MONTRÉAL – On s’attendait à rencontrer un homme euphorique, encore sur son nuage, lorsque Olaf Eller nous a gentiment fait signe de le suivre dans les gradins déserts du Centre Bell, mercredi midi.

En 2014, Eller avait qualifié d’« exploit » la toute première victoire de l’histoire du programme des moins de 20 ans du Danemark au sein du groupe mondial. Encore aujourd’hui, le récit des moindres détails de ce triomphe fait naître une étincelle de fierté dans ses yeux bleus.

L’année dernière, après avoir survécu pour une deuxième année consécutive à la ronde préliminaire, son équipe avait fichu une sérieuse frousse aux Russes en quarts-de-finale. « On était à quelques pouces seulement du carré d’as. Ça avait été un tournoi magnifique », se souvient-il.

Cette démolition des complexes danois qui s’opère depuis deux ans s’est poursuivie mardi soir quand les jeunes Lions d’Olaf Eller ont surpris la Finlande, championne en titre et vainqueur de deux des trois dernières éditions de la compétition. La magnitude de ce tour de force n’échappe pas à l’entraîneur. Il a ressenti le tsunami provoqué par la victoire sur les réseaux sociaux. Une douzaine d’heures plus tard, il estimait avoir reçu une centaine de messages de félicitations en provenance de sa péninsule natale.

« Cette victoire a fait du bruit partout autour du monde », reconnaît-t-il d’un ton calme.

« Je sais ce que certains racontaient à notre sujet, que nous avions seulement battu la Suisse auparavant. Et c’était vrai! Mais personne ne mentionnait que nous avions aussi annulé deux fois avec la Russie et une fois avec les Tchèques. Nous avons maintenant joué douze matchs au sein du groupe mondial depuis trois ans et nous avons récolté au moins un point dans la moitié de ceux-ci. Je crois personnellement que c’est très impressionnant pour un pays qui ne compte que sur 4000 joueurs de hockey. Alors oui, le résultat d’hier était énorme. »

Mais Eller énumère ces statistiques sans jamais élever la voix ni même esquisser un sourire. C’est peut-être là le signe le plus probant de tout le progrès réalisé par cette petite nation scandinave depuis l’entrée en poste de cet enseignant de carrière à la tête de son programme de hockey U20. Quand le Danemark gagne un match au Championnat du monde de hockey junior, on ne parle plus d’un exploit, mais d’un pas vers l’atteinte d’objectifs plus ambitieux.

« Nous avons commencé à écrire une autre belle histoire, mais il n’y a encore rien de gagné », insiste Eller qui, méfiant des superlatifs, refuse de parler de la plus grande victoire de l’histoire du hockey danois.

Une nouvelle mentalité

Olaf Eller croit que la mentalité de la jeune sélection danoise a commencé à changer il y a deux ans, durant sa préparation pour le Championnat mondial junior. Inscrit au Défi mondial Junior A en Saskatchewan, le Danemark s’était incliné en finale du tournoi après avoir disposé des Russes deux fois et d’une équipe canadienne qui comptait notamment sur les services de Tyson Jost et Dante Fabbro, deux joueurs qui font partie de l’édition actuelle d’Équipe Canada junior.

« Tous ces résultats positifs nous avaient permis de nous bâtir une confiance inébranlable. Depuis, j’ai l’impression que même si la victoire n’est pas garantie – elle ne l’est jamais, évidemment - nous avons une chance contre n’importe qui. »

Cet optimisme, Eller a su le transmettre à ses jeunes élèves. Le vieux coach constate que ses joueurs, inspirés par les succès de leurs prédécesseurs, ne veulent plus se contenter de faire acte de présence sur la scène mondiale.

« C’est un exemple des petites étapes que nous devons franchir afin d’accéder au niveau supérieur, croit le père de l’ancien attaquant du Canadien Lars Eller. Il faut cesser d’être trop impressionnés quand des géants comme la Suède, la Finlande ou le Canada se dressent devant nous. L’atteinte de cette mentalité est un facteur important dans la quête du succès. L’adversaire est menaçant? Bien sûr, mais nous pouvons le battre. »

Ce genre de conviction n’est évidemment pas à l’abri des cyniques. Ceux-là ont été prompts à signaler que les dix petits tirs au but qui ont permis au Danemark de battre la Finlande les conduiront directement à l’abattoir contre un rival plus allumé. Il s’en trouvera peut-être même quelques-uns pour se réjouir d’avoir prédit la prochaine dégelée dont il sera victime.

Olaf Eller, lui, préfère se concentrer sur les perspectives de progrès. Il en a vu entre la défaite de 6-1 des siens contre la Suède en début de tournoi et la victoire inattendue contre la Finlande et réalise qu’il y a encore place à l’amélioration à l’aube du match de jeudi contre la République tchèque.

« Nos attentes sont plus élevées qu’elles l’ont déjà été, mais ça ne change rien au fait qu’on continue de se frotter à des pays qui ont beaucoup plus de joueurs et beaucoup plus d’histoire. Ce n’est pas parce qu’on connaît plus de succès depuis trois ans qu’on continuera d’en avoir simplement en claquant des doigts. Il y a encore beaucoup de chemin à faire, mais nous progressons de belle façon et c’est ce qui me rend le plus fier. »​