Une bicyclette de Ciman

C’est aujourd’hui que ça se met en branle. Et vous avez le droit d’être excités. L’Impact de Montréal - qui aimerait bien compter sur vous pour marquer l’histoire - entame le 4e camp d’entraînement de l’ère MLS de son histoire avec, entre autres, une défense remaniée. Et bien qu’il sera absent à cette première journée, le défenseur central belge Laurent Ciman sera sans aucun doute au coeur d'une ligne arrière que l’on souhaite autrement plus solide que la saison dernière (pas d'inquiétudes, il arrive la semaine prochaine...).

Si Ciman n’a pas le statut de joueur désigné, il ne faudrait toutefois pas considérer que sa valeur est diminuée. Il s’agit plutôt d’un choix volontaire effectué par le directeur technique de l’Impact Adam Braz. Car qui dit MLS dit aussi argent d’allocation, une devise mystérieuse dont chaque club du circuit dispose et qui peut servir à abaisser le salaire d’un joueur par rapport au plafond salarial. En vertu des statuts de ligue majeure, il se trouve justement qu’en terminant dernier en 2014, l’Impact a hérité d’une somme plus généreuse. 

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Légende: Laurent Ciman

Dans le cas de Ciman, on parle avant tout d'une stratégie de gestion qui permet aux dirigeants du onze montréalais de conserver les places de joueurs désignés à d’autres fins. On se rappellera d'ailleurs que le même type d'opération avait été effectué par l’Impact en 2012 avec un certain Alessandro Nesta - une pièce maîtresse que l’international belge de 29 ans est appelé à remplacer. Et tant qu'à y aller dans les comparaisons, sachez qu'à bien des points de vue, Ciman me fait penser à un autre joueur auquel rêvaient certains amateurs montréalais : Aurélien Collin.  

À l’aube du camp d’entraînement, je me suis entretenu avec Adam Braz pour discuter de l’acquisition de Ciman et du travail effectué depuis son arrivée en poste. Voici quelques extraits de la conversation.

À propos de Laurent Ciman: « C’est une grande acquisition pour nous... Il remplit tous les critères que nous avions établis, et en plus il veut venir ici. » Braz ne tarit pas d’éloges à l’égard d’un joueur sur lequel il mise pour refondre l’identité du club. « Si vous l’avez vu jouer, Ciman est fantastique pour relancer le jeu à partir de la défense. » Et il ne manque pas de souligner les efforts déployés par le principal intéressé pour venir à Montréal: « Quand un joueur est sous contrat, il faut trouver une solution [pour ne pas payer de frais de transferts]. Dans le cas de Ciman, nous sommes chanceux qu’il ait eu d’assez bonnes relations avec son club pour que celui-ci accepte de mettre fin à son contrat pour des motifs personnels. » 

Entre le moment où un agent basé à Montréal a offert les services du joueur à l'Impact (voir plus bas pour plus de détails à ce sujet) et l’annonce officielle de son arrivée, il s’écoule environ un mois. « Après avoir fait nos recherches, on s’est aperçu que c’était une option viable qui correspondait à nos critères. » 

Au sujet du plan de travail en vue de la saison 2015, Braz explique ce qui motive ses actions. « Notre but était de créer une compétition pour les postes à chaque position. En défense centrale, nous avons [Baky] Soumaré, Ciman, [Victor] Cabrera, Wandrille [Lefèvre] et Karl [W. Ouimette]. Ils sont cinq pour deux postes. C’est une saine compétition. La saison est longue en MLS. Il y a des blessures, des suspensions, certains joueurs perdent la forme, etc. On veut créer de « bons » maux de tête à Frank [Klopas] en mettant plusieurs bonnes options à sa disposition. Nous avons donc renforcé le secteur défensif et nous avons plus de profondeur. » 

De toute évidence, l’autre partie du plan était le milieu de terrain, un secteur qui a lui aussi été renforcé par les arrivées de Donadel, Reo-Coker et le retour de Patrice Bernier. Est-ce que le travail de Braz et Klopas est pour autant terminé?

« Je trouve que nous avons un bon mélange d’expérience et de jeunesse au milieu. Mais on ne peut jamais croire que le travail est terminé... Nous devons toujours penser à ce qui s’en vient. L’objectif est de prendre un temps d’avance pour ne jamais avoir à être en réaction. C’est ce que font les bonnes équipes à travers le monde. Elles arrivent à anticiper les fins de cycle et conservent leur avance sur les autres en faisant les changements nécessaires: se départir de certains joueurs et amener du sang neuf. C’est ce qu’il y a de plus difficile dans ce travail. Mais nous sommes très satisfaits du travail accompli. Nous avons adopté une approche systématique et nous avons suivi notre plan. Cela dit, nous n’avons pas encore terminé. » 

Et un attaquant pour remplacer Di Vaio, c’est pour bientôt? On connaît bien l’engouement des partisans montréalais dont certains ont parfois des idées de grandeur, mais y a-t-il de la pression interne pour qu’on aille cherche un gros nom qui aura des retombées au tourniquet?

« Quand ça vient de l’interne? Je ferme toujours mon téléphone dans ces cas-là... Sans blague, je pense que nous sommes en train de prouver que nous bâtissons une équipe solide qui sera gagnante sur le terrain. J’ose espérer que les partisans qui épient nos faits et gestes comprennent la nouvelle approche qui consiste à suivre le plan établi en fonction de la vision souhaitée pour l’équipe. Évidemment, si on estime qu’un joueur peut créer un buzz, ça fait aussi partie du calcul, mais ça n’aura jamais préséance sur sa capacité d’aider l’équipe à gagner. » 

Bref, les suggestions des fans, les forums de discussion, les sites de rumeurs sur le mercato, voilà qui semble laisser Braz indifférent. Après le contrat de trois ans consenti à Ciman, est-ce qu’une solution à court terme est envisageable pour l'attaque? « Non. Je dirais qu'on cherche à utiliser les places de joueur désigné pour le long terme. » 

Et quels sont les critères recherchés chez un attaquant?

« Certains attaquants se spécialisent dans la finition et ne participent pas vraiment à la construction du jeu. Ce n’est pas ce qu’on recherche. On veut un attaquant qui aide à la construction, capable de garder le ballon dos au but. Ça n’a pas besoin d’être un gros gabarit, mais un joueur assez intelligent pour le faire avec sa première touche, par exemple, qui permet à d’autres joueurs de s’engager en attaque. Enfin, on aimerait quelqu’un de rusé qui fait des courses intelligentes... »  


 

Le cas Ciman, vu par l’agent: un café, une liste, une proposition sérieuse

Si Laurent Ciman fait aujourd’hui partie du onze montréalais, c’est à l'origine une rencontre imprévue dans un café de la ville entre Jean Russo, un ancien joueur de l'AS Monaco devenu agent, et Nick De Santis, qui va initier les démarches.

« J’ai su par Nick (De Santis) que l’Impact était à la recherche de défenseurs centraux. Alors j’ai soumis une liste de trois noms dont Laurent Ciman faisait partie. Ciman m’avait informé que l'Amérique du Nord était une destination qui l’intéressait en raison des traitements dont pouvait bénéficier sa fille et qu’il pensait pouvoir trouver un arrangement avec le président du Standard de Liège si on lui faisait une proposition sérieuse. » 

Russo poursuit: « Ils m’ont vite fait part de leur intérêt pour lui. Et par la suite, j’ai été en contact avec Adam Braz et Richard Legendre. Laurent a senti très vite que le club avait à coeur de l’aider avec sa situation familiale. » L'Impact confirme d’ailleurs que Richard Legendre était régulièrement en contact avec Ciman et sa conjointe pour les aider dans leurs démarches. « En fait, ajoute Russo, si je peux me permettre, Laurent est très reconnaissant envers le club pour tout ce qui a été fait pour lui et sa famille. » 

Mais question de remettre le tout en perspective, redonnons la parole à Adam Braz, qui me décrivait plus tôt dans la journée les relations qu’un directeur technique entretient sur une base régulière avec des agents de joueurs.

« De nombreux agents nous présentent des joueurs disponibles. Il faut que l’on filtre à travers tout ça. Une fois quelques cibles établies, on regarde des vidéos et on essaie d’aller voir le joueur en personne. Ensuite, les contacts sont établis pour mieux le connaître. C’est une chose d'aimer quelqu’un comme joueur, mais on veut le connaître en tant que personne. C’est pour s’assurer qu’il s’adaptera bien au reste du groupe. En MLS, on ne peut pas se tromper sur les joueurs vu l’espace que ça prend sous le plafond salarial. Et quand c’est un joueur désigné, vu l’investissement du propriétaire, il faut faire nos devoirs. »

Alors, encore envie d'un petit espresso? Étant donné que l'Impact cherche un attaquant...

Des joueurs contents d'être à Montréal