D’Edward Skorek à Carey Price
Jeux Sotchi 2014 mardi, 11 févr. 2014. 12:23 jeudi, 12 déc. 2024. 05:34Je serai toujours reconnaissant à la vie de m’avoir fait cadeau de la flamme olympique. Je ne parle pas de la vasque qu’on allume tous les deux ans ou de celle qui se transmet de porteur en porteur, avant le début des Jeux olympiques. Je parle de celle qui m’anime encore, même après 37 ans de couverture. J’ai été particulièrement privilégié d’avoir pu couvrir mes premiers Jeux chez nous, à Montréal, en 1976. Et je l’aurai été tout autant en étant sur place pour les deux autres qui eurent lieu dans notre pays, à Calgary en 1988 et à Vancouver en 2010. Pour cette première chronique en marge des Jeux de Sotchi, j’aimerais partager avec vous quelques-uns des moments magiques qui ont marqué mes dix Jeux précédents.
D’abord le volleyball
C’est au volleyball que je fus assigné par le directeur des sports de CKAC (un certain Claude Mailhot!) lors des Jeux de Montréal, en 1976. Je ne savais pas trop à quoi m’attendre, à tous les points de vue, mais j’ai rapidement compris que la compétition sportive à laquelle j’allais assister sortirait de l’ordinaire, surtout chez les hommes. Aux puissances établies qu’étaient le Japon, la Russie et Cuba s’ajoutait une puissance montante, la Pologne. L’équipe polonaise, c’était celle d’Edward Skorek, qui fut considéré par plusieurs, à l’époque, comme le meilleur joueur de volleyball au monde. Il en était à ses troisièmes et derniers Jeux et semblait dans une bulle à Montréal. Il répéta exploit par-dessus exploit sur le terrain et fut au cœur d’une des plus grandes rencontres sportives présentées dans l’histoire des JO, soit la demi-finale Pologne-Japon. Le match s’est joué en cinq manches et Skorek a littéralement « volé » la rencontre à lui seul lors de la cinquième. Le vieux Forum était en liesse! Les spectateurs présents n’en revenaient tout simplement pas de voir à l’œuvre un athlète aussi dominant. La Pologne allait finalement l’emporter en grande finale contre l’URSS et les Japonais, complètement démolis par cette défaite, ont finalement concédé le bronze à Cuba. Je ne pouvais espérer meilleur scénario comme baptême olympique!
Mes premiers pas olympiques à la télé eurent lieu à Los Angeles, en 1984. J’étais à la fois heureux et anxieux, car j’allais y côtoyer mes idoles de toujours : René Lecavalier, Richard Garneau, Raymond Lebrun, Pierre Dufault et Lionel Duval, entre autres. Loin de me faire sentir comme un intrus sans expérience, ils furent au contraire d’une générosité et d’une gentillesse énorme à mon égard. Mon terrain de travail cette fois était le bassin olympique, sur le Lac Casitas, dans la vallée de l’Ojai, à pas moins de deux heures de route de Los Angeles. De cette première assignation à la télé, je retiendrai surtout deux choses. La première fut la performance exceptionnelle de l’un des deux plus grands athlètes de l’histoire de l’aviron, le Finlandais Pertti Karppinen, qui allait y remporter sa troisième médaille d’or consécutive en skiff! Mais l’autre, ce fut de partager avec mon analyste Denis Barré, la médaille d’argent en K-2 et celle de bronze en K-4 de son épouse Alexandra, en direct, à la télé. Denis en avait les larmes aux yeux et avait peine à contenir ses émotions. Ce furent des moments de télé absolument magiques qui me firent réaliser à quel point l’aspect humain des Jeux était ce qu’il y avait de plus fort.
À Calgary, en 1988, je fis mes premiers pas dans l’univers du hockey, à titre de présentateur et d’intervieweur. Ce fut la véritable dernière occasion d’assister à la grande domination soviétique, qui passait alors à l’époque par le fameux trio « KLM », composé de Vladimir Krutov, Igor Larionov et Sergeï Makarov.
À deux pas de Bailey!
Après une absence de 8 ans, j’ai retrouvé l’arène olympique de façon un peu différente, à Atlanta, en 1996. Après avoir décrit les compétitions de judo, dont la malheureuse défaite de Nicolas Gill, le grand favori, c’est directement sur le terrain, dans le grand stade, que j’allais vivre la suite, dans ce que nous appelons la zone mixte, un endroit où défilent les athlètes après leur performance et où on peut réaliser avec eux des entrevues à chaud. Ce fut d’abord le drame pour le Canada, avec l’élimination de Bruny Surin en demi-finale. Comment oublier sa peine et sa déception, devant moi, au micro de Radio-Canada? Puis, ce fut l’euphorie, avec la victoire de Donovan Bailey, un triomphe qui jeta une véritable douche d’eau froide chez les Américains, dans les gradins du grand stade. La conclusion fut tout aussi euphorique pour nous avec la conquête canadienne de la médaille d’or au relais 4 X 100 mètres, au cours duquel Bruny « tourna » l’un des plus mémorables avant-derniers relais et donna le témoin à Bailey avec une avance insurmontable! Il fallait vivre le silence, dans le stade, qui fut soudainement envahi d’une froideur qui lui donnait une allure indescriptible.
« Go Brian ! » Et oui, j’ai bel et bien lancé ce cri du cœur au beau milieu du parcours de descente du Canadien Brian Stemmle, à Nagano. Stemmle prenait le départ bien après les favoris et ne devait pas, en principe, espérer une bonne position à l’arrivée. Sauf que les conditions se sont améliorées sur la piste et ceux qui prirent le départ plus tard eurent droit à un parcours beaucoup plus rapide. À mi-chemin, Stemmle menait par une ½ seconde, d’où ma réaction spontanée en ondes! Malheureusement, son ski a mordu dans une rainure particulièrement profonde et ce fut pour lui la fin d’une course qui allait assurément lui donner une médaille d’or miraculeuse!
Arrive RDS !
RDS fit son entrée dans le monde olympique en 2000, aux Jeux de Sydney. En tant que chef d’antenne de nuit, en studio, j’ai eu le bonheur d’être à l’avant-scène de ces premiers pas qui furent mémorables puisqu’il marquèrent pour notre réseau, son véritable passage à l’âge adulte. Mais encore plus mémorable fut la diffusion de notre toute première compétition : le triathlon! Non seulement s’agissait-il de la toute première épreuve de l’histoire de ce sport, aux JO, mais comble de chance, c’est le Canadien Simon Whitfield qui en fut le grand vainqueur! Il faut croire que notre association avec le monde olympique devait d’abord passer par l’or!
C’est à Salt Lake City, en 2002, que j’ai décrit mes premiers matchs de hockey olympique et par le fait même, l’une des plus grandes surprises de l’histoire. Lors d’un match quart de finale qui devait se disputer à sens unique, le Bélarus parvint à vaincre la Suède, dans des circonstances absolument incroyables. Un tir boiteux de 70 pieds de Vladimir Kopat réussit à déjouer le gardien Tommy Salo, avec 2 :24 à faire à la troisième. Les Suédois ont tout tenté pour niveler la marque, mais n’ont pu y parvenir. Le Bélarus allait par la suite s’incliner en demi-finale contre le Canada, mais venait assurément de signer le plus grand exploit de son histoire olympique en hockey.
Cela dit, toujours avec le même rôle, j’ai aussi eu le privilège de voir de près la revanche des Suédois, à Turin en 2006, qui récoltèrent l’or aux dépens de leurs grands rivaux, les Finlandais.
Les Jeux de 2010, à Vancouver et ceux de 2012, à Londres furent tout simplement ceux de la consécration pour notre grande famille de diffusion. Pour la première fois de notre histoire, nous allions assurer nous-mêmes la production télévisuelle des JO et malgré le scepticisme de plusieurs, nous avons non seulement réussi à relever le défi, mais nous avons créé une toute nouvelle norme en matière de diffusion olympique. L’ère des multiples plates-formes et du concept « tout voir, tout le temps » fut mise en branle par notre groupe et connut un succès instantané auprès du public.
Sur une base personnelle, j’ai vécu des moments tout simplement extraordinaires en animant les quatre cérémonies en compagnie de Richard Garneau et en ayant le privilège de décrire le but gagnant de Sidney Crosby, à Vancouver et les grandes performances d’Usain Bolt et compagnie dans le grand stade de Londres, là aussi aux côtés de Richard.
Me voilà donc, 37 ans plus tard, assis dans la grande salle du Centre de presse de Sotchi, en train de vous écrire ces quelques modestes réflexions et de ressentir encore une très grande fébrilité à me retrouver à nouveau dans cet environnement unique. Je remercie sincèrement la direction de RDS qui fut à l’origine de cette opportunité qu’elle a créée pour moi, de concert avec le service des sports de Radio-Canada. Mon rôle est peut-être un peu plus effacé à Sotchi, mais comme je dis souvent, il n’y a pas de « petits rôles » lorsque l’on couvre les Jeux olympiques. Il n’y en a qu’un : celui de vous faire vivre le mieux possible chaque seconde de ce grand rassemblement sportif et…humain!
De Montréal à Sotchi.
D’Edward Skorek à…Carey Price!
Ce fut jusqu’ici un très beau parcours, mes amis. À bientôt.