Le gouvernement russe avait demandé la mise en place d'un plan de dopage pour l'équipe nationale de soccer en vue du Mondial 2018 à domicile, affirme le magazine allemand Der Spiegel dans son édition à paraître samedi.

Selon Der Spiegel, le gouvernement avait chargé Grigory Rodchenkov, au coeur du dopage des athlètes russes pour les JO de Sotchi 2014, de lancer un plan similaire pour les joueurs de soccer.

Chef du laboratoire antidopage de Moscou pendant dix ans, jusqu'en 2015, Rodchenkov s'est enfui aux Etats-Unis, avec l'aide du réalisateur de documentaires américain Bryan Fogel.

« Après Sotchi, il avait la charge de préparer le programme de dopage pour le Mondial-2018 de soccer », affirme M. Fogel au Spiegel. « Grigory était déjà en pleins préparatifs lorsque tout a été découvert », ajoute-t-il.

Interrogé par le magazine allemand, le vice-premier ministre russe Vitali Moutko, également chef du comité d'organisation du Mondial, a répondu : « L'État n'a aucun moyen de contrôler le travail d'un directeur de laboratoire (...) Il était mondialement reconnu et engagé comme expert pour les jeux Olympiques, nous avons évidemment pensé que tout était normal ».

En juin dernier, le juriste canadien Richard McLaren, auteur d'un rapport explosif sur le dopage en Russie publié en 2016, affirmait avoir des indices graves sur des cas dans le monde du soccer. Interrogé par la chaîne allemande ARD, il citait des échanges de mails entre hauts responsables russes datés de 2015 laissent entendre que des échantillons d'urine positifs avaient été remplacés par des échantillons « propres ».

« Des informations que nous avons, nous pouvons conclure qu'il y avait un système (de dissimulation) différent pour le soccer », en parallèle au système déjà dénoncé pour les autres sports, disait-il.

Menacé de « suicide »

Selon le Spiegel, le système mis en place à Sotchi devait être reproduit pour le Mondial-2018. Pendant les JO d'hiver 2014, Rodchenkov a de son propre aveu substitué des échantillons d'urine propre à des échantillons contaminés d'athlètes russes, comme l'a montré l'explosif documentaire "Icarus" réalisé par Bryan Fogel et diffusé sur Netflix.

Le 9 novembre 2015, l'AMA avait accusé le scientifique, sur la foi d'un rapport de 335 pages découlant d'une enquête de 11 mois, d'être le cerveau derrière l'entreprise massive de dopage sponsorisée par le gouvernement russe.

Dans les cinq jours qui ont suivi, M. Rodchenkov a été forcé de démissionner, a vu son laboratoire fermé et des agents des services secrets russes (FSB) débarquer chez lui. Des contacts lui ont dit que le renseignement russe préparait son « suicide ».

Affolé, il a fui aux États-Unis avec un billet d'avion acheté par Bryan Fogel. Il est arrivé chez lui à Los Angeles avec un disque dur prouvant que le programme de dopage sponsorisé par l'État durait depuis des décennies, non seulement en athlétisme mais à travers tout le spectre des sports russes.

Selon Rodchenkov, 30 des 73 médailles russes à Pékin en 2008 ont été obtenues grâce au dopage, et au moins la moitié des 81 médailles remportées à Londres en 2012.