LISBONNE - Le Real Madrid est enfin parvenu samedi à décrocher sa dixième Ligue des champions en battant en finale son voisin de l'Atletico 4-1 après prolongation, au prix d'un incroyable retournement de situation.

Sergio RamosCe triomphe, dont la Maison-Blanche rêvait depuis 2002 et l'inoubliable volée de Zidane à Glasgow, couronne également Carlo Ancelotti qui a réussi là où dix autres entraîneurs avaient échoué depuis 12 ans.

Avec son troisième titre en C1 en tant qu'entraîneur (après 2003 et 2007 avec l'AC Milan), il rejoint Bob Paisley qui était jusqu'alors le seul coach à trois sacres (1977, 1978 et 1981 avec Liverpool).

On a pourtant longtemps cru que l'énorme erreur de Casillas sur l'ouverture du pointage de l'Atletico allait être fatale au Real et que sans Iker il ne pouvait être question de decima.

Mais alors que tout était joué et que l'Atletico se voyait déjà fêter autour de la fontaine de Neptune un fantastique doublé Liga-Ligue des Champions, Sergio Ramos a placé un magnifique coup de tête sur un coup de pied de coin de Modric et a tout relancé (90+3).

On a alors vu Diego Simeone, l'entraîneur des Colchoneros, se ruer vers la tribune des rouge et blanc pour exhorter son public à ne pas lâcher ses joueurs.

De l'autre côté, Pepe, remplaçant et déchaîné, haranguait la tribune merengue du stade da Luz de Lisbonne, où avait donc été délocalisée cette finale de Coupe du Roi en beaucoup plus grand.

Calvaire en prolongation

Mais malgré les gesticulations de Simeone, la prolongation allait être un calvaire pour l'Atletico et ses joueurs terrassés par les crampes.

Gareth Bale

C'est d'abord Bale qui mettait le Real devant de la tête (110), avant que Marcelo (118) et Ronaldo sur penalty (120) donnent à la victoire des blancs un ampleur cruelle pour leur adversaire.

La fin de match a alors été très tendue, Simeone ne cessant d'entrer sur la pelouse alors que se multipliaient les foyers de crispation entre joueurs.

L'Atletico Madrid, déjà champion d'Espagne, n'a donc pas réussi l'immense exploit de s'offrir un doublé, mais il s'en est fallu de très peu et le succès du Real tient presque d'un miracle.

Celui-ci ne doit rien à San Iker, déjà là lors des deux précédents succès du Real en 1999 et 2002, mais coupable samedi d'une énorme erreur d'appréciation sur le but de l'Atletico, signe Godin (36).

Déjà auteur la semaine dernière face à Barcelone du but du sacre en Liga, l'Uruguayen a marqué de la tête, encore, en sautant plus haut que Khedira et en profitant de l'hésitation de Casillas.

Costa trop juste

Auparavant, la partie avait commencé par un événement un peu trop prévisible pour être qualifié de coup de théâtre : la sortie sur blessure de Diego Costa dès la 9e minute.

Le fameux traitement à base de placenta de jument reçu cette semaine à Belgrade n'a donc pas suffi et l'attaquant de l'Atletico a perdu son pari, qui en était un aussi, très risqué, pour Simeone.

Diego Costa doit sortir à la 9e minute de la finaleMais les Colchoneros n'ont pas paru désemparés par la sortie de leur avant-centre et se sont concentrés sur ce qu'ils savent faire le mieux : défendre, bloquer les initiatives adverses, presser sans relâche et souvent aussi pourrir le jeu.

Vraiment fermée, la première période a donc été dure et tendue, avec plusieurs débuts de frictions entre joueurs et quelques interventions limite comme l'horrible tacle de Raul Garcia sur Di Maria.

Confrontés à cette bande d'affamés qui leur mordaient les mollets et n'hésitaient jamais à mettre la semelle, les joueurs du Real n'ont alors trouvé ni vitesse ni solutions techniques avec notamment une litanie de centres manqués.

Seuls Ronaldo sur coup franc (28) et surtout Bale, gêné par Miranda au moment d'ajuster Courtois (32) ont eu des occasions en première période.

Même après, le grand gardien belge n'a eu que très peu d'arrêts à faire, sortant un coup franc de Ronaldo (54) et regardant quelques tentatives de Bale ou du Portugais passer à côté.

La suite a tout de même été largement à l'avantage du Real qui, sans un grand Ronaldo, sans Xabi Alonso non plus, dont l'absence a pesé, a eu le mérite de continuer à y croire.

Il a fallu presque un miracle pour contrarier le destin de cet Atletico.

Les partisans euphoriques

Face aux écrans géants du stade Santiago-Bernabeu, des dizaines de milliers de supporteurs du Real Madrid, euphoriques, ont accueilli samedi en hurlant la victoire de leur équipe (4-1) sur l'Atletico, en finale de la Ligue des Champions à Lisbonne, le dixième trophée du club.

Comme face à un vrai match, la foule, survoltée, explose au coup de sifflet final. « Le moment était venu pour la dixième victoire. Cela faisait tellement de temps que nous l'attendions », lance Angela Suarez, une étudiante de 20 ans, le visage peint en blanc.

A l'autre bout de la ville, les supporteurs de l'Atletico quittent le stade Vicente-Calderon en silence, en larmes ou la tête dans les mains.

Après la victoire en championnat d'Espagne le 17 mai, ils espéraient arracher une première Ligue des Champions pour leur club, qui avait perdu sa précédente finale de C1 -sa première- en 1974. Jusqu'à la 93e minute et l'égalisation de Sergio Ramos pour le Real, ils ont rêvé à la victoire.

« C'est très dur de perdre comme ça, parce que nous étions tellement près de la victoire. Les supporteurs y croyaient vraiment », confie Aitor Ramos, un directeur de banque de 44 ans, fan de toujours de l'Atletico. A peine se console-t-il en évoquant "la très bonne saison" du club.

Nuit électrique

Les supporteurs du Real, dans un concert de klaxons et de pétards, portant le maillot blanc ou agitant le drapeau de leur équipe, ont aussitôt envahi la ville, se précipitant par milliers vers la place de Cibeles, leur lieu de célébrations traditionnel dans le centre de Madrid, pour une nuit de fête aux pieds de la déesse Cybèle sur son char.

Ils devaient attendre le retour des joueurs prévu à l'aube.

Quelques heures plus tôt, des dizaines de milliers de supporteurs frénétiques, ceux de l'Atletico, vêtus de rouge et blanc, ou du Real, drapés dans des foulards blancs, avaient rempli les travées des deux stades pour suivre à distance cette finale, inédite entre deux clubs d'une même ville, chantant, hurlant, retenant leur souffle.

Sur les gradins du Bernabeu, ils applaudissent, soulagés, quand Diego Costa, l'attaquant vedette de l'Atletico, est remplacé dès la 9e minute.

Sergio Ramos et Marcelo« Le Real est le roi de l'Europe. L'Atletico a très bien joué cette saison. Mais le Real, en Europe, c'est beaucoup », lance Jesus Angosto, un fonctionnaire de 27 ans, qui porte une coupe en papier argenté imitant le précieux trophée.

Nerveux, tous veulent croire à la victoire, mais craignent aussi l'adversaire qui achève une saison très brillante.

Dans les gradins du Calderon, la foule, euphorique, se déchaîne, trépigne, quand Diego Godin ouvre le score pour l'équipe à la 36e minute. Un gigantesque « Goal » retentit dans le stade. Au même moment, au Bernabeu, les supporteurs restent muets, pétrifiés.

Alors que la fin du match approche, la foule s'échauffe dans le Vicente-Calderon. Déjà, ils célèbrent la victoire. Jusqu'à ce but de Ramos.

« C'est un coup très dur. Nous étions à deux minutes d'être champions d'Europe », regrette David Montero, un étudiant ingénieur de 23 ans, les yeux mouillés de larmes.

Autour de lui, les supporteurs se prennent la tête dans les mains pendant qu'au Bernabeu la foule y croit à nouveau, bondit, hurle « Real Madrid, Real Madrid ».

La ville, divisée entre ses deux équipes de football, mais unie par une même passion pour ce sport, s'apprêtait à vivre une nuit électrique.

Par souci de sécurité, les autorités locales avaient renoncé à leur projet d'installer un écran sur la place de la Puerta del Sol, en plein centre, et chacun des deux clans aura donc suivi le match sur son territoire.