OTTAWA - À voir Chris DiDomenico se hisser parmi les attaquants les plus productifs des Sénateurs d’Ottawa durant l’absence de Bobby Ryan et Kyle Turris, il demeure difficile d’imaginer que sa carrière a vivoté dans des circuits mineurs à la suite d’une blessure qui l’a confiné à un fauteuil roulant pendant plusieurs mois.

 

DiDomenico n’a jamais été le plus rapide ni le plus costaud. À vrai dire, au premier regard, rien ne laisse croire que son potentiel est immense. Ce n’est pas pour rien que l’Ontarien n’a jamais été repêché dans la Ligue junior de l’Ontario ce qui l’a forcé à se tourner vers la LHJMQ.  

 

Mais, lorsqu’on prend la peine de l’observer quelques instants de plus, on constate aisément que ses habiletés et son sens du hockey appartiennent à l’élite. DiDomenico l’a prouvé durant ses années dans le circuit Courteau en amassant les points à un rythme effréné.

Une blessure horrible de DiDomenico


Ce rendement a culminé au Championnat mondial junior de 2009 alors qu’il a aidé le Canada à savourer l’or en sol canadien. Il avait terminé cinquième pointeur d’un club qui misait sur des canons tels Jamie Benn, John Tavares, Jordan Eberle, Evander Kane et P.K. Subban.

 

Quatre mois plus tard, le 5 mai 2009, en pleine finale de la LHJMQ, DiDomenico a littéralement frappé un mur, ou plutôt une bande. Cet incident malheureux l’a laissé avec une fracture à un fémur et des dommages considérables à un genou.

 

« Ce n’était pas beau, c’est une des choses les plus dégueulasses que j’ai vues », racontait, lundi, Guy Boucher, son entraîneur actuel et son entraîneur à l’époque avec les Voltigeurs de Drummondville.  


« Il a eu besoin d’un an et demi pour s’en remettre », a-t-il rappelé.

 

Ça, c’était pour s’en remettre suffisamment afin de pouvoir jouer de nouveau. Mais DiDomenico était encore bien loin de son niveau optimal et ses deux années dans la Ligue américaine et la ECHL lui ont confirmé ce verdict.

 

Une victoire dédiée à DiDomenico

Pour un passionné de hockey comme lui, l’Europe devenait donc une meilleure option afin que son corps exprime de nouveau toutes les subtilités de son talent.

 

Sauf que DiDomenico ne s’est pas dirigé dans les ligues européennes de premier plan qui assurent une certaine visibilité de la part de la LNH. Oh que non! Il a plutôt entamé son périple de cinq saisons en Europe en Italie.

 

« Il a dû aller se refaire en Europe dans des ligues moins fortes. Tranquillement, il a remonté en Suisse dans la Ligue B et il a vraiment dominé. On l’a eu après à la coupe Spengler et il était meilleur que plein de gars qui étaient dans la LNH l’année d’avant », a rappelé Boucher.  

 

« Je me suis dit, à ce moment, qu’il serait peut-être capable de passer à un autre niveau. Justement, c’est grâce à lui que son équipe a monté dans la Ligue A et il a continué de briller », a poursuivi le pilote des Sens, qui ne s’est pas fait prier pour parler en long et en large de la belle histoire de DiDomenico.

 

Un retour en Amérique du Nord s’imposait donc pour le patineur de cinq pieds onze pouces et 174 livres. À la fin de la campagne 2016-2017, DiDomenico n’a pas récolté de point lors de ses trois premières rencontres dans la LNH.

 

Mais le scénario a changé cette saison. En raison des nombreuses blessures en attaque, DiDomenico a été rappelé hâtivement du club-école et il vient d’inscrire cinq points en cinq parties, dont ses deux premiers buts dans le circuit Bettman.

 

« Est-ce que je suis surpris de ce qu’il a fait dans les deux derniers matchs? Non. Vendredi, contre les Devils, il a été notre meilleur attaquant. C’est juste que je l’ai vu faire ça plein de fois auparavant », a commenté Boucher avant la rencontre contre le Canadien.

 

« Son sens du hockey est de niveau LNH tout comme sa vision et sa gestion de la rondelle. La question est de savoir s’il est capable de s’en servir match après match malgré son gabarit, sa vitesse et sa force physique. C’est à lui de le prouver », soupesé l’entraîneur.

 

Quand le destin nous a imposé un tel obstacle, on apprend à ne pas rêver trop vite. DiDomenico demeure donc extrêmement prudent quant à son avenir à Ottawa.

 

« J’ai commencé à démontrer ce que je peux accomplir dans le match contre les Devils. Je dois prouver que je peux jouer à ce niveau », a-t-il confié.

 

Sauf que, sans aucune pointe d’arrogance, DiDomenico se dit nullement surpris de sa contribution étonnante.

 

« Non, je suis confiant, je sais ce que je peux réussir sur une patinoire », a évoqué celui qui serait ravi de pouvoir inspirer certains jeunes à ne pas jeter l’éponge face à leurs rêves.

 

Même si les exemples de persévérance sont fréquents dans le sport professionnel, son histoire intéresse plusieurs de ses coéquipiers. La réaction de Derick Brassard voulait tout dire quand DiDomenico a réussi son premier but dans la LNH pour provoquer, in extremis, une prolongation face aux Devils. Brassard s’est empressé de récupérer la rondelle pour lui remettre avec un grand sourire.

 

« Il y a des histoires comme la sienne à l’occasion, c’est spécial. Le crédit lui revient de s’être accroché et aussi à l’organisation de lui avoir donné une chance. S’il continue à jouer comme ça, je ne vois pas pourquoi il ne pourrait pas rester », a confié Brassard.

 

Uniquement dans le vestiaire des Sens, on peut dresser un parallèle entre l’histoire de DiDomenico et celles d’Alex Burrows et Mike Condon qui ont confondu les sceptiques chacun à leur façon.
 

« Je pense que c’est vraiment une belle leçon. Ce n’est pas grave que ça prenne quelques mois ou quelques années pour se rendre », a souligné Condon.

 

L’impression de remonter dans le temps
 

Mais, à l’extérieur de l’organisation des Sénateurs, le dévouement de DiDomenico impressionne particulièrement ses anciens coéquipiers.

 

Christopher DiDomenico« Disons que j’ai été vraiment surpris. C’est vraiment rare que des joueurs qui passent par des petites ligues en Europe finissent par remonter et se rendre dans la LNH. Je suis vraiment content pour lui, il a travaillé fort pour tout ce qui lui arrive », a déclaré Yannick Riendeau qui avait été le meilleur pointeur (126 points) des Voltigeurs en 2008-2009.

 

« Pour être honnête, c’est certain que c’est surprenant. Tu ne vois pas ça souvent des gars qui sont éloignés de la LNH pendant cinq ans qui peuvent revenir et qui sont capables d’avoir de telles performances. Guy l’aimait beaucoup et je suis content qu’il ait pu lui donner sa chance », a souligné Dany Massé qui avait amassé 110 points durant cette saison.

 

Riendeau se souvenait que DiDomenico était déterminé, mais pouvait-il s’accrocher après tout ça?

 

« Je savais qu’il avait beaucoup de caractère, d’ambition et que le hockey était sa vie sauf que sa blessure m’a fait douter. J’avais joué contre lui dans la ECHL et je me disais qu’il allait probablement faire comme d’autres joueurs comme moi et se promener dans la Ligue américaine et la ECHL », a admis, avec admiration, Riendeau qui arrive peut-être à la fin de sa carrière après avoir subi « sept-huit opérations ».

 

Toutefois, chacun de leur côté, Massé et Riendeau croyaient que leur ancien partenaire serait capable de ne pas se limiter d’un rôle de figurant dans la LNH à condition de remporter une audition.  

 

« Je ne suis pas surpris, le jeu a beaucoup évolué dans la LNH. C’est rendu rapide et moins physique », a réagi Massé qui agit à titre d’entraîneur du Midget Espoir à Drummondville avec Alex Bourret.

 

« Ce n’est pas un joueur qui a beaucoup de vitesse, mais il possède l’un des meilleurs sens de hockey et de passeur que j’ai pu voir. D’un côté, je doutais un peu à cause de sa vitesse, mais pas de l’autre grâce à ses grandes qualités », a conclu Riendeau.

 

Par un autre beau hasard, DiDomenico n’est pas seulement réuni avec Boucher près de 10 ans plus tard. Il a aussi retrouvé son bon ami Mike Hoffman qui jouait avec lui à Drummondville. Ce contexte donc l’impression à Massé et Riendeau de remonter dans le temps quand ils regardent les parties des Sénateurs.