Prêt comme jamais
Hockey mercredi, 17 oct. 2012. 10:47 dimanche, 15 déc. 2024. 15:48
Quand Gary Bettman a pris tout le monde par surprise avec une proposition visant à ramener les joueurs sur la patinoire plus rapidement que prévu, Michel Therrien, qui dit se sentir comme un lion en cage durant ce conflit, a peut-être vu la porte de la cage s'entrouvrir.
L'ouverture est néanmoins encore bien petite pour cet homme passionné et déterminé qui tape du pied en attendant de célébrer son retour officiel derrière le banc du Canadien. Ce jour-là, il deviendra un autre oiseau rare dans l'histoire du Canadien puisqu'il deviendra le premier entraîneur à marcher une deuxième fois derrière le banc à Montréal depuis que Claude Ruel, en bon serviteur de l'organisation, avait accepté de dépanner l'équipe en remplaçant un Bernard Geoffrion étouffé par la pression, il y a 33 ans. Avant lui, Cecil Hart avait effectué le même genre de retour, il y a 79 ans.
Therrien se sent prêt comme jamais. Après son congédiement par le Canadien, son exil aura duré près de 10 ans. Toutefois, il s'en est fallu de peu pour que son retour à Montréal le confine plutôt à un rôle d'analyste à RDS.
Pendant trois ans, il a attendu que le téléphone sonne. L'appel est finalement venu du côté de Marc Bergevin, un ex-joueur des Saguenéens de Chicoutimi comme lui.
Après avoir été remercié par les Penguins de Pittsburgh, sa carrière dans la Ligue nationale aurait pu s'arrêter là, car il n'est jamais facile pour des entraîneurs francophones d'attirer l'attention à ce niveau. Quand un Francophone est inactif durant trois ans, il tombe généralement dans l'oubli.
«Quand les Penguins m'ont remercié, je me suis accordé une année sabbatique, explique-t-il. Pendant 27 ans, j'avais vécu la pédale au plancher. À mes débuts comme coach adjoint à Laval, j'occupais un poste de technicien chez Bell. Je grimpais dans les poteaux même si j'avais le vertige. Je travaillais de 7 à 16 heures puis je filais vers Laval où j'entraînais l'équipe junior à 17 heures. Mes trois semaines de vacances, je les écoulais à aller visionner des matchs de hockey d'une ville à l'autre. L'été, je n'avais plus de vacances. Je ressentais donc le besoin de décompresser et d'analyser ce qui m'arrivait. Je souhaitais pouvoir repartir sur de nouvelles bases. Je n'ai jamais perdu espoir de revenir dans la ligue. Il y a d'abord eu ce boulot de recruteur professionnel avec le Wild. Puis, mon nom a commencé à circuler au New Jersey et ailleurs.»
Si le Canadien n'avait pas appelé, une autre organisation l'aurait-elle fait? Il n'en a pas la moindre idée. Comme il a appelé, c'est inutile de s'interroger là-dessus.
Maintenant, il compte bien se montrer à la hauteur de ce vote de confiance. L'équipe occupe les bas-fonds de son association. Passer de la 15e à la huitième place constituerait un bond considérable. L'objectif peut-il être réalisé?
«Bien sûr, je l'ai déjà fait deux fois, lance-t-il avec assurance. Quand on m'a embauché la première fois, l'équipe était en 15e place. On a replacé progressivement les choses et dès la saison suivante, on éliminait les Bruins de Boston, champions dans l'Est. À Pittsburgh, l'équipe était dans la cave depuis quatre ans quand je suis arrivé. Nous avons fait un bond de 47 points au classement la première année. Deux ans plus tard, nous étions en finale de la coupe Stanley.»
Néanmoins, on ne lui a pas toujours fait la vie facile. Une certaine presse étrangère se plaisait à raconter qu'il avait du mal à s'entendre avec les jeunes stars des Penguins. Or, Sidney Crosby, qu'il a promu capitaine, a remporté le championnat des marqueurs à l'âge de 19 ans, un exploit qui ne sera peut-être jamais répété. Au moment de perdre son poste, Evgeni Malkin et Crosby étaient les deux meilleurs marqueurs du circuit. Pas mal pour des jeunes avec lesquels il ne faisait supposément pas bon ménage.
Une bande de cols bleus
Il a vieilli de 10 ans depuis son départ du Centre Bell. Il insiste sur le fait qu'il n'est plus le même coach. L'important à ses yeux, c'est de pouvoir s'ajuster dans ce métier. Il reconnaît qu'il croyait en des choses, il y a cinq ou 10 ans, en lesquelles il croit un peu moins aujourd'hui.
Il sera prêt comme jamais quand les activités reprendront. Tous les scénarios du camp d'entraînement et du début de la saison sont sur la table. Un plan différent a été prévu pour chaque situation. De leur côté, les joueurs devront se familiariser progressivement avec un nouveau système de jeu. L'accent sera mis sur l'esprit d'équipe. On veut que le Canadien forme un groupe très uni. Les individualistes et les paresseux risquent d'être confrontés à des dirigeants qui n'entendront pas à rire.
C'est aussi en équipe que les hommes de hockey ont préparé durant l'été un document représentant la nouvelle fondation de l'équipe. Ce cahier de plusieurs pages est devenu le livre de bord de tous les entraîneurs, tant à Montréal qu'à Hamilton. Les entraîneurs-chefs, Therrien et Sylvain Lefebvre, dirigeront leur équipe à leur manière, mais le jeu de base entre la maison-mère et la filiale devra être la même.
«On ne dira pas à Sylvain comment diriger son équipe, mais il connaît la philosophie de l'organisation», dit Therrien.
Dès sa nomination comme directeur général, Marc Bergevin avait une bonne idée du genre d'équipe qu'il voulait présenter. Therrien souligne qu'il a été impressionné de constater à quel point ils voyaient les choses de la même manière, Bergevin et lui. Il y a eu des divergences d'opinions normales entre les deux, mais ils parlaient généralement le même langage.
«Après ma première rencontre avec lui, j'ai compris que j'allais devenir le prochain entraîneur, admet-il. Je me sentais bien. J'étais à l'aise en échangeant des idées avec lui. Il n'y a pas eu un moment où je me suis senti intimidé.»
Depuis ce temps, ils ont retroussé leurs manches et n'ont jamais cessé de préparer ce qui s'en vient. Le prochain camp d'entraînement est planifié depuis longtemps. Tout le personnel hockey, ils étaient une quinzaine, a participé à une retraite fermée à Bromont, ce qui a pavé la voie au document dont il a été question plus tôt.
«Pas un seul dirigeant de l'équipe n'a été une étoile dans le hockey. Nous sommes tous des cols bleus, des travaillants, des gens qui s'en sont tous remis à un concept d'équipe durant leur carrière», dit l'entraîneur qui entend bien profiter de cette seconde chance.
Si tout est prêt depuis septembre, ne croyez pas qu'il se tourne les pouces en ce moment. Que font-ils tous pour tuer le temps? Therrien et ses adjoints ont les yeux rivés sur un écran. Ils analysent les matchs... de l'an dernier.
Ils ne le font pas pour se garder alerte mentalement. C'est une façon pour eux de mieux connaître les joueurs et de comprendre ce qui s'est passé pour que la saison soit aussi difficile. En somme, ils agissent comme si la saison était commencée et comme s'ils devaient analyser le match de la veille.
«On ne peut pas être plus prêts, précise Therrien dont la saison de golf s'est limitée à huit parties. C'est important pour moi de tenir mes adjoints occupés, ce qui explique en partie ces séances vidéo.»
Sa bonne étoile
Therrien semble guidé par une bonne étoile. Son parcours n'est vraiment pas commun.
Il est descendu des poteaux de téléphone pour devenir un entraîneur de hockey, ce qui allait éventuellement le mener dans la Ligue nationale au sein de l'équipe de sa ville natale. Rien de moins.
Il s'est ensuite retrouvé à Pittsburgh où il a eu le bonheur de diriger le meilleur joueur au monde, Sidney Crosby. Puis, après un purgatoire de trois ans, l'impossible s'est produit quand il s'est vu accorder une seconde occasion de diriger le Canadien.
«Je ne cacherai pas que peu d'entraîneurs ont ce genre de résumé dans leur c.v., souligne-t-il. Le Canadien a un tel impact au Québec. Quand on le dirige, on représente la population du Québec et on a la responsabilité de respecter les anciennes gloires du Canadien et les propriétaires de l'équipe. C'est une chance d'avoir pu le faire une fois et c'est une chance plus grande encore de pouvoir revenir après avoir amélioré son bagage de connaissances et d'expérience durant 10 ans.»
Il est reconnaissant envers le Canadien d'avoir mis de jeunes entraîneurs francophones au monde. Ils sont nombreux: Jean Perron, Pat Burns, Mario Tremblay, Alain Vigneault, Claude Julien, Guy Carbonneau et lui n'auraient peut-être jamais travaillé au niveau de la Ligue nationale si l'organisation, à la recherche d'entraîneurs, avait regardé ailleurs que dans sa cour.
Ce n'est pas une coïncidence si Vigneault, Julien et Therrien sont toujours là. Julien a gagné la coupe Stanley tandis que Vigneault et Therrien ont atteint la finale. Les deux premiers ont remporté le trophée Jack Adams et Therrien a été finaliste.
«L'expérience acquise ici a fait de nous de meilleurs hommes de hockey», admet le successeur de Randy Cunneyworth.
Therrien est pressé d'en faire la démonstration. Si seulement Donald Fehr et Gary Bettman peuvent le libérer de la cage dont il se sent prisonnier depuis le 15 septembre.
L'ouverture est néanmoins encore bien petite pour cet homme passionné et déterminé qui tape du pied en attendant de célébrer son retour officiel derrière le banc du Canadien. Ce jour-là, il deviendra un autre oiseau rare dans l'histoire du Canadien puisqu'il deviendra le premier entraîneur à marcher une deuxième fois derrière le banc à Montréal depuis que Claude Ruel, en bon serviteur de l'organisation, avait accepté de dépanner l'équipe en remplaçant un Bernard Geoffrion étouffé par la pression, il y a 33 ans. Avant lui, Cecil Hart avait effectué le même genre de retour, il y a 79 ans.
Therrien se sent prêt comme jamais. Après son congédiement par le Canadien, son exil aura duré près de 10 ans. Toutefois, il s'en est fallu de peu pour que son retour à Montréal le confine plutôt à un rôle d'analyste à RDS.
Pendant trois ans, il a attendu que le téléphone sonne. L'appel est finalement venu du côté de Marc Bergevin, un ex-joueur des Saguenéens de Chicoutimi comme lui.
Après avoir été remercié par les Penguins de Pittsburgh, sa carrière dans la Ligue nationale aurait pu s'arrêter là, car il n'est jamais facile pour des entraîneurs francophones d'attirer l'attention à ce niveau. Quand un Francophone est inactif durant trois ans, il tombe généralement dans l'oubli.
«Quand les Penguins m'ont remercié, je me suis accordé une année sabbatique, explique-t-il. Pendant 27 ans, j'avais vécu la pédale au plancher. À mes débuts comme coach adjoint à Laval, j'occupais un poste de technicien chez Bell. Je grimpais dans les poteaux même si j'avais le vertige. Je travaillais de 7 à 16 heures puis je filais vers Laval où j'entraînais l'équipe junior à 17 heures. Mes trois semaines de vacances, je les écoulais à aller visionner des matchs de hockey d'une ville à l'autre. L'été, je n'avais plus de vacances. Je ressentais donc le besoin de décompresser et d'analyser ce qui m'arrivait. Je souhaitais pouvoir repartir sur de nouvelles bases. Je n'ai jamais perdu espoir de revenir dans la ligue. Il y a d'abord eu ce boulot de recruteur professionnel avec le Wild. Puis, mon nom a commencé à circuler au New Jersey et ailleurs.»
Si le Canadien n'avait pas appelé, une autre organisation l'aurait-elle fait? Il n'en a pas la moindre idée. Comme il a appelé, c'est inutile de s'interroger là-dessus.
Maintenant, il compte bien se montrer à la hauteur de ce vote de confiance. L'équipe occupe les bas-fonds de son association. Passer de la 15e à la huitième place constituerait un bond considérable. L'objectif peut-il être réalisé?
«Bien sûr, je l'ai déjà fait deux fois, lance-t-il avec assurance. Quand on m'a embauché la première fois, l'équipe était en 15e place. On a replacé progressivement les choses et dès la saison suivante, on éliminait les Bruins de Boston, champions dans l'Est. À Pittsburgh, l'équipe était dans la cave depuis quatre ans quand je suis arrivé. Nous avons fait un bond de 47 points au classement la première année. Deux ans plus tard, nous étions en finale de la coupe Stanley.»
Néanmoins, on ne lui a pas toujours fait la vie facile. Une certaine presse étrangère se plaisait à raconter qu'il avait du mal à s'entendre avec les jeunes stars des Penguins. Or, Sidney Crosby, qu'il a promu capitaine, a remporté le championnat des marqueurs à l'âge de 19 ans, un exploit qui ne sera peut-être jamais répété. Au moment de perdre son poste, Evgeni Malkin et Crosby étaient les deux meilleurs marqueurs du circuit. Pas mal pour des jeunes avec lesquels il ne faisait supposément pas bon ménage.
Une bande de cols bleus
Il a vieilli de 10 ans depuis son départ du Centre Bell. Il insiste sur le fait qu'il n'est plus le même coach. L'important à ses yeux, c'est de pouvoir s'ajuster dans ce métier. Il reconnaît qu'il croyait en des choses, il y a cinq ou 10 ans, en lesquelles il croit un peu moins aujourd'hui.
Il sera prêt comme jamais quand les activités reprendront. Tous les scénarios du camp d'entraînement et du début de la saison sont sur la table. Un plan différent a été prévu pour chaque situation. De leur côté, les joueurs devront se familiariser progressivement avec un nouveau système de jeu. L'accent sera mis sur l'esprit d'équipe. On veut que le Canadien forme un groupe très uni. Les individualistes et les paresseux risquent d'être confrontés à des dirigeants qui n'entendront pas à rire.
C'est aussi en équipe que les hommes de hockey ont préparé durant l'été un document représentant la nouvelle fondation de l'équipe. Ce cahier de plusieurs pages est devenu le livre de bord de tous les entraîneurs, tant à Montréal qu'à Hamilton. Les entraîneurs-chefs, Therrien et Sylvain Lefebvre, dirigeront leur équipe à leur manière, mais le jeu de base entre la maison-mère et la filiale devra être la même.
«On ne dira pas à Sylvain comment diriger son équipe, mais il connaît la philosophie de l'organisation», dit Therrien.
Dès sa nomination comme directeur général, Marc Bergevin avait une bonne idée du genre d'équipe qu'il voulait présenter. Therrien souligne qu'il a été impressionné de constater à quel point ils voyaient les choses de la même manière, Bergevin et lui. Il y a eu des divergences d'opinions normales entre les deux, mais ils parlaient généralement le même langage.
«Après ma première rencontre avec lui, j'ai compris que j'allais devenir le prochain entraîneur, admet-il. Je me sentais bien. J'étais à l'aise en échangeant des idées avec lui. Il n'y a pas eu un moment où je me suis senti intimidé.»
Depuis ce temps, ils ont retroussé leurs manches et n'ont jamais cessé de préparer ce qui s'en vient. Le prochain camp d'entraînement est planifié depuis longtemps. Tout le personnel hockey, ils étaient une quinzaine, a participé à une retraite fermée à Bromont, ce qui a pavé la voie au document dont il a été question plus tôt.
«Pas un seul dirigeant de l'équipe n'a été une étoile dans le hockey. Nous sommes tous des cols bleus, des travaillants, des gens qui s'en sont tous remis à un concept d'équipe durant leur carrière», dit l'entraîneur qui entend bien profiter de cette seconde chance.
Si tout est prêt depuis septembre, ne croyez pas qu'il se tourne les pouces en ce moment. Que font-ils tous pour tuer le temps? Therrien et ses adjoints ont les yeux rivés sur un écran. Ils analysent les matchs... de l'an dernier.
Ils ne le font pas pour se garder alerte mentalement. C'est une façon pour eux de mieux connaître les joueurs et de comprendre ce qui s'est passé pour que la saison soit aussi difficile. En somme, ils agissent comme si la saison était commencée et comme s'ils devaient analyser le match de la veille.
«On ne peut pas être plus prêts, précise Therrien dont la saison de golf s'est limitée à huit parties. C'est important pour moi de tenir mes adjoints occupés, ce qui explique en partie ces séances vidéo.»
Sa bonne étoile
Therrien semble guidé par une bonne étoile. Son parcours n'est vraiment pas commun.
Il est descendu des poteaux de téléphone pour devenir un entraîneur de hockey, ce qui allait éventuellement le mener dans la Ligue nationale au sein de l'équipe de sa ville natale. Rien de moins.
Il s'est ensuite retrouvé à Pittsburgh où il a eu le bonheur de diriger le meilleur joueur au monde, Sidney Crosby. Puis, après un purgatoire de trois ans, l'impossible s'est produit quand il s'est vu accorder une seconde occasion de diriger le Canadien.
«Je ne cacherai pas que peu d'entraîneurs ont ce genre de résumé dans leur c.v., souligne-t-il. Le Canadien a un tel impact au Québec. Quand on le dirige, on représente la population du Québec et on a la responsabilité de respecter les anciennes gloires du Canadien et les propriétaires de l'équipe. C'est une chance d'avoir pu le faire une fois et c'est une chance plus grande encore de pouvoir revenir après avoir amélioré son bagage de connaissances et d'expérience durant 10 ans.»
Il est reconnaissant envers le Canadien d'avoir mis de jeunes entraîneurs francophones au monde. Ils sont nombreux: Jean Perron, Pat Burns, Mario Tremblay, Alain Vigneault, Claude Julien, Guy Carbonneau et lui n'auraient peut-être jamais travaillé au niveau de la Ligue nationale si l'organisation, à la recherche d'entraîneurs, avait regardé ailleurs que dans sa cour.
Ce n'est pas une coïncidence si Vigneault, Julien et Therrien sont toujours là. Julien a gagné la coupe Stanley tandis que Vigneault et Therrien ont atteint la finale. Les deux premiers ont remporté le trophée Jack Adams et Therrien a été finaliste.
«L'expérience acquise ici a fait de nous de meilleurs hommes de hockey», admet le successeur de Randy Cunneyworth.
Therrien est pressé d'en faire la démonstration. Si seulement Donald Fehr et Gary Bettman peuvent le libérer de la cage dont il se sent prisonnier depuis le 15 septembre.