On ne saura jamais exactement si Bob Gainey a quitté de lui-même ou s'il a reçu une petite tape dans le dos afin de le faire.

Ce qui me surprend le plus de cette décision, c'est le moment auquel elle survient. Le Canadien se bat pour une place en série, la période des échanges approche à grands pas. Je ne m'attendais vraiment pas à ce que Bob quitte. C'est une surprise pour moi.

C'est une situation qui arrive comme un cheveu sur la soupe, personne ne l'a vu venir. Ce genre de situation se produit habituellement après les séries éliminatoires mais, à ce moment-ci de l'année, c'est assez difficile à comprendre et plutôt surprenant.

Une chose est certaine, c'est que Bob Gainey faisait face à beaucoup de pression après avoir, pas plus tard que l'an passé, décidé de faire beaucoup de changements et de laisser partir près de la moitié de l'équipe.

Il affirme avoir pris cette décision pendant le temps des Fêtes. À mon avis, il a vraiment quitté de son propre chef.

Une expérience en dents de scie

Le passage de Bob Gainey à Montréal a été rempli de hauts et de bas. Pour un directeur général, le but ultime est d'amener son équipe en finale de la Coupe Stanley et de gagner le championnat de la Ligue et ça, Bob ne l'a pas fait.

Depuis qu'il est entré en poste, le Canadien n'a jamais passé au-delà de la deuxième ronde. Lorsqu'on prendra un peu de recul et qu'on fera le bilan du passage de Bob Gainey à la direction de l'équipe, c'est sûr que ce point apparaîtra toujours dans la colonne des déceptions.

Bob Gainey lui-même s'est toujours fixé des objectifs très hauts et il sera déçu de son incapacité à construire une équipe capable d'aller au-delà de la deuxième ronde.

Après la saison de 104 points de 2007-08, il était franchement permis de croire aux chances de ce club de remporter les grands honneurs. Qu'arrive-t-il? Ils se font éliminer au second tour par les Flyers de Philadelphie en cinq matchs.

L'année passée? Même chose. C'est vraiment difficile de percevoir comme le passage de Bob Gainey dans la métropole comme un franc succès. Ça a été des hauts et des bas, c'est aussi simple que ça.

Quand on t'engage comme entraîneur-chef ou directeur général, c'est pour amener ta formation au plus haut niveau, ce qui n'a pas été fait.

Un bilan en demi-teinte

Le meilleur coup de Bob Gainey pourrait encore être la sélection de Carey Price. C'est sûr que ça tarde à venir dans son cas, mais à 22 ans il a encore le temps de se développer et d'atteindre son plein potentiel. Je ne suis pas prêt à lancer la serviette dans le cas de Price. J'espère encore qu'il deviendra le gardien que l'on s'attendait qu'il devienne.

Ce qu'il est important de souligner du passage de Gainey au 7e étage du Centre Bell, c'est sa capacité à amener des joueurs de la trempe de Brian Gionta ou Michael Cammalleri à Montréal alors que tout le monde disait que les joueurs autonomes de premier plan n'avaient aucunement l'intention de signer avec le Tricolore.

Ces joueurs-là avaient d'autres endroits où s'en aller et ils ont malgré tout choisi Montréal. Il faut donner le crédit à Bob Gainey pour avoir prouvé une fois pour tout que même les meilleurs joueurs voulaient et pouvaient s'amener ici.

À l'autre bout du spectre, Gainey est loin d'avoir été parfait comme directeur général.

La plus grosse critique que l'on peut lui faire est la qualité de ses choix aux repêchages. On n'a qu'à penser à Matt D'Agostini, Max Pacioretty ou encore David Fischer. Inutile de vous dire que je n'inclus pas Price dans cette liste.

Peut-être que la responsabilité ne lui revient pas directement, mais je crois que le développement des jeunes a été une grande lacune de l'organisation sous son règne.

Il y aussi le dossier Georges Laraque. À la défense de l'ancien DG du Canadien, presque tout le monde a applaudi lorsqu'il a fait l'embauche de l'homme fort. Les gens se disaient « enfin, le Canadien l'a son gars tough. »

Maintenant, avec le recul, on s'aperçoit que cela était une erreur. Toutefois, aucun directeur général peut affirmer ne s'être jamais trompé et tout le monde en fait des erreurs.

Comme tout le monde, Gainey a commis ses fautes. On ne peut cependant pas lui reprocher de ne pas avoir essayé d'améliorer son club, mais seulement critiqué l'incapacité des équipes qu'il a construites à se rendre loin dans le tournoi printanier.

Le Canadien entre bonnes mains

Pierre Gauthier, le nouveau directeur général du Canadien, est un homme avec beaucoup de vécu qui a eu l'occasion de se faire la main à plusieurs reprises dans la LNH, notamment en dirigeant à Anaheim. C'est un gars qui en a vu d'autre.

Ça fait déjà six ans et demi qu'il est au sein de l'organisation, il sait dans quoi il s'embarque et est loin d'être dans un environnement inconnu en s'amenant ici.

Il faut comprendre que ce n'est pas une verte recrue qui remplace Gainey. Gauthier connaît bien les rouages de la machine et a le véritable avantage de connaître tous les joueurs de l'organisation comme le fond de sa poche.

À partir de maintenant, l'équipe lui appartient et c'est à lui qu'incombe la responsabilité de faire les changements nécessaires pour l'améliorer.

Quels changements? Comme je viens de le dire, la décision lui revient. Une chose est sûre, le personnel qui l'entoure restera en place.

Gauthier adore la façon dont travaille Jacques Martin et lui fait entièrement confiance. De toute façon, la stabilité au niveau de l'entraîneur est tellement importante qu'il serait bien mal venu d'effectuer un changement après que Martin ait passé à peine une cinquantaine de matchs à la barre du club. De toute façon, ce n'est pas comme si ça allait mal chez le Canadien, alors l'entraîneur n'a pas à craindre pour son poste.

Il connaît déjà bien l'équipe et il n'aura pas besoin de perdre du temps à analyser ses forces et ses faiblesses. Maintenant, s'il peut faire une ou deux transactions pour améliorer l'équipe, je suis convaincu qu'il le fera.

À quoi peut-on s'attendre du Canadien? Qui sait?

À mon avis, le Canadien doit obligatoirement accéder aux séries éliminatoires dès cette année et réussir là où Bob Gainey ne l'a jamais fait, soit accéder au troisième tour des séries.

Le Canadien, comme il est aujourd'hui, n'a pas ce qu'il lui faut pour réussir cette mission. Avec tous ces joueurs de premier plan en santé, le Canadien peut représenter une équipe menaçante, mais il lui manque quand même un petit quelque chose.

Sans chambouler l'équipe de bout en bout, l'ajout d'un joueur ou deux serait absolument nécessaire afin d'améliorer la formation, notamment à cinq contre cinq.

L'ajout d'un attaquant, au centre ou à l'aile, au gabarit imposant et capable de marquer une trentaine de buts serait primordial. Autre ajout à considérer, l'arrivée d'un défenseur offensif aussi capable de se débrouiller en défense afin d'aider Andrei Markov dans sa mission à titre de quart-arrière du club.

L'équipe n'est pas loin d'avoir ce qu'il faut pour devenir une réelle menace, mais il lui manque encore ce petit quelque chose. La responsabilité de trouver ce petit quelque chose revient maintenant à un homme, Pierre Gauthier.

*propos recueillis par Jean-Simon Landry