue américaine. Je ne me suis jamais dit : ‘En 2015, je veux avoir mon premier rappel’. Je ne pensais pas comme ça. Je prenais chaque journée comme elle venait et peu importe ce qui allait arriver, j’allais continuer de travailler fort pour atteindre mes objectifs à court terme. Et à mesure que tu atteins tes objectifs à court terme, ton rêve devient de plus en plus réalisable. C’était ma philosophie. »

« Aujourd’hui, je vois où je suis rendu avec beaucoup de fierté. Je sais que tout le monde doit travailler fort pour atteindre la LNH, mais je suis content de la façon dont je l’ai fait. Je savoure tellement le moment présent! »