On pourra, bien entendu, revenir sur la «fin de la malédiction», ou «l'écueil enfin passé» des quarts de finale, qui ont bien souvent marqué le terminus de la «Roja» dans les grandes compétitions. Autant de remarques tout à fait vraies, mais qui appartiennent essentiellement à la statistique et pas tellement à l'analyse.

Beaucoup plus remarquable dans ce succès de l'Espagne, est sa capacité (enfin!) à ne pas s'auto-détruire sur le premier obstacle sérieux rencontré. Face à l'Italie, avec un scénario qui puait le piège, elle a su aller au bout de son talent, des certitudes de son jeu, avec une volonté de fer, sans jamais se désorganiser.

Surface interdite

Au contraire, elle a continuellement cherché à trouver de nouvelles solutions face à un problème qui s'épaississait au fil des minutes. À savoir, exprimer son jeu, tout son jeu, contre un adversaire quadrillant sa moitié de terrain comme jamais, et absolument décidée à transformer la surface de Buffon en zone «no-no».

C'est ainsi qu'au bout d'un quart d'heure, on la vit aller chercher l'inspiration dans de nouvelles permutations (Torres-Villa ou Silva-Iniesta), ou un peu plus tard en appelant des montées plus percutantes de son seul «joueur libre» (Senna, venant de l'arrière), ou même en lâchant en fin de match les montées des latéraux, Capdevila et Sergio Ramos, tous deux retenus aux arrière-postes par le danger posé sur les ailes par l'Italie, avec en premier lieu le tourbillonnant Cassano, suivi des menaces constantes de Grosso et Zambrotta.

Accélérer avec Fabregas

En choisissant de casser le rythme du match, d'essayer d'empêcher l'Espagne, non de s'exprimer mais de le faire efficacement, l'Italie a choisi la solution la plus logique. Et il faut lui reconnaître qu'elle s'y est employée avec une certaine réussite. Sa capacité à amener le danger sur des attaques placées, de façon régulière, a continuellement fait planer le danger sur la défense espagnole et Casillas dut finalement effectuer le plus gros arrêt de la rencontre devant Camoranesi.

Le succès espagnol est alors d'avoir su batailler pour reprendre en main un match qui pouvait lui échapper, en choisissant finalement d'accélérer les transitions vers l'avant avec les entrées de Fabregas et Cazorla. C'est après leur arrivée dans le match que les latéraux ont eu la possibilité de monter et c'est après leur arrivée que les Espagnols cherchèrent enfin à accélérer le jeu avec des renversements, des passes sautées, des dédoublements. Le tout avec l'entrée d'un véritable attaquant de surface, Güiza, capable d'aller chercher quelques ballons de la tête ou de répondre aux duels physiques dans la surface qui tournaient exclusivement à l'avantage des remarquables défenseurs azzuri.

Si l'Espagne n'a pu forcer la décision dans le jeu, elle ne s'est jamais désorganisée, jamais aplatie et c'est avec cette volonté qu'elle a su aborder les tirs au but.

Au bonheur de Guus

Si ce succès doit être un «déclic» pour l'Espagne dans sa façon d'aborder ces matches au couteau, il doit nécessairement demander confirmation jeudi devant la Russie. Pas si évident, tant l'équipe de Guus Hiddink semble être sortie de son adolescence en cours de tournoi. Elle croit en ses possibilités, qui sont gigantesques, elle possède des individualités exceptionnelles absolument au service du groupe, et se découvre un certain savoir-faire tactique auquel le bon Guus n'est pas étranger.

Un Guus qui devait d'ailleurs se frotter les mains dimanche soir. Il retrouve l'Espagne, son adversaire du premier match. Motiver un groupe en «pleine bourre» après son triomphe face aux Pays-Bas et lui faire passer sous le nez l'odeur de la vengeance après le 1-4 subi au premier tour, c'est l'enfance de l'art pour un tel motivateur.

Analyser le système de jeu espagnol après l'avoir affronté et vu se développer au cours du tournoi, c'est le b-a-ba pour un aussi fin tacticien. Qui pourra, bien entendu, disposer cette fois-ci de ce petit plus qui fait le grand bonheur de la Russie en ce moment, Andrey Arshavin. Bien sûr, il serait aussi assez intéressant pendant les quelques jours qui les séparent des retrouvailles avec la «Roja», de travailler un peu la finition des actions