On m'avait pourtant averti. « Watche le numéro 11 du Brésil mon Fred ! » « Je veux bien chef mais c'est qui ? » « Un certain Alexandre Pato .» Ces mots venaient de Michel Dugas, coordonnateur aux communications de la Fédération québécoise de soccer. En marge de la Coupe du monde U-20, Montréal venait d'être tiré au sort afin d'accueillir le groupe D, dont faisait parti le Brésil.

Suite à une surprenante défaite de 1-0 face à la Pologne lors du match d'ouverture, le Brésil jouait contre la Corée du Sud. À la 48e minute, Alexandre Pato dribble avant d'envoyer une torpille dans la lucarne. Le numéro 11 clignote sur l'écran géant du Stade Olympique et les 35 801 spectateurs savent que ce joueur sera à surveiller…et pour longtemps !

J'étais sur la galerie de presse lorsque le but fut inscrit. Les journalistes se regardaient, ébahis, se demandant presque ce qui venait de se produire. À ce moment j'ai regardé Michel Dugas. Il m'a fait une face qui voulait dire : « Je te l'avais dit ! » Dès lors, je ne regardais que Pato sur le terrain. Agile, rapide, imposant, bon des deux pieds, il avait TOUT ! Onze minutes plus tard, le prodige récidive avec son 2e filet, qui s'avèrera finalement être le but gagnant.


Bio

Alexandre Rodrigues da Silva est né à Pato Branco, le 2 septembre 1989. Sa ville natale lui donnera d'ailleurs son surnom. Ses parents Geraldo et Rozeli affirment que leur fils a dû recevoir au moins 100 ballons de foot en cadeau, avant même l'âge de 7 ans. À l'épicerie, il s'amusait à dribbler avec des oranges et des citrons !

À l'âge de 4 ans, ses parents l'inscrivent au futsal (pratiqué sur un terrain de handball, à 5 contre 5). Très tôt on s'aperçoit de son immense talent, si bien qu'à 11 ans, l'Internacional de Porto Allegre le recrute. Une adaptation sera alors nécessaire car habitué de jouer au futsal, le jeune prodige doit maintenant évoluer à 11 contre 11 et sur un grand terrain. Cela ne l'a pas empêché de briller.

Devant les dents longues des gros clubs européens, Porto Allegre devait garder Alexandre Pato secret le plus longtemps possible. Ils ont d'ailleurs décidé de ne pas l'insérer dans leur première équipe avant qu'il ne signe une nouvelle entente. Pato signa ce fameux contrat la veille du dernier match du championnat brésilien de 2006.


« 110 secondes »

Le 26 novembre 2006, seulement 8 900 spectateurs se présentent au stade Palestra Italia pour cette rencontre entre l'Internacional et l'équipe hôtesse, Palmeiras. Ces derniers viennent alors d'éviter la relégation et ne veulent que terminer la saison sur une bonne note. Déjà qualifié pour l'événement, l'Internacional a, quant à lui, la tête au championnat mondial des clubs, qui aura lieu au Japon deux semaines plus tard.

110 secondes. C'est tout ce que cela a pris. Un supporteur de Palmeiras, Rodrigo Jamanta, regarde l'écran géant et voit le nom du marqueur : Alexandre Pato. « Mon dieu, même un canard peut marquer contre nous ! » N.D.L.R. « Pato » signifie canard en Portugais. L'écran clignota une autre fois…puis une autre fois…et encore ! À la mi-temps c'est Pato 4 et Palmeiras 0. « Mais d'où vient ce canard ? » s'exclame Jamanta.


Destination Japon

Le deuxième match de Pato chez les pros avait justement lieu lors du championnat mondial des clubs, face à Al Ahly, équipe égyptienne. Il marqua à nouveau et aida l'Internacional à l'emporter 2-1 et ainsi se qualifier pour la finale…face au FC Barcelone! « Lorsque je joue au football en jeu vidéo, j'opte toujours d'évoluer pour Barcelone. Cette fois, je devais les affronter ! » se souvient Pato. Lors d'une finale endiablée, les Brésiliens causent une énorme surprise et battent le Barca 1-0.


Copa Libertadores

En mars 2007 eut lieu la Copa Libertadores, tournoi opposant les meilleurs clubs d'Amérique du Sud. Au calendrier le 2 mars, le club équatorien Emelec fait face à l'Internacional. L'entraîneur d'Emelec, Carlos Torres Garces, ne comprenait pas l'engouement que Pato créait. « Je ne le connais pas » dit-il lors de son point de presse la veille du match. « Mais pour qu'il fasse autant parler de lui, j'ose croire qu'il possède plus de deux jambes ! »

Résultat final : 3-0 pour l'Internacional. Pato a marqué un superbe but, en a préparé un deuxième et a dominé avec puissance, vitesse et finesse…avant d'être remplacé à la 70e minute sous une ovation monstre au stade Beira-Rio. Après le match, le prodige resta humble : « Je ne suis pas un phénomène. Ronaldo, Ronaldinho, Thierry Henry et Cristiano Ronaldo sont tous des phénomènes. Je ne suis qu'un kid de 17 ans qui commence à jouer. » Son entraîneur n'est pas d'accord avec son protégé : « Alexandre est un fan de Cristiano Ronaldo mais il lui est supérieur. » Hum hum !

Futile de mentionner que le monde était alors aux pieds de Pato. Chelsea, le FC Barcelone, le Real Madrid, le FC Porto, Benfica et l'AC Milan lui faisaient les yeux doux. Le 2 août dernier, les dirigeants de l'AC Milan et l'agent de Pato discutent de contrat pendant onze heures à huit clos. Le jeune homme assiste à la rencontre et envoie des messages textes à ses potes afin de les mettre au parfum des négociations !

Une entente survient alors et Pato est transféré à Milan pour la coquette somme de 22 millions de livres (environ 45 millions canadiens). Il s'agit du deuxième plus coûteux transfert pour un joueur brésilien, après les 24 millions de livres dépensés par le Real Madrid pour les services de Robinho. Les statistiques de Pato chez l'Internacional montrent un total de 12 buts en 28 matchs (mais l'équivalent de 23 matchs au chapitre des minutes jouées). Tout cela avant même d'être majeur et vacciné.


Avec sept joueurs brésiliens titulaires, l'AC Milan semblait être un choix logique pour l'épopée européenne de Pato. Lors de ses débuts dans l'uniforme des Rossoneris, le 13 janvier dernier, il a inscrit un but au San Siro face à Naples. À son quatrième match, il a marqué les deux seuls buts de la rencontre face à Gênes. Au moment d'écrire ces lignes, il compte 6 buts en 12 matchs en Serie A.

Je me considère chanceux d'avoir vu de mes yeux nus ce prodige au Stade Olympique l'été dernier. Un joueur comme Alexandre Pato, ça ne court pas les rues. Le mot de la fin appartient à son ancien entraîneur Luiz Carlos de Lorenzi. Vous savez, celui qui le croit meilleur que Cristiano Ronaldo. «Pato va devenir une référence. Il va créer une nouvelle façon de jouer au foot. »

Si vous n'êtes pas d'accord avec son énoncé, appelez-le pour lui en faire part. Mais entre vous et moi, votre plainte risque de couler sur lui, comme sur le dos d'un canard.

Ainsi soit-il.