Le réveil des continents
Coupe du monde de la FIFA 2022™ mardi, 19 juin 2018. 19:25 dimanche, 15 déc. 2024. 12:14Sur la première journée des groupes, le bilan des sélections africaines et asiatiques n’était jusqu’à aujourd’hui pas brillant. Une seule victoire, justement lors de la seule confrontation entre deux de leurs représentants, Iran - Maroc (1-0) obtenu sur un contre son camp dans le temps additionnel.
À part ça, Australie (qui appartient à la Confédération asiatique), Corée, Arabie saoudite, Nigeria, Égypte et Tunisie avaient tous entamé le tournoi sur des défaites. Même pas le moindre match nul à se mettre sous la dent.
Jusqu’à aujourd’hui, et l’entrée en lice du Japon puis du Sénégal. Deux victoires, dans le groupe le plus ouvert du lot, qui présagent déjà d’une terrible lutte et d’une fort possible place en huitièmes pour l’un ou l’autre continent (voire deux). Cela semble relativement peu, mais semble important à relever vu que ce Mondial semble marqué d’entrée par une relative domination des sélections européennes (pour le moment, Mexique - Allemagne demeure l’exception).
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Le Japon entre dans la compétition avec de sérieux doutes. Il a remercié son sélectionneur, Vahid Halilodzic, deux mois avant le tournoi et installé Akira Nishino à sa succession. Nishino est un vétéran de la J-League japonaise qu’il connait parfaitement et possède une certaine expérience en sélection (JO de 1996). Son style est plutôt conservateur, voire ouvertement défensif, et l’on ne savait à quoi s’attendre avant l’entame face à la Colombie.
Sur le papier son Japon est bien organisé avec Yosdhida en patron de la défense, un milieu dirigé par Hasebe où Kagawa a toute la licence créatrice. Devant, Osako est préféré à Okazaki.
Et ça fonctionne encore mieux qu’attendu! Sur sa première attaque, Osako force une erreur de Davinson Sanchez et si Ospina pare dans un premier temps sa tentative, le rebond est repris par Kagawa puis stoppé du bras par Carlos Sanchez dans la surface. Penalty et expulsion, le match à peine né a déjà pris une tournure dramatique. Kagawa transforme et la Colombie est déjà à courir après le score et à court d’un joueur.
Si le Japon recule alors, il ne se recroqueville pas non plus. Hasebe contrôle le milieu de terrain, Kagawa donne le rythme. La Colombie - où James Rodriguez a débuté sur le banc suite à une légère blessure subie la semaine dernière - s’organise, développe du jeu sur les ailes, avec Cuadrado et Izquierdo cherchant le plus souvent à alerter Falcao en pointe. Cela manque réussir à deux reprises, mais Kawashima est à chaque fois présent. La Colombie combine mieux, de mieux en mieux. Mais lorsqu’elle égalise, c’est sur un coup franc grugé par Falcao aux abords de la surface, qui embrouille un peu l’arbitre Damir Skomina sur le coup. Juan Quinteero a pris plus de responsabilités dans le jeu depuis la sortie de Cuadrado (choix tactique pour rééquilibrer le milieu) et il se charge de frapper. Il place son ballon sous le mur, «à la Ronaldinho», et surprend totalement Kawashima.
La Colombie est revenue au score juste avant la mi-temps. Un effort remarquable, mais qu’elle va payer par la suite. Elle s’essouffle au fil des minutes, malgré l’entrée de James Rodriguez et laisse le Japon avaler toute l’intensité du match. Et c’est logiquement qu’il va l’emporter: plus pressant, il obtient un corner à un quart d’heure de la fin que Honda pose sur la tête d’Osaka. La Colombie ne pourra pas revenir.
La journée a commencé sur cette surprise et va se poursuivre avec une brillante prestation du Sénégal face à la Pologne, tête de série du groupe. Si le premier match a basculé sur un « incident de jeu », le succès des Lions de la Teranga doit essentiellement à une parfaite exécution tactique mise en place par Aliou Cissé. Alfred Ndiaye et Idrissa « Gana » Gueye patrouillenent logiquement le milieu de terrain, mais sont continuellement appuyés par Mané, Ismaïla et Niang les trois milieux plus avancés derrière Diouf. Le Sénégal domine ce milieu de terrain et coince le jeu polonais. Les deux organisateurs, Krychowiak et Zielinski n’arrivent pas à s’exprimer, perdent un nombre impressionnant de ballons. Lewandowski n’est jamais servi, Koulibaly et Sané s’assurant qu’il ne demeure jamais libre. La Pologne n’arrive que trop rarement à utiliser une de ses forces, à savoir la qualité dont elle dispose sur les ailes. Le Sénégal domine les duels, est le premier sur les deuxièmes ballons et peut déclencher quelques attaques rapides dont Niang est le principal bénéficiaire.
C’est sur une attaque du genre que le Sénégal marque avant la mi-temps. Un duel gagné par Niang au milieu du terrain ouvre d’un coup tout un espace au bout duquel Mané décale Gana Gueye pour une frappe sans doute pas cadrée… si elle ne prenait la jambe de Cionek pour finir dans le but de Szczesny.
Adam Nawalka tente de modifier la donne à la mi-temps en redéployant son équipe de façon à être plus présent au milieu. Cela manque de fonctionner puisque Lewandowski parvient à voler un ballon au milieu sénégalais avant de se faire ramasser à une vingtaine de mètres. Son coup franc est parfaitement dosé, mais Khadim Ndiaye se fend d’une parade spectaculaire: ce sera sa seule intervention notable.
De l’autre côté, Cissé a lui-même répondu tactiquement et Niang, envoyé seul en pointe, va profiter d’une série de mésententes de la défense polonaise pour filer devant Szczesny et casser les chances de retour de la Pologne. En fin de match, Krychowiak réduira la marque, sans remettre en doute le succès sénégalais.
Ce Groupe H, déjà annoncé comme fort ouvert, a pris une formidable allure dès la première journée. Et il promet d’entretenir tous les suspenses pour encore dix jours.
Pour terminer, et ouvrir la deuxième journée de matchs, il faut saluer la confirmation de la sélection russe. Oui, sa victoire sur l’Arabie saoudite avait été convaincante dans son expression, mais limitée dans sa portée au vu des faiblesses de l’adversaire.
L’Égypte, déjà dos au mur après sa défaite contre l’Uruguay, promettait un tout autre test, surtout avec le retour de Mo Salah. Elle l’a offert, bien mieux organisée, mieux capable d’amener le jeu vers l’avant. Mais elle a aussi été emportée par l’élan d’une sélection russe qui entame le match comme une folle.
La première mi-temps est une succession d’attaques - contre-attaques, le rythme est très élevé, mais l’impression générale demeure que le milieu russe semble une coche au-dessus de son adversaire: Zobnin et Gazynsky ramassent un nombre incalculable de ballons, Samedov est un increvable piston, tout comme son pendant Cheryshev à gauche. La solide défense égyptienne est vite sous pression constante et de l’autre côté, Salah ne peut se mettre que quelques miettes sous le pied.
Égale à la mi-temps, la rencontre explose en deuxième. Toujours sous l’impulsion du milieu russe et de Golovin promu meneur de jeu après la blessure de Dzagoev au premier match. Le premier but est un peu accidentel: un centre de Golovin boxé par El Shenawy est repris de loin par Zobnin. Le ballon part plus ou moins vers Dzyuba en pointe et Fathi voulant lui enlever détourne dans son but. Le coup est terrible, surtout si tôt en deuxième mi-temps (47e). Les Russes vont bientôt plier le match, autour de l’heure de jeu. D’abord Cheryshev vient conclure de près une action joliment orchestrée sur la droite. Remplaçant en début de tournoi, il n’est entré que « grâce » à la blessure de Dzagoev. Deux buts lors du match d’ouverture ont confirmé sa titularisation, qu’il célèbre en rejoignant Cristiano Ronaldo en tête du classement des buteurs (3). Dzyuba marquera aussitôt le but d’assurance en vrai attaquant de surface: un contrôle dos au but, pivot et frappe tout en sang-froid.
L’Égypte réduira la marque en fin de rencontre, sur un penalty de Salah, dont la prestation durant ce Mondial va donc tourner court puisque l’Égypte devient la première éliminée. Pour la Russie, qui ne pouvait espérer un tel départ, la qualification est quasi certaine après deux matchs. C’est en soi une belle réussite et la confiance venant, cette équipe se découvre d’un coup une personnalité, pas déplaisante, et une vraie envie de se faire plaisir.