La Ligue nationale a connu deux Parrains, deux directeurs généraux qui ont marqué leurs époques respectives en se distinguant par leur flair, une imagination fertile et une compréhension du hockey qui leur donnaient très souvent une longueur d'avance sur tous les autres.

Sam Pollock a été le seul dans sa classe durant 14 saisons au cours desquelles il a conduit le Canadien à neuf conquêtes de la coupe Stanley. Lou Lamoriello, qui est associé aux Devils du New Jersey depuis 26 ans, en est le président et directeur général.

On ne s'est jamais risqué à jouer au plus fin avec ces deux-là. On ne voulait pas se les mettre à dos, mais c'était surtout une marque de respect à l'endroit de deux hommes qui ont beaucoup donné à leur sport et à la Ligue nationale.

Aucun autre dirigeant de hockey n'a hérité d'un surnom qui commande autant de respect. Pollock parce qu'il faisait toujours les choses à sa manière et qu'il dominait la ligue. Lamoriello parce qu'il présente la physionomie du gars qui n'entend pas à rire. Un homme dur qui ne fait jamais d'esclandres, son sang italien fait du 100 à l'heure dans ses veines quand il n'est pas dans son humeur des beaux jours.

Le patron des Devils, qui en a assez de l'actuel conflit de travail dans le hockey, vient de l'affirmer très clairement. «Il faut faire confiance aux gens en place, mais j'ai honte pour notre sport, a-t-il déclaré. Je suis embarrassé de réaliser là où nous en sommes. C'est la meilleure expression que je puisse utiliser.» Le blâme était à peine voilé pour les deux parties.

Il y a quelques semaines, Gary Bettman a imposé une amende de 250 000 $ à Jim Devellano, des Red Wings de Detroit, parce qu'il avait osé émettre un commentaire personnel sur le lock-out. Devellano est le vice-président des Red Wings. Il en a été le directeur général durant 11 ans. Il est intronisé au Panthéon du hockey. Pas exactement un méné dans le hockey. Néanmoins, le petit Napoléon du hockey n'a pas hésité à lui faire comprendre qu'il est l'unique haut-parleur dans cette ligue en le soulageant d'une somme d'argent importante.

Allez monsieur Bettman, essayez donc maintenant d'en faire autant avec Lamoriello. Faites-le juste pour voir. S'attaquer au Godfather en pareille circonstance serait courir au suicide professionnel pour le commissaire. On n'humilie pas publiquement un personnage de cette trempe quand on dépend du bon vouloir et de l'argent des propriétaires.
Lamoriello a milité aux côtés de Bettman lors du conflit précédent. Cette fois, il dit ignorer pourquoi il a été écarté du comité de négociations. Dans certains milieux, on prétend que Bettman ne lui a pas pardonné d'avoir défié la ligue en accordant un contrat un peu tordu à Ilya Kovalchuck. En vertu d'une entente de 17 ans et de 102 millions $, le joueur russe aurait touché 95 millions $ lors des 10 premières saisons et sept millions $ pour l'ensemble des sept dernières, dont 550 000 $ pour chacune des deux dernières. La structure de ce contrat aurait permis aux Devils de limiter le salaire de Kovalchuk à 6 millions sur la masse salariale. Non seulement ce contrat a-t-il été annulé par la ligue, mais les Devils ont écopé d'une amende de trois millions de dollars. Le contrat du joueur étoile a finalement été réduit à 15 ans et 100 millions $, mais Bettman, qui a la dent longue, possède une très bonne mémoire, semble-t-il.

Il n'est pas le seul

Si certains propriétaires pouvaient se prononcer publiquement, il y aurait sans doute un bon moment qu'ils auraient manifesté leur désapprobation sur la façon de procéder de Bettman qui cherche à gagner sur tous les fronts durant cette négociation quasi à sens unique et ce, sans égard aux énormes conséquences que cela va engendrer une fois le hockey de retour sur la glace.

Plus rien ne sera jamais pareil. Des annonceurs majeurs pourraient être en train de revoir leur relation d'affaires avec cette entreprise instable au niveau des relations de travail. Dans la très grande majorité des villes de la ligue, des amateurs ne reviendront pas et ce sera très bien ainsi. Le hockey mérite d'être rabroué.

Certains propriétaires ne sont pas les seuls à penser que ce conflit a sombré dans le ridicule. Le capitaine des Coyotes de Phoenix, Shane Doan, vient d'émettre une opinion tranchante sur le sujet. Il a déclaré au quotidien Arizona Republic que les joueurs se sentent embarrassés d'affirmer publiquement qu'ils sont des athlètes de la Ligue nationale de hockey.

«On a toujours été orgueilleux de dire qu'on jouait dans la Ligue nationale. On est actuellement moins fier de l'affirmer parce que notre sport est tellement terni par ce qui se passe», a-t-il souligné.

Peut-être que Doan pourrait aller émettre son point de vue quand Donald Fehr réunit des joueurs autour de lui. Peut-être que ses collègues et lui pourraient faire comprendre à cet Américain, qui ne connaissait probablement pas la couleur de la rondelle quand on est allé le chercher pour mieux se mesurer à Bettman, qu'ils ont déjà perdu beaucoup d'argent en se bagarrant pour les dernières peccadilles encore sur la table.

Peut-être que les propriétaires modérés devraient se faire entendre eux aussi. Ils ont un droit de regard sur les agissements de leur représentant parce qu'ils paient une partie de son énorme salaire. Bettman et Fehr empochent respectivement huit et trois millions de dollars par année pour placer le hockey dans l'embarras. Tant que personne n'aura le courage de ses opinions devant ces deux négociateurs à l'ego démesuré, le hockey restera à l'extérieur des arénas.

On dit que les propriétaires viennent d'adoucir leurs revendications en présentant aux joueurs une proposition légèrement améliorée. Ne courez pas tout de suite vers les billetteries.

Tiens, tiens...

Dès que le lock-out a été déclenché, la direction du Canadien a annoncé que tous les membres de son personnel, dirigeants de hockey, préposés à l'équipement, soigneurs et employés de bureau subiraient une réduction de salaire de 20% pour toute la durée du conflit. Une façon comme une autre pour une organisation déjà riche de limiter les dépenses.

Or, chez les Devils du New Jersey, une équipe qui frôle la faillite depuis deux ans, aucun employé n'a été pénalisé financièrement durant le lock-out. Pas un seul. Lamoriello en accorde tout le crédit au propriétaire Jeff Vanderbeek qui, selon lui, a su mettre les choses en perspective.