Au cours de toutes ces années à décrire des événements sportifs, j'ai toujours eu deux niveaux de plaisir en faisant mon travail.

Le premier, tout simplement, c'est d'être un intermédiaire entre la performance sur la surface de jeu ou de compétition et vous tous qui accordez une partie de votre temps discrétionnaire à en être témoins. Le deuxième, plus fort encore, plus intense, plus émouvant dans une certaine mesure, c'est de côtoyer des athlètes exceptionnels, autant sur le plan sportif que sur le plan humain, des femmes et des hommes qui ont ce don de raviver votre faculté d'émerveillement en les regardant évoluer ou en faisant la conversation avec eux.

À n'en pas douter, Martin Brodeur fait partie de ces gens très spéciaux et sans aucun parti pris pour l'une ou l'autre des équipes impliquées dans cette finale de l'Est, on ne peut que s'animer devant la perspective de le voir retourner une autre fois à la grande finale de la Coupe Stanley, pour une cinquième fois en carrière et une première fois depuis 2003. À 40 ans, en plus!

Peu importe les statistiques, elles sont toutes plus fabuleuses les unes que les autres dans le cas de Brodeur. Mais celle voulant qu'il en soit à son 188e départ consécutif en séries, vendredi soir, est tout simplement renversante. Elle témoigne de sa longévité, certes, mais elle témoigne aussi de l'impact majeur qu'il aura eu tout au long de son parcours professionnel sur les succès répétitifs des Devils du New Jersey. Plusieurs bons défenseurs ont certainement contribué à rehausser son rendement au fil des ans, mais rien ne saurait diminuer son mérite.

Mais encore plus important que tous les chiffres, c'est la personnalité de Martin Brodeur qui alimente encore plus l'admiration qu'on lui porte. Au sein d'une organisation extrêmement méfiante envers les médias, où chaque entrevue, tournage ou entretien sont autorisés au compte-goutte, le gardien québécois fut toujours un modèle de générosité, de disponibilité et de courtoisie. Il fut toujours aussi extrêmement sensible à sa souche québécoise, insistant souvent lui-même pour poursuivre une entrevue lui permettant de donner aux médias francophones leur juste part de commentaires.

Sa technique ne fut jamais celle d'un Patrick Roy ou des excellents jeunes gardiens d'aujourd'hui, ses jambes vieillissantes le trahissent peut-être un peu plus qu'avant, les réflexes sont peut-être moins aiguisés mais globalement, il demeure encore un gardien redoutable pour l'adversaire et son niveau de compétitivité n'a pas diminué d'un cran.

Un dernier tour pour Martin Brodeur? Ne lui reste qu'à gagner l'un des deux matchs au programme de la fin de semaine. Il en est bien capable!

Deux entraîneurs qui travaillent

On peut aimer ou non les deux entraîneurs qui s'affrontent en finale de l'Est, on peut penser que l'un est trop ceci, l'autre pas assez cela. Il reste que John Tortorella et Peter Deboer sont deux entraîneurs qui travaillent très fort au cours de cette confrontation et on ne peut que leur porter une certaine admiration.

Tortorella est un homme intense, émotif, dur, parfois cinglant mais qui a fait preuve de beaucoup de force de caractère jusqu'ici. On ne se fera pas de cachette, son équipe n'a jamais été vraiment convaincante depuis le début des séries et elle a rarement ressemblé à celle qui a terminé au tout premier rang de l'Association est. Mais à chaque fois qu'elle a trébuché ou qu'elle a rencontré un obstacle, Tortorella a réussi à la relancer. Que ce soit par des temps d'arrêt opportuns lors des matchs, par un commentaire approprié devant les journalistes, par une utilisation variée de ses joueurs selon l'allure d'une rencontre, il a su empêcher son équipe de sombrer à plusieurs occasions.

Peter Deboer, quant à lui, aura su mettre ensemble les bonnes ressources quand il le fallait. La composition de son quatrième trio et son utilisation judicieuse constitue un bon exemple. Sa façon de jongler avec ses principales ressources en attaque fut aussi très adéquate jusqu'ici. Et que dire du rendement de cette unité de défenseurs « sans noms » qui, depuis le début de cette finale, est grandement responsable de l'inertie des meilleurs attaquant des Rangers. Appuyé de façon remarquable par Larry Robinson, Deboer a réussi à donner un appui supplémentaire de taille à son gardien en territoire défensif.

Les deux hommes ne gagneront peut-être pas un prix de convivialité avec les médias jusqu'ici mais chose certaine, les deux semblent avoir l'appui indéfectible et le respect total de leurs joueurs. Et c'est vraiment tout ce qui importe à ce stade critique.