COLLABORATION SPÉCIALE

 

La semaine dernière, j’ai eu le privilège de me rendre à Vancouver pour interviewer des joueurs de l’équipe nationale. Des entretiens que nous vous présenterons dans le cadre de notre couverture de la Coupe du Monde en novembre.

 

Nos entrevues avec Alphonso Davies, Jonathan David, Atiba Hutchinson et cie, ne laissaient en rien présager la tempête qui se dessinait à l’horizon.

 

Autant la grève des joueurs et l’annulation du match contre le Panama dimanche ont été surprenantes, autant elles sont cohérentes avec la psychologie contagieuse d’un groupe qui réfléchit comme jamais les Canadiens ne l’ont fait dans le passé.

 

Mission acceptée

 

À son arrivée à la barre des hommes en 2018, John Herdman a vendu un rêve à son équipe.

 

Celui de mériter son billet pour la Coupe du Monde. La notion de mérite occupe une place importante dans ce qui s’est passé au cours de la dernière semaine. Les Canadiens ne seront pas à la grande danse parce qu’ils en sont le pays hôte, mais bien parce qu’ils ont été les meilleurs de la zone CONCACAF.

 

Les troupes de Herdman ont acheté son rêve. Elles y ont cru, alors que tout le monde (moi le premier) doutait.

 

Ils ont non seulement accepté la mission, ils l’ont relevée. On aurait besoin d’une thèse de doctorat pour étudier le changement de psychologie nécessaire pour passer d’une culture de médiocrité aux standards d’excellence requis pour aller au Qatar.

 

À mes yeux, les demandes des joueurs démontrent que le changement de culture est profond et contagieux. En plus de se transmettre d’une personne à l’autre dans le vestiaire, il met maintenant de la pression sur la culture administrative de l’organisation pour qu’elle aussi élève son jeu d’un cran.

 

Entre vous et moi, ce n’est pas une mauvaise chose.

 

Aucun doute

 

Après avoir dû annuler le match amical contre le Panama dimanche, Canada Soccer a confirmé par voie de communiqué que la rencontre face à Curaçao aura bien lieu jeudi à Vancouver.

 

Bien que leurs demandes soient essentiellement légitimes, les joueurs viennent de se lancer un beau défi. À l’issue de cette rencontre, il ne doit y avoir aucun doute sur l’ordre des priorités dans le camp canadien.

 

En plus de gagner le match, l’Unifolié doit passer un message.

 

D’abord aux supporters, en démontrant que la priorité ultime est toujours de préparer le plus important tournoi de son histoire.

 

Puis aux dirigeants de Canada Soccer, en confirmant qu’ils ont bel et bien entre les mains un produit d’exception qu’il faut rémunérer et monétiser en conséquence.

 

Je m’attends à une dure soirée pour les visiteurs.

 

Croissance d’abord

 

Personnellement, je n’ai jamais compris pourquoi Canada Soccer réunit toutes ses propriétés sur une plateforme exclusive (One Soccer).

 

Imaginez si les décideurs n’avaient pas fait un 180 degrés à la dernière minute l’automne dernier pour finalement permettre à des câblodistributeurs de présenter l’Octogonal à leur base de clients.

 

Combien de gens auraient raté le but d’anthologie d’Alphonso Davies contre le Panama, les arrêts miraculeux de Milan Borjan ou la célébration désormais célèbre de Sam Adekugbe qui se pitch dans un banc de neige contre Mexique?

 

Je comprends le modèle d’affaire qu’on a voulu mettre en place. La consommation d’événements sportifs se dirige inévitable vers des plateformes web de toutes sortes. Je comprends aussi qu’on désirait créer un véhicule pour mettre en valeur une nouvelle ligue domestique (la Canadian Premier League).

 

C’est plutôt le timing de la chose qui ne faisait aucun sens.

 

Contrairement à d’autres ligues ou fédérations, la maturité du marché du soccer canadien n’est pas suffisante pour se refermer sur soi-même et faire payer des abonnements à un noyau dur de partisans.

 

L’objectif doit être d’exposer le produit au plus grand nombre, d’assurer la croissance et augmenter la notoriété du soccer au pays. Les joueurs de l’équipe nationale diraient qu’il faut capitaliser sur ce moment historique.

 

De manière générale, je crois que les joueurs ont raison de craindre que Canada Soccer ne soit pas bien positionné pour saisir l’opportunité.

 

Depuis quatre ans, les bureaux n’ont pas suivi l’évolution observée sur le terrain. Espérons que la grève du week-end dernier ait provoqué une opération rattrapage efficace.