KRASNAÏA POLIANA, Russie - En sortant un lapin de son chapeau lors du super-G, dimanche aux Jeux olympiques de Sotchi, Jan Hudec a peut-être sauvé l'avenir du ski alpin canadien. Ou du moins, celui de la génération actuelle de skieurs qui composent le coeur de l'équipe masculine.

Déjà obligé d'amputer son budget d'opération depuis les JO de Vancouver en 2010 en raison du retrait de commanditaires, Canada Alpin aurait risqué de souffrir davantage financièrement au cours de la prochaine olympiade si Hudec n'avait pas décroché la médaille de bronze, dimanche, et ainsi mis fin à une disette de 20 ans.

Car à moins que les slalomeurs ou les spécialistes du ski-cross aient ensuite sauvé la mise de façon spectaculaire au cours de la deuxième semaine des Jeux de Sotchi, Canada Alpin aurait dû répondre de ses actes devant l'absence de résultats probants depuis 1994. En conséquence, le programme « À nous le podium » aurait fort probablement retiré de l'argent au ski alpin afin d'en donner plus à d'autres sports plus performants.

« Finir quatrième ou cinquième ne valait rien, ça prenait absolument des médailles », a reconnu Erik Guay.

« Le programme s'appelle "À nous le podium", pas "Allons, essayons de bien faire", a noté le chef de mission de la délégation canadienne, Steve Podborski, qui est un ancien skieur. Nous avons de grands skieurs, mais ils avaient besoin d'obtenir des résultats dans les moments cruciaux.

« J'en parlais avec les gars avant la course et c'est clair que c'était crucial pour eux d'en remporter une, a ajouté Podborski. Parfois, il suffit d'un dixième de seconde pour qu'un succès potentiel s'évanouisse. Mais dans ce cas-ci, Jan a créé un succès, qui est bien mérité, et qui va permettre à l'équipe de continuer à aller de l'avant au cours des quatre prochaines années. »

Manuel Osborne-Paradis a décrit avec éloquence et passion ce que la médaille de Hudec signifie pour l'ensemble de l'équipe canadienne masculine de ski alpin, dont il est un des vétérans.

« Nous avions vraiment besoin d'une médaille pour que le programme survive, a-t-il souligné. Notre programme est bon mais avec moins d'argent, nous n'aurions pas été en mesure d'atteindre les objectifs que nous aurions voulu nous fixer.

« La raison pour laquelle notre équipe a été aussi bonne ces dernières années, c'est parce qu'avant les Jeux de Turin (en 2006), on a décidé qu'on allait investir beaucoup d'argent en vue des Jeux de Vancouver, et nous avons été en mesure d'exceller à cause de ça, a expliqué Osborne-Paradis. Mais c'est plus difficile depuis Vancouver. En espérant que ceci sera le coup de barre qui permettra à Jan, Erik et moi de couronner le reste de nos carrières avec du financement qui nous permettra de réaliser nos rêves. »

Si Hudec avait été plus lent d'un seul centième de seconde et s'était contenté d'une quatrième place, les carrières des trois têtes d'affiche du ski alpin canadien se seraient sans doute terminées sur une note amère, a laissé entendre Osborne-Paradis. Et ce, après avoir déjà vécu l'amertume des Jeux de 2006.

« Erik, qui est venu si près (avec sa quatrième place en super-G) à Turin, François Bourque, qui menait après la première manche (du slalom géant) et qui a ensuite fini quatrième, John Kucera et moi, qui étions deuxième et troisième au super-G, et ensuite on décide d'annuler la course alors que seulement quelques coureurs n'avaient pas pris le départ... Ces Jeux-là nous ont vraiment mis à terre », a-t-il rappelé.

« Vancouver nous a remonté un peu le moral, mais de venir ici et de voir que quelqu'un a finalement réussi à donner la bonne performance au bon moment, c'est formidable. C'est tellement cool de voir quelqu'un se retrouver enfin sur le podium, après trois Jeux olympiques en compagnie d'Erik et Jan.

« C'était un peu frustrant pour nous de connaître de si grands échecs aux Jeux, et ensuite de retourner en Coupe du monde et de recommencer à aligner les podiums... »

La médaille de Hudec survient au moment où Martin Rufener, l'ancien entraîneur-chef de l'équipe suisse, s'apprête à chapeauter le programme canadien dans son ensemble en vue de la prochaine olympiade.

« C'est énorme, a dit Rufener du podium de Hudec, dimanche, lui qui occupe seulement les fonctions d'entraîneur-chef de l'équipe masculine pour l'instant. Quand je suis arrivé l'an dernier, c'était dans le but de gérer le programme pendant les quatre ans menant aux JO de 2018. S'il avait fallu entreprendre cette période sans avoir gagné une médaille ici, nous aurions été dans le trouble.

« C'était très important pour montrer à nos supporteurs à travers le pays que nous pouvons bien faire et que nous sommes sur la bonne voie. »