Avant de pouvoir juger objectivement les compétences de la majorité des entraîneurs de la Ligue Nationale de Hockey, il faut que ces derniers aient passé suffisamment de temps derrière le banc d'une équipe. “Suffisamment de temps“, mes amis, ça veut dire au moins trois saisons complètes. Idéalement, il faudrait même en compter quatre ou cinq.

Ainsi, si on peut facilement dire de Michel Therrien qu'il a fort bien réussi son entrée dans la LNH, en menant le Canadien à une participation quasi-inespérée en séries le printemps dernier, il est encore un peu tôt pour apprécier “l'ensemble de son oeuvre” et parier sur sa longévité dans les ligues majeures.

Une chose est claire et sans équivoque, cependant: le jeune entraîneur du Canadien est un homme intègre qui possède un courage remarquable dans sa prise de décision et cette qualité, particulièrement dans le contexte montréalais, pourrait l'aider à s'assurer d'une place à long terme à Montréal ou ailleurs.

La première situation qui nous vient à l'esprit, bien sûr, est celle des gardiens. Voilà plus de deux mois que Therrien doit composer avec cette réalité tranchante voulant que son gardien vedette (et la grande étoile de l'équipe) ne soit plus l'ombre de lui-même par rapport à la saison dernière. Voilà plus de deux mois qu'il constate que Jeff Hackett, considéré par plusieurs comme de la simple monnaie d'échange en début de saison, s'affiche aujourd'hui comme l'un des bons gardiens du circuit.

Or, son comportement sur ce terrain à la fois glissant et épineux a été rien de moins que remarquable jusqu'ici. Il a su “protéger” habilement chaque contre-performance de Théodore et lui a redonné le filet sans retenue à chaque fois qu'il croyait son jeune gardien apte à s'en sortir. En même temps, il a su ennoblir, publiquement et en arrière-scène, le travail irréprochable de Hackett, à un point tel que le vétéran reçoit maintenant une reconnaissance inégalée depuis qu'il est à Montréal.

Therrien a aussi été à la fois juste et courageux dans le cas de Donald Audette et dans celui de Mariusz Czerkawski. Après lui avoir fait sauter quelques matchs, il a redonné à l'attaquant québécois toutes les chances possibles (premier trio, jeu de puissance, etc.). Quant il a vu qu'il retombait dans ses mauvaises habitudes, il l'a retournée sur la galerie de presse, un point c'est tout. Présentement, il donne à l'autre à peu près la même chance et à en juger par les résultats des derniers matchs, l'issue pourrait être la même.

Son courage s'est aussi manifesté par sa patience heureuse envers certains joueurs, dont Doug Gilmour. Ou par ses défis publics lancés à ses hommes, juste avant le départ pour le premier long voyage de la saison.

Tout cela, rappelons-le, avec en toile de fond un public exigeant, impatient et fortement épris de José Théodore, une certaine presse qui tirait déjà à boulets rouges sur l'équipe avant même la fin du mois d'octobre, une direction d'équipe qui lui a donné trop de joueurs semblables et dont certains sont trop payés et, bien sûr, un petit groupe d'athlètes malheureux d'être peu ou pas utilisés.

L'histoire dira si Michel Therrien aura pu faire sa marque dans la LNH. Mais en tout cas, sur la base du courage et de l'intégrité, il a déjà donné toutes les preuves nécessaires. Et il passe le test avec distinction!