Vues sur leur ensemble, les deux demi-finales aller de la Ligue des Champions correspondent assez à ce que l'on pouvait en attendre. Personne n'a pris d'avantage décisif, ni même déterminant. Personne n'a lâché grand'chose. Deux matches extrêmement tactiques, parfaitement préparés des quatre cotés, laissant très, très peu de choses au hasard.

Des quatre, c'est bien entendu Chelsea qui peut estimer avoir fait la meilleure affaire, sur la valeur ajoutée de son but à l'extérieur. Un but qui, s'il arrive de façon un peu abracadabrante (but contre son camp de Riise dans les dernières secondes du temps additionnel), n'est cependant pas volé et vient récompenser à la fois l'exceptionnel caractère de cette équipe ainsi que l'ultime pari offensif d'Avram Grant.

Kalou-Anelka, pari gagné

Avec ses «Blues» passablement secoués en fin de rencontre (les deux arrêts décisifs de Cech sur Gerrard et Torres), l'entraîneur de Chelsea aurait pu facilement chercher à s'asseoir sur un 0-1 qui n'aurait pas vraiment hypothéqué ses chances au match retour.

Il a pourtant choisi de pousser Kalou et Anelka toujours plus en avant, les deux joueurs s'avérant décisifs sur l'action qui amène l'égalisation. Kalou, d'abord, qui effectue le bon geste: contrôle orienté et recherche de l'espace utile pour centrer plutôt que de tenter un dribble. «Centrer», ou plus exactement «balancer» devant le but, l'essentiel n'étant pas de trouver un partenaire, mais de mettre le ballon dans une position «prenable» devant Reina.

Anelka, ensuite, entré en soutien de Drogba et dont la pression, la simple présence dans la surface à ce moment-là, suffit à précipiter le geste de Riise, tellement peu confiant en son pied droit qu'il cherche à sortir le ballon d'une tête forcément difficile.

Un Chelsea qui ose

On pourra toujours disserter sur les erreurs qui ouvrent la porte à cette égalisation. Que Kalou n'ait pas été pris «à la culotte» avant même la remise en jeu. C'est une remise en touche, enfin! Pas une contre-attaque! Un défenseur, deux, collé(s) à lui, prêt(s) à balancer le ballon jusque dans Stanley Park, et c'est marre.

Idem devant le but. Deux défenseurs pour deux attaquants? À quinze secondes de la fin? À ce moment-là, la surface de Liverpool aurait dû être aussi rouge que la place du même nom, un Premier Mai sous Brejnev.

En attendant, Chelsea a montré - une nouvelle fois, ajouterions-nous - une résistance hors du commun (formidable Carvalho, «solid as a rock»). Une équipe parfaitement capable de nous offrir du jeu plus léché que le «lance-ballon» vers Drogba qu'elle privilégie trop souvent. C'est d'ailleurs lorsqu'elle s'est organisée collectivement (avec Makélélé, Lampard et Ballack) qu'elle s'est montrée la plus dangereuse. C'est ce visage que Chelsea doit maintenant montrer pour «finir le travail» mercredi (avec Essien, de retour de suspension, pour augmenter encore un peu le volume de jeu).

La nature de Liverpool

De Liverpool, on pourra encore regretter qu'il ne semble capable de se mettre en marche qu'une fois dans les cordes, le dos au mur. Comme l'équipe «de Coupe» qu'il est, et qui convient parfaitement à sa nature. Il possède pourtant d'autres moyens que ça... Pendant plus d'une heure (de la 25e à la 90e), la paire Mascherano-Xabi Alonso a pris le contrôle du match. Pas un hasard que ces deux-là, plus Kuyt, soient à l'origine du but de Liverpool. Pas un hasard que ces deux-là, plus Kuyt, soient EXACTEMENT sur l'action, à l'endroit où le ballon doit être joué, gagné, libéré, utilisé.

La preuve que même avec un Gerrard somme toutes moyen (peu de pression sur Makélélé, mais une superbe ouverture en première intention pour Torres et une tentative «à la Gerrard» en fin de match), Liverpool possède une palette de jeu bien fournie. Benitez a trouvé l'équilibre sur les cotés et Liverpool joue maintenant plus à l'aise sur la largeur du terrain. C'est bien. Mais accepte encore trop volontiers de dépendre de l'entente Gerrard-Torres ou d'un coup d'éclat de Kuyt. Mercredi à Stamford Bridge, il en faudra sans doute un peu plus.

Manchester a mûri

Du coté du Nou Camp, on n'a pas vu la «Piste aux Étoiles» que certains attendaient. Essentiellement parce que Manchester a fini de jouer «naïf» en déplacement. En gros, depuis la claque prise à Milan l'an dernier (0-3 en demi-finale retour). Ses matches à l'extérieur sont aujourd'hui des modèles de maîtrise et de retenue. Deux rideaux défensifs 4+5 sur la largeur (avec Cronaldo libéré de tout travail défensif). Dans la profondeur, deux «cordons sanitaires» sur les flancs, Park-Evra et Rooney-Hargreaves (Rooney pour une fois à droite, un peu dans un rôle de sacrifié). Dans l'axe, un carré Ferdinand-Brown-Carrick-Scholes, dans lequel Tevez se replace aussitôt. L'idée? Interdire les espaces à Barcelone. Couper toutes les tentatives en profondeur. Et absorber le jeu dans l'axe comme un buvard, pour forcer l'adversaire à ressortir, donc reculer. Assez impressionnant, il faut l'avouer. Efficace aussi.

Plus d'occasions

Manchester a donc choisi de ne «pas trop» jouer. Mais aurait pu, sans doute, détruire le délicat équilibre de cette demi-finale dès la deuxième minute, et le penalty sifflé contre Milito. Cronaldo est un joueur exceptionnel. Son aisance, son sens du «show», son toucher de balle sont exquis. Certains traits de caractère sont sans doute plus irritants... Mais s'il y a bien un terme qu'on ne lui a jamais collé et qu'on ne lui collera sans doute jamais, c'est bien «sobre». Or, parfois, ça aide, comme sur ce penalty savamment placé à coté.
En attendant, à force de jouer contre nature, Manchester a fini par abandonner une partie de ses ambitions au Nou Camp, à savoir pouvoir ressortir deux ou trois fois et mettre bout à bout un contre en trois-quatre passes capable d'aller allumer la défense du Barça. Tant pis. Et si ce duel demeure encore assez ouvert avant le retour, il faut bien reconnaître qu'à OT, l'équipe de Sir Alex est capable de se créer au bas mot quatre à cinq énormes occasions de but (si Vidic joue, Hargreaves ou Anderson viendra amplifier le milieu de terrain).

Le Barça a besoin d'espaces

De l'autre coté, Barcelone a semblé retrouver une partie de son «jeu avec ballon». Possession énorme dans le camp adverse, avec plusieurs joueurs mis en mouvement sur chaque action. Là où le Barça a calé, c'est dans sa capacité à amener le déséquilibre jusque devant le but de Van der Sar. La plupart du temps, ses offensives se sont brisées sur les lignes de MU, essentiellement par l'incapacité des attaquants à changer de rythme, à apporter l'accélération, donner le coup de reins sur le dernier échange.

Au match retour, Barcelone ne pourra pas peser autant que ça sur cette défense. Par contre, en étant obligé de récupérer plus bas face à un MU qui attaquera plus volontiers, Barcelone pourrait trouver plus d'espaces pour des Messi ou Henry, des gars dont le jeu se nourrit d'espaces. Par contre, il lui faudra trouver autre chose coté «sérénité défensive» (retour de Puyol pour Marquez suspendu), pour éviter le coup de bâton passé si près mercredi dernier...