La résurrection de Pierre-Carl Ouellet
Lutte jeudi, 26 avr. 2018. 09:21 dimanche, 15 déc. 2024. 05:55Il y a quelques semaines, La Nouvelle-Orléans nettoyait encore les débris sur la mythique rue Bourbon après les festivités annuelles du Mardi gras lorsqu’elle se préparait à recevoir un autre groupe de touristes au cœur de la ville croissant.
En effet, la WWE de Vince McMahon établissait résidence en Louisiane pour la présentation de la 34e édition de Wrestlemania, le 8 avril. Avec plus de 75 000 spectateurs attendus au Mercedes-Benz Superdome, Wrestlemania est sans l’ombre d’un doute la fête de la lutte la plus courue au monde. Si bien que depuis quelques années les activités avant et après la soirée du dimanche se multiplient et on parle d’une semaine complète où la ville hôte devient le théâtre de la lutte professionnelle.
Avec autant d’amateurs de lutte agglutinés à un même endroit, les fédérations indépendantes tentaient tant bien que mal d’augmenter leur visibilité en se collant à ce rayonnement de la WWE. Des dizaines de soirées de lutte étaient présentées avant Wrestlemania aux alentours de La Nouvelle-Orléans et dans cette offre spectaculairement abondante, un nom détonait sur les affiches : celui de Pierre-Carl Ouellet, ou PCO comme il préfère se faire appeler aujourd’hui.
Pour les amateurs de longue date, Ouellet est l’ancien champion par équipe de la WWF aux côtés de Jacques Rougeau en 1993 et 1994. Une moitié des turbulents Quebecers, mais aussi Jean-Pierre Lafitte plus tard lorsqu’il se retrouva à lutter seul. Ensuite, comme plusieurs autres lutteurs à l’époque de la rivalité entre la WWF et la WCW, il fera le saut du côté d’Atlanta pour la compagnie rivale où il fera revivre son équipe avec Rougeau sous un autre nom : The Amazing French Canadians. L’expérience sera brève et sans grand succès pour Ouellet qui, après un congédiement, retournera tenter sa chance à la WWF, puis à la ECW où il se frottera à Justin Credible, notamment, avant de retourner à la WCW brièvement.
Après 2000, la carrière de PCO n’a jamais retrouvé son rayonnement initial, celui qui venait avec l’honneur de faire le tour du monde avec la WWF de l’époque et côtoyer les Bret Hart de ce monde sur la plus grande scène du sport-spectacle. Les amateurs plus jeunes et moins familiers avec les scènes locales n’ont qu’un souvenir vague de PCO et en 2010, il annonçait sa retraite du ring.
Déjà dans la quarantaine à ce moment, un départ définitif aurait pu faire partie des plans même si, dans le monde de la lutte, une retraite n’est souvent qu’un tremplin vers un retour. Tous les plus grands sont passés par là, si bien qu’on prend toujours le tout avec un grain de sel quand un lutteur annonce qu’il passe à d’autres projets. Il faudra attendre 2016 avant de revoir PCO entre les câbles, lui qui a fait un retour modeste dans plusieurs fédérations québécoises. En forme et motivé, Ouellet caressait peut-être déjà des ambitions à ce moment, mais le tout se matérialise concrètement depuis son passage très remarqué à La Nouvelle-Orléans lors de la deuxième soirée Spring Break du populaire lutteur indépendant Joey Janela.
C’est quelque temps après ce combat qu’il est venu nous visiter dans les studios de RDS et j’ai eu la chance de lui demander, en personne, ce qui le motivait à lacer de nouveau ses bottines.
« Je ne fais pas ça pour l’argent, c’est sûr » me confiait-il. « Mais c’est sûr que j’ai des raisons de le faire, un rêve que je caresse depuis longtemps. Je veux me rendre au bout de ça. »
Un dernier chapitre
Aujourd’hui à 50 ans, PCO est plus en forme que jamais et les projets se bousculent pour l’ancien champion par équipe de la WWF. Il fallait voir la fierté dans ses yeux quand il tourna son cellulaire vers moi afin de me montrer des messages reçus de la part de promoteurs américains.
«Ça, c’est un gars de La Nouvelle-Orléans, il veut faire de la promo avec moi là-bas à la radio.» Ouellet a un sourire d’enfant en manipulant son téléphone intelligent ridiculement petit aux creux de ses mains huilées et massives, imposantes et habiles. «Ici, y’a un gars de Chicago qui veut m’avoir cet été.»
Il faut comprendre qu’à deux jours de Wrestlemania, à l’ouest de La Nouvelle-Orléans à Kenner, en Louisiane, PCO a fait tourner bien des têtes en y affrontant un lutteur autrichien en pleine ascension sur le circuit indépendant : WALTER.
De vingt ans son cadet, l’imposant WALTER, dit le général du ring, a dicté le ton lors d’une confrontation extrêmement physique qui a laissé le corps de PCO tuméfié et meurtri. Les 1500 curieux qui espéraient voir une attraction nostalgique faire acte de présence lors de la soirée sont ressortis du gala sur un nuage, impressionnés par les prouesses physiques d’un vétéran du ring qu’ils ne connaissaient pas, ou peu, avant ça. Après une réception tiède, voire froide de la foule au début de la soirée, c’est sous d’étourdissants chants scandant «PCO, PCO, PCO» que le cinquantenaire quittait le ring après sa victoire aussi spectaculaire qu’improbable pour les observateurs de la scène indépendante.
«C’est pas mêlant, ils m’ont nommé le MVP de la fin de semaine de Wrestlemania,» ponctuait-il durant notre conversation.
J’aurais initialement pris le tout comme une exagération propre aux lutteurs, bonimenteurs modernes à l’hyperbole très facile, mais j’avais aussi entendu les mêmes échos que lui après son passage en Louisiane et, malgré son enthousiasme débordant, il y avait une humilité étonnante dans sa façon de me raconter le tout.
« J’arrivais là en me disant qu’ils ne seraient pas capables de faire ce que je fais », m’expliquait-il en parlant de sa préparation avant d’affronter des lutteurs qui ont parfois la moitié de son âge. En plus de la lutte et de l’entraînement, Ouellet flirt avec les arts martiaux et une discipline alimentaire qu’il n’avait pas dans sa trentaine, par exemple.
La route vers la Providence
À peine de retour au bercail, Ouellet recevait déjà de nombreuses offres et son calendrier sera bien rempli lors des prochaines semaines. En plus de ses apparitions au Québec, notamment un combat retour contre ce même WALTER à la IWS de Montréal en juillet, Ouellet sera opposé à Joey Janela en juin au New Jersey et à Matt Riddle dans la région de New York, deux gros noms sur la scène indépendante. Il fera aussi un passage lors du tournoi King of Trios de la Chikara dans le coin de Philadelphie sans parler de ses discussions pour un saut en Europe.
Cette petite tournée du Nord-Est des États-Unis rapproche PCO d’un rêve qu’il mentionne du bout des lèvres : la Pro Wrestling Guerilla (PWG), la reine des fédérations indépendantes située sur la côte ouest qui présente, chaque année, le tournoi le plus couru du circuit : Battle of Los Angeles (BOLA). Des noms bien connus des amateurs ont remporté ce tournoi au cours des dernières années, notamment Ricochet et d’autres lutteurs sous contrat avec la WWE comme Adam Cole, Kyle O’Reilly et Sami Zayn (El Generico). D’autres grandes vedettes mondiales comme Kenny Omega et Zach Sabre Jr. ont fait la pluie et le beau temps lors de BOLA et sans parler d’un tremplin direct vers un retour à la WWE, PCO sait qu’un passage à BOLA serait pour lui une belle façon d’écrire le dernier chapitre de son illustre carrière entre les câbles.
« Ça dépasse mes attentes », explique-t-il en parlant de ses nombreuses apparitions à venir. « Ça ne s’est pas toujours présenté comme ça pour moi, mais là, ça se présente comme ça et c’est vraiment le fun d’entendre le monde chanter PCO dans la foule. »
Même s’il se présente comme un vieux routier qui a connu l’époque plus cavalière des vestiaires de lutte où les rivalités étaient réelles et parfois très physiques, PCO ne cache pas sa nervosité devant cette nouvelle réalité et cette scène effervescente à des kilomètres de ce qu’il a vécu à l’époque. Son exploit de se tailler une place parmi ces jeunes athlètes n’est pas banal puisque les vétérans qui s’y mouillent, tristement, s’y retrouvent souvent submergés par l’intransigeance des amateurs plus accoutumés aux prouesses physiques et moins tolérants à la vieille façon de présenter la lutte. Des vétérans comme Scott Hall et Jake Roberts, pour ne nommer que ceux-là, ont alimenté un précédent néfaste pour les autres figures du passées en raison de leurs problèmes de consommation et de leurs apparitions dans un ring alors qu’ils n’étaient pas en état de performer.
Ouellet, en plus de défier les effets du temps sur son corps, doit aussi combattre ces préjugés lors de chacune de ses apparitions. Chaque «PCO» scandé par un partisan est une victoire pour l’homme avec deux pieds de bras, même s’il réduira l’ampleur de son exploit quand vous l’interrogerez sur le sujet. Il faut d'ailleurs le voir s'autopromouvoir, humblement sur sa page Facebook, pour bien cerner la détermination et l'humilité d'un homme à la passion contagieuse.
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Sous l’exubérance de son personnage et du fameux «PCO Style» qu’il a alimenté lorsqu’il animait la lutte à RDS aux côtés de Marc Blondin, à l’époque, il y a un homme allumé qui a l’humilité de reconnaitre qu’il n’est plus la vedette qu’il a déjà été. Partout où il passe, il se forge la réputation d’un professionnel avec qui le travail est facile et agréable. Souvent, les vedettes d’antan invitées lors des soirées indépendantes ne se mêlent pas aux autres lutteurs et font leurs petites affaires jusqu’au moment du combat. C’est convenu ainsi dans le milieu et on ne le relève que très peu puisqu’elles sont les attractions invitées. PCO, lui, aide à transporter les parties lourdes du ring après les galas et distribue les poignées de mains et les sourires. Parions aussi qu’il ne se fait pas tordre un bras pour raconter l’une de ses nombreuses anecdotes sur la route lors de sa carrière qui cumule plus de trente ans au compteur.
On ne sait pas jusqu’à quand luttera Pierre-Carl Ouellet et, surtout, jusqu’où. La WWE n’est pas un rêve réaliste, mais peut-être que la ROH répondra à l’appel, ou l’Europe, ou les deux, qui sait. Une chose est sûre par contre, il récoltera le fruit de ses labeurs alimentés par sa passion et devant cette inévitabilité, les gens seront nombreux à scander PCO avant qu’il ne retrouve la quiétude de la retraite loin de ses habits serrés et de ses muscles huilés les soirs de fin de semaine.
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