Ces quarts de finale sont assez remarquablement posés. Ils mettent aux prises les huit vainqueurs des groupes du premier tour et dans trois cas sur quatre, les équipes annoncées comme favorites pour se retrouver dans cette position, si l’on s’en tient aux cotes de paris proposées avant le début du tournoi. Dans le dernier cas (Pays-Bas/Costa Rica), les Pays-Bas n’étaient que marginalement offerts derrière l’Espagne, tandis que le Costa Rica représente la surprise majeure du tournoi, essentiellement au vu de son groupe de départ...

C’est sans doute maintenant que le poids des absences (blessures et suspensions) ainsi que l’état plus ou moins avancé de fatigue de chacun vont se faire sentir, au point de devenir peut-être déterminants. Surtout après des huitièmes terriblement exigeants pour la plupart des équipes.

Arrive aussi un moment où les attentes, l’obligation de résultat, le réalisme tout simple, prennent le pas sur l’esthétisme et la note artistique. C’est la Coupe du monde…. Tu la gagnes (1 sur 32) ou tu ne la gagnes pas (31 sur 32). Les huit pays encore en lice sont dans ce mode-là et le choix est assez clair : on gagne 1-0 ou comme on peut, demain est un autre jour. Sinon…

France - Allemagne

Les Bleus semblent pouvoir envisager le retour de Sakho en défense centrale (blessé contre l’Équateur et absent face au Nigéria), reste à savoir si Deschamps le titularisera à la place de Koscielny. L’autre question concerne le choix ou non de Giroud avec Benzema devant. Face au Nigéria, le choix d’aligner les deux n’a pas aussi bien fonctionné que face à la Suisse et le choix de revenir avec Griezmann à gauche et Benzema au centre pour la dernière demi-heure du match semble avoir joué dans l’issue du match.

En outre, le placement de Giroud dans ce système semble gêner les déplacements de Valbuena (sans doute l’un des Français les plus constants dans le tournoi) lorsque celui-ci revient prendre le jeu vers l’axe, dans une zone où l’Allemagne peut être prise de vitesse.

L’Allemagne a été vraiment gênée par le jeu haut de l’Algérie et sa capacité à accélérer. Son problème se situe dans le placement de ses lignes: soit elle joue avec une défense haute, qui limite l’espace entre elle et les milieux mais laisse de gros espaces de contres derrière elle (et l’utilisation de Neuer comme « libero » n’est peut-être pas une bonne idée face à Benzema, voire Matuidi lorsque celui-ci démarre de loin et se lance à travers la défense); soit elle adopte une position plus conservatrice (comme face au Ghana) qui laisse beaucoup d’espaces entre les lignes et permet la mise en place d’attaques placées et en nombre de l’adversaire.

L’autre question est de savoir (vu que la France a connu quelques petits problèmes derrière lorsque le Nigéria a vite écarté le jeu) si Schürrle n’offrirait pas une solution plus directe et rapide qu’Özil sur la droite. C’est un choix embêtant et risqué, et il n’est vraiment pas certain que Joachim Löw soit prêt à laisser de côté le joueur d’Arsenal. Löw a en outre reconnu que sept de ses joueurs (sans les nommer) présentaient des symptômes grippaux (Hummels n’a pas joué contre l’Algérie) et il faudra attendre la publication des équipes pour connaître l’étendue du problème.

Brésil - Colombie

Avant le tournoi, on pouvait prévoir un bon petit parcours pour la Colombie jusqu’à ce quart de finale. Et puis voilà… Les choses ont quand même un peu évolué depuis. Le Brésil n’a pas vraiment été transcendant (deux victoires, deux nuls) et ses adversaires jusqu’à présent ont montré qu’il était possible de le tenir assez longtemps en échec (le but de 2-1 contre la Croatie arrive à la 71e, suivi d’un 0-0 face au Mexique, tandis que le Chili l’a poussé aux tirs au but).

Fred et Hulk ont du mal à trouver leur place et se créer des occasions, Oscar n’a pas confirmé sa belle performance du match d’ouverture; reste Neymar, qui prend les choses en main (4 buts). Parfois trop: ce n’est pas parce qu’il se croit indispensable, mais la pression mise sur ces joueurs «décisifs» les amène parfois à vouloir endosser trop de responsabilités, même pour le bien de l’équipe - il ne serait pas le premier, c’est arrivé à un Messi ou à un Zidane à une époque. En outre, l’absence de Luiz Gustavo (suspendu) prive le Brésil d’un joueur essentiel dans la mise en place de ses mouvements. Paulinho ne connaissant pas un grand Mondial (Fernandinho lui est maintenant préféré), Felipe Scolari a maintenant un autre problème à ce poste (relancer Paulinho? Mettre Hernanes?). Face au collectif fluide des Colombiens, c’est certainement un point d’inquiétude.

La Colombie a traversé ses quatre premiers matchs avec une remarquable élégance. On a beaucoup parlé de James Rodriguez, qui réussit pas mal tout ce qu’il veut depuis le début, de Teo Gutierrez, de Cuadrado (mon préféré!), voire Quintero…. Mais c’est avant tout un formidable collectif. Les mouvements de Zuniga et Armero, les latéraux, l’excellente tenue des centraux - Yepes / Zapata - et l’énorme travail pris au milieu par Aguilar et Sanchez… Beaucoup, beaucoup plus que trois ou quatre individualités. C’est vrai que le test est maintenant passé au « niveau supérieur », mais quelle extraordinaire opportunité pour ce groupe!

C’est aussi une incroyable possibilité de « rédemption » pour José Pekerman : il a supervisé et dirigé pendant plus de 10 ans les programmes de jeunes de l’Argentine, nous offrant génération après génération de joueurs exceptionnels (Riquelme, Saviola, Cambiasso, Tevez, Agüero, et tant d’autres qu’on ne peut tous les nommer) avec plusieurs titres Mondiaux U-20 et deux titres olympiques à la clé. Il sera toujours marqué, avant tout, par l’échec de l’Argentine en 2006 et un choix décisif qu’on lui reproche encore (le remplacement de Riquelme lors du quart contre l’Allemagne), alors que d’autres facteurs doivent être pris en compte sur ce match. Réussir un « coup » maintenant serait une belle façon d’effacer cette marque…

Argentine - Belgique

L’Argentine…. On s’attendait à une montée en puissance, bien supportée par un calendrier relativement favorable. On y pensait encore lors du match face au Nigéria, malgré quelques questionnements dans la défense, un peu trop facilement ouverte par des accélérations nigérianes. On n’y a pas vraiment assisté contre la Suisse, dans un match manquant parfois de rythme. Maintenant, il y a la théorie, les «mises en place» d’avant-match, les attentes… et il y a la réalité du jeu…. La Suisse est arrivée parfaitement organisée, ce n’est pas une surprise connaissant Ottmar Hitzfeld, et avec un « bleu » (un plan détaillé) assez proche de ce que l’on avait vu il y a quatre ans contre l’Espagne, un match référence dans ce cas (même si la Suisse s’est montrée plus aventureuse cette fois-ci). Prise à deux constante sur Messi, excellente qualité de contres, beaux mouvements devant la défense argentine lors de quelques attaques posées, c’est le genre de piège monumental dans lequel il apparaît logique que l’Argentine n’ait pas voulu tomber.

Rojo est suspendu, Agüero sans doute pas encore rétabli. Ce qui pose deux problèmes : l’un derrière, où les solutions ne sont pas nombreuses (Basanta?), l’autre devant où Higuain ne connaît pas vraiment un bon tournoi. Heureusement, Di Maria a pris plus de responsabilités dans le jeu et a été remarquable depuis le début. En outre, la Belgique est une équipe qui cherche à jouer et devrait offrir une rencontre assez ouverte, là où l’Argentine a eu beaucoup plus de mal face à des adversaires qui pensent essentiellement à défendre (mais la remarque est vraie dans les deux sens).

La Belgique a montré pas mal plus de choses face au États-Unis que lors de ses trois matches de groupe - qu’elle a pourtant tous gagnés alors qu’elle a dû aller en prolongation pour son huitième. Mais c’est avant tout dans l’amplitude et la variété de ses mouvements offensifs qu’elle s’est montrée plus impressionnante. Elle a certainement gâché plusieurs opportunités de prendre l’avantage plus tôt et plus nettement, essentiellement dans la dernière passe, mais d’une façon générale a su imposer son jeu, ce qu’elle devra faire face à l’Argentine.

Origi n’a pas été vraiment en réussite, mais on comprend le choix de Marc Wilmots (plutôt que Lukaku), dans la mesure où son jeu semble plus proche de celui de Benteke (l’attaquant numéro un choisi par Wilmots, mais blessé depuis plusieurs mois et indisponible pour le Mondial), capable de provoquer mais aussi de tenir le ballon pour favoriser le lien avec ses milieux. Et qui bonifie le jeu d’un De Bruyne en particulier.
C’est un quart extrêmement intéressant, et même fascinant. Dont il est absolument impossible d’envisager clairement l’issue. Qu’il se termine bien au-delà des 90 minutes est une nette possibilité.

Pays-Bas - Costa Rica

À première vue, c’est le moins équilibré des quatre. À la deuxième, aussi… Le Costa Rica a montré d’exceptionnelles (et un peu inattendues) réserves lors du premier tour. Puis contre la Grèce. On l’avait vu très bon, entre autres face aux États-Unis et au Mexique en qualifications. Mais sa capacité à gérer ses adversaires dans ce Mondial a été bien plus impressionnante. Oui, il y a Gonzalez au coeur de la défense, et Ruiz et Campbell devant (mais ce dernier va devoir être pas mal plus mobile que contre la Grèce pour se sortir de la défense des Pays-Bas). Mais il y a Bolanos, incroyable d’activité vers l’avant, et la paire Tejada - Borges qui a su parfaitement décider quand presser plus haut ou fermer devant la défense. La perte de Duarte (expulsé contre la Grève) est cependant un coup dur, surtout face aux deux énormes en face.

Des Pays-Bas, on a déjà dit qu’ils étaient atypiques, assez éloignés des stéréotypes qui collent à cette sélection depuis 40 ans. Un système fait pour plus souvent subir, même assez bas, et exploser pour permettre à Van Persie et Robben d’aller chercher les espaces. Assez efficace au premier tour, un peu plus pénible face au Mexique où les Néerlandais ont trop subi avant de profiter du recul des Mexicains (à 1-0) et forcer le match très, très tard (et avec une certaine réussite).

N’empêche que Van Gaal connait parfaitement le potentiel de son groupe et si un sélectionneur (avec Scolari, sans doute) est capable d,amener un groupe à son maximum, il est sans doute un candidat idéal. Pragmatique, lui aussi, capable de s’ajuster autour du « fonctionnel » (on y revient). Passant d’une défense à 3 ou 4 selon les circonstances (tactiques ou absences). Nigel De Jong- qui aura abattu un gigantesque travail au premier tour devant la défense - est probablement absent pour toute la suite de la compétition et Van Gaal devra choisir s’il aligne De Guzman et Wijnaldum, ou bien l’un des deux accompagné de Blind (montant au milieu) ou de Fer. Les choix du sélectionneur en matière de remplaçants ont été tout aussi éclairés (Fer, Memphis Depay) et cette profondeur peut permettre aux Néerlandais d’aller vraiment loin dans ce Mondial qui va vite devenir épuisant…