Depuis mon retour de Rio, mercredi dernier, je suis renversé par la quantité de gens qui m’abordent pour me parler des derniers Jeux d’été. À n’en pas douter, ils furent suivis avec beaucoup d’intérêt, mais aussi, visiblement, avec une très grande passion. Malgré tout ce qui a alimenté l’actualité jusqu’à la cérémonie d’ouverture (dopage, incertitudes sur les installations, pollution, problèmes logistiques, virus Zika, désordre politique, etc.), les premières heures de compétition eurent tôt fait de provoquer ralliement, réconciliation et admiration. Il faut croire qu’une grande majorité de gens sur cette terre craquent encore pour les Jeux !

Ils craquent pour les performances, les records, les médailles, certes, mais ils craquent aussi et surtout, pour l’histoire de chaque athlète qu’ils voient à l’œuvre, en personne ou à la télé. Ils craquent pour les larmes d’une médaillée sur le podium, pour l’entraide d’un coureur de fond auprès d’un rival ou en voyant sur la piste ou dans la piscine, une jeune femme ou un jeune homme provenant du nouveau programme des réfugiés du CIO. Ils craquent pour les porte-couleurs de leur pays tout en applaudissant et en reconnaissant sincèrement ceux des autres nations. Ils craquent tout autant pour les cris de joie des vainqueurs que pour les aveux d’échec de ceux qui terminent derrière.

Ils craquent, au fond, pour une forme d’idéal humain auquel on veut croire encore, malgré tout ce qui nous en éloigne, quotidiennement. Pas seulement vis-à-vis le mouvement olympique et le sport en général, mais par rapport à toutes les facettes de la vie. À travers scandales, tricheries, démesure, jeux de coulisses et pirouettes politiques, les Jeux olympiques demeurent, pendant 17 jours, tous les deux ans, une plate-forme porteuse d’espoir. Le message est organisé et encadré, certes, mais il n’en contient pas moins des valeurs fondamentales, tant sur plan du dépassement de soi que sur celui du respect d’autrui et du bien commun. 

Qu’on le veuille ou non, peu importe les raisons, la magie des Jeux olympiques est encore bien loin de s’éteindre.

Mon moment magique

Le stade olympique de Rio fut le théâtre d’exploits mémorables. Trois records du monde, neuf records olympiques, près d’une centaine de records nationaux et un nombre impressionnant de records personnels, difficile de demander mieux pour l’ensemble du programme d’athlétisme. Et c’est sans compter sur des accomplissements historiques, comme le troisième triplé d’Usain Bolt et le deuxième doublé de Mo Farrah dans les épreuves de fond, deux athlètes d’exception qui entrent maintenant dans la légende.

Mais que dire de la prestation historique du Canada ! Au diable le chauvinisme, les athlètes d’ici nous ont ébloui comme jamais auparavant. Aux six médailles historiques récoltées sur la piste et sur la pelouse, s’ajoutent des performances exceptionnelles, comme ces merveilleuses quatrièmes places de Melissa Bishop au 800 mètres, de l’équipe féminine du relais 4 X 400 mètres, d’Ahmed Mohammed au 5000 mètres et d’Evan Dunfee au 50 kilomètres marche. S’ajoutent aussi quelques records nationaux ainsi que l’atteinte d’objectifs personnels importants comme ce fut le cas pour Geneviève Lalonde, qui a atteint la finale du 3000 mètres steeplechase féminin et Charles Philibert-Thiboutot, qui a atteint le deuxième tour du très relevé 1500 mètres chez les hommes.

Mais l’étoile des étoiles pour le pays, indéniablement, fut Andre De Grasse! Et il est l’un des acteurs de mon véritable moment magique, vécu dans le grand stade. Je dis « l’un des acteurs », car je ne fais pas directement allusion à l’une de ses trois médailles. Je parle plutôt du moment où la « vraie » magie s’est installée dans son cas, quand lui et Usain Bolt ont trotté en souriant et en faisant la conversation en conclusion de leur demi-finale de l’épreuve du 200 mètres !

Déjà réunis par le biais de leur commanditaire principal, le comportement complice des deux sprinters s’est d’abord avéré rafraîchissant comme rarement on avait connu auparavant dans l’histoire des Jeux olympiques. Mais avec le recul, ce moment s’est avéré finalement beaucoup plus puissant. Bolt, le grand roi, même s’il en riait, n’a pas apprécié que le jeune prétendant le fasse travailler aussi fort pour passer à la finale. Il l’a dit haut et fort en conférence de presse immédiatement après. « Le petit jeune doit apprendre à ne pas pousser inutilement », fut l’essentiel de son message. La réplique de De Grasse fut remplie de caractère. « Je cours toujours pour me dépasser », dit-il, en substance. Ce fut le prélude à une course magnifique, dont le déroulement fut parfait, en couronnant Bolt à nouveau, mais en établissant De Grasse comme son successeur légitime.

Des gens de cœur

On me demande souvent, aussi, mon appréciation sur l’organisation de ces Jeux. Il y eut tellement de sombres perspectives véhiculées dans tous les sens avant le début des compétitions que la question est parfaitement légitime. Il faut avouer aussi que Londres avait placé la barre à une hauteur presque impossible à atteindre, en organisant des Jeux frôlant la perfection !

Alors ?

Alors, je donne quand même une très bonne note à Rio, à son comité organisateur et surtout, à ses bénévoles et à ses habitants. En contrepartie des irritants que vous connaissez (l’eau verte du bassin de plongeon, les innombrables problèmes de transport, les bris de tuyaux dans le village des athlètes, les pannes de courant dans le village des médias, l’étalement géographique des installations, l’inachèvement de différentes infrastructures routières et hôtelières), les « Cariocas » nous ont reçu de la façon qu’ils connaissent le mieux : avec leur cœur et leur joie de vivre contagieuse ! 

À mesure que les Jeux se déroulaient, on en venait à être de plus en plus charmé par la gentillesse et l’humilité de nos hôtes. On en est venu à s’adapter à l’absence de rigueur dans certaines facettes de l’organisation et à s’habituer à cette faculté de « régler les problèmes quand ils surviennent ». Résultat, les athlètes ont offert un niveau de performance exceptionnel, peu importe les aléas, les médias ont pu effectuer leur travail en toute quiétude et dans des conditions plus qu’adéquates et les visiteurs du monde entier furent traités avec respect et dignité. 

Rio avait l’énorme pression de prouver que l’Amérique du Sud, comme vaste région du globe, pouvait organiser un événement d’une telle envergure, avec en toile de fond de sérieux problèmes politiques, sociaux et économiques. Rio a réussi sa mission, contre vents et marées ! On ne peut qu’être reconnaissant envers ses gens et avoir envie de découvrir davantage cet endroit magnifique.

Obrigado Rio de Janeiro, Muito Obrigado! Espero voltar a ver-te em breve!