MONTRÉAL – Centre nerveux d’un chaos organisé qui venait de l’animer pendant deux longues heures, le terrain du Stade olympique est désormais désert depuis une bonne quinzaine de minutes. La plupart des vétérans sont déjà aux douches tandis que les plus lents, toujours étendus sur la pelouse synthétique, terminent leurs exercices d’étirement.

À une extrémité du périmètre, à quelques enjambées de la section enflammée par les Ultras les soirs de matchs, Romario Williams et Cameron Porter font du temps supplémentaire. À tour de rôle, les deux recrues s’installent à l’entrée de la surface de réparation et répètent mécaniquement leur routine. Une passe arrive de la gauche, ils la saisissent et décochent sans attendre une frappe précise dans l’une des deux cibles installées de chaque côté du but.

C’est un rituel auquel se prêtent quotidiennement les jeunes attaquants, qui partagent beaucoup plus que des méthodes d’entraînement depuis leur arrivée à Montréal. En fait, les deux premiers choix de l’Impact au plus récent repêchage de la MLS ont développé une amitié presque instantanée.

« Tous les Jamaïcains ne sont pas décontractés, mais moi je le suis assurément! », rigole Williams pendant que derrière lui, son coéquipier enchaîne les répétitions. « On est tous les deux comme ça. On est des gars humbles aussi. C’est pour ça qu’on s’entend si bien. Il y a une bonne chimie entre nous deux, on se comprend sans avoir à faire d’efforts. »

Si les deux amis sont inséparables à l’extérieur du terrain, les responsabilités dont ils ont jusqu’ici hérité à l’intérieur des lignes divergent grandement. Porter, un choix de troisième ronde, s’avère la plus belle surprise de ce jeune début de saison chez le Bleu-blanc-noir. Il a foulé le terrain à chacun des trois premiers matchs de l’Impact et déjà, il a gravé son nom dans l’histoire de la franchise avec un but mémorable en Ligue des champions. Williams, intégré à la famille avec beaucoup plus d’éclat en tant que troisième joueur issu de l’encan amateur en janvier dernier, poursuit pendant ce temps son apprentissage dans l’ombre.

Williams n’a toujours pas vu son nom inscrit sur la liste des 18 joueurs en uniforme pour un jour de match et au ton prudent emprunté par Frank Klopas lorsque le sujet lui est présenté, on comprend que la patience de la recrue de 20 ans pourrait être mise à l’épreuve.

« Nos deux recrues font du bon boulot, mais avec Romario, ça va être un peu plus long, prévient l’entraîneur de l’Impact. Il est plus jeune et je crois qu’on peut se permettre de le faire progresser plus lentement. »

Klopas avance que la différence d’âge, même si elle est minime, est un facteur non négligeable à considérer quand vient le temps de comparer la courbe d’apprentissage des espoirs de l’organisation. La charpente plus robuste de Porter joue aussi à son avantage, note-t-il.

« Romario s’améliore. Seulement, Cameron apporte présentement une présence physique qui lui permet de bien soutenir le jeu et de progresser en vitesse dans les corridors », justifie Klopas.

Pas de jalousie

Pendant que Porter jouait les héros contre Pachuca, Williams célébrait anonymement, mais sans retenue, dans une loge du Stade. On pourrait le croire jaloux des succès du compagnon avec qui il est en compétition, mais il n’en est rien, jure-t-il.

« Quand il a marqué l’autre jour, il pourrait lui-même vous dire que j’étais le gars le plus heureux au monde. C’était un feeling fantastique, comme si c’était moi qui venais de mettre le ballon dans le but. J’étais si heureux parce que je suis conscient des efforts qu’on met pour perfectionner notre finition. Tout ce travail rapporte déjà des dividendes. »

Le plus jeune projet de l’Impact, qui a enfilé 18 buts en trois saisons à l’Université Central Florida, admet que la transition au niveau professionnel ne se fait pas sans heurt. À l’extérieur du terrain, il vient tout juste d’emménager dans son propre appartement après avoir été hébergé par son beau-père. Et sur le terrain, il ne peut plus se permettre une mauvaise journée au bureau.

« La charge de travail est deux fois plus imposante ici. À l’université, je pouvais lever le pied de l’accélérateur sans que ça ne paraisse trop. Ici, la marge d’erreur est inexistante, il faut tout donner à chaque jour. Mon corps ressent certainement la différence », reconnaît Williams, qui fait preuve d’une éthique de travail irréprochable, selon son patron.

Pendant combien de temps devra-t-il attendre avant de disputer ses premières minutes? Klopas refuse de prendre un engagement. « Quand on verra à l’entraînement un joueur qui pourra entrer et nous donner un coup de main, on lui donnera sa chance », promet le sélectionneur, qui préfère pour l’instant faire appel à Porter, Dominic Oduro et Jack McInerney à la position d’attaquant.

« Le support de tous les gars autour de moi est incroyable et ma confiance n’est pas affectée, assure Williams. Personnellement, je pense que je suis prêt. Quand la chance me sera offerte de le prouver, j’entends bien le démontrer à tout le monde. »