Il y aurait certainement plusieurs raisons valables pour mettre un peu d'ombre sur l'annonce du retour au jeu de Mario Lemieux.

Plusieurs se demanderont, par exemple, s'il sera en mesure de briller comme à ses bonnes années. D'autres se diront peut-être choqués par les motifs “ financiers ” qui peuvent expliquer une telle décision. Certains diront, avec raison, que le hockey ne s'est pas encore suffisamment débarrassé de l'accrochage et des coups vicieux pour que le grand Mario retrouve la passion de jouer au hockey. Tout cela est légitime.

Mais personnellement, je ne tire qu'une conclusion devant cette perspective : quel beau cadeau de Noël!

A une époque où le hockey de la Ligue Nationale bat de l'aile dans plusieurs marchés, nouveaux comme anciens, à une époque où ce sport se cherche un porte-étendard reconnu universellement, en cette ère d'expansion et de dilution du talent, il ne pouvait y avoir de nouvelle plus excitante.

Qui plus est, après la triste performance de l'équipe canadienne aux Jeux de Nagano, voilà soudainement qu'apparaît la très forte probabilité de voir Lemieux défendre nos couleurs à Salt Lake City, en 2002. Wow, vous imaginez? Sur une grande patinoire, avec et contre les meilleurs au monde, sans accrochage…

Pour l'argent qu'on lui doit…

Bien sûr, toute cette histoire serait encore plus émouvante si son retour en uniforme n'était basé que sur “ la flamme et la passion ”. Un peu comme Guy Lafleur l'avait fait à l'époque avec les Rangers de New York. Mais même si le retour de Lemieux se veut d'abord et avant tout un geste visant à protéger l'argent qui lui est dû, c'est l'ensemble du circuit qui en profitera. Partout où il passera, on s'arrachera les billets.

A Pittsburgh, où on ne s'est jamais vraiment remis de son départ en tant que joueur, on assistera probablement enfin au mouvement populaire qu'il fallait pour procéder à la construction d'un nouvel amphithéâtre. Le vieil “ Igloo ” demeure un endroit sympathique, d'accord, mais il est impossible d'y générer les revenus nécessaires pour la survie d'une équipe.

Or, si Lemieux ramène les foules, si Jagr décide de sortir de sa “ torpeur amoureuse ” et qu'il se remet à produire comme il en est capable, si les Penguins redeviennent une équipe qui peut aspirer aller loin en séries, il sera beaucoup plus facile de rallier les politiciens et le grand public autour du projet d'un nouvel édifice.

Un entre-deux historique

Si le retour de Lemieux en tant que joueur ET propriétaire se veut un événement historique pour la Ligue Nationale de Hockey, il plonge d'autant le bureau de direction du circuit et celui de l'Association des Joueurs dans une drôle de situation. Un tel entre-deux n'a jamais existé auparavant et n'avait surtout pas été prévu par l'une ou l'autre des parties. Alors que faire?

Gary Bettman se réjouira certainement de revoir Lemieux sur patins et il est probable que tout ce qu'on lui demandera, c'est de se faire remplacer, “ pour la forme ”, au Bureau des Gouverneurs. Bettman, en homme intelligent, aura rapidement saisi l'occasion exceptionnelle que représente le fait d'avoir un allié de premier ordre parmi les joueurs.

Pour Bob Goodenow et son Association, cependant, la situation est beaucoup plus embarrassante. Comment composer, en effet, avec le fait qu'un membre en règle soit aussi propriétaire d'une des 30 formations de la Ligue Nationale? Comment faire des pressions sur Lemieux pour qu'il se verse un salaire digne de son statut quand il est en même temps celui qui arrive à peine à joindre les deux bouts en tant que propriétaire? Ouch!

A l'aube d'une négociation qui s'annonce épouvantable, l'AJLNH vient de se voir remettre une autre patate chaude dont elle se serait passée volontiers.

Lindros à l'ombre

En guise de conclusion, on ne saurait contourner le fait que le retour de Lemieux vient de faire passer très loin au second rang de l'attention médiatique la saga Eric Lindros. Qui plus est, cela vient ternir davantage la réputation de “ bébé gâté qui n'a jamais rien gagné ” de Lindros.

Si Lemieux, la grande étoile plusieurs fois titrée, doit quitter la retraite pour toucher l'argent qu'il a DÉJÀ gagné plus que légitimement, comment est-il possible alors d'avoir la moindre sympathie pour Lindros qui cherche à dicter unilatéralement les conditions de la poursuite de sa carrière?

Encore une mauvaise stratégie, mon Eric. Il serait grand temps de demander à papa et maman de ne plus se mêler de tes affaires