Sir Alex, roi d'Europe
Soccer jeudi, 22 mai 2008. 14:54 jeudi, 12 déc. 2024. 06:34
Ce ne fut sans doute pas la plus belle finale, un de ces moments lumineux où le talent et la technique se marient au jeu et font sauter tous les verrous. Ce n'est que très rarement le cas d'ailleurs. Alors prenons notre plaisir ailleurs. Et il ne fut pas dur à trouver. Car au niveau de l'intensité, de l'émotion, du suspense, de l'engagement, ce MU-Chelsea fut de très haut vol.
Et si United peut fièrement - et à juste titre - s'enorgueillir d'un troisième succès et s'autoproclamer meilleur club d'Europe cette saison, on voit mal comment un vaincu peut s'approcher encore plus près de la victoire que Chelsea mercredi soir... Milan, en 2005, peut-être?
Manchester s'installe
Comme on pouvait le craindre, les dix premières minutes sont quelconques. Les deux équipes ne se livrent guère, balançant souvent de longues balles, plus pour «tester» les replacements de l'adversaire que pour faire avancer quoi que ce soit. Les dix minutes suivantes ne valent pas mieux. Mais Manchester commence à faire circuler le ballon, bien, efficacement. Dans ces séquences, on se rend compte à quel point Carrick est devenu le pivot de cette équipe lorsqu'elle pose son jeu dans le camp adverse. Et il joue juste, dans le rythme, donnant l'impression de «voir» les deux-trois passes qui vont suivre. Hargreaves tente quelques incursions à droite, bien appuyé par un Brown qui monte plus que d'habitude, forçant d'ailleurs Malouda à défendre bien souvent. Ronaldo est assez peu sollicité mais chacune de ses prises de balle laisse pressentir le danger.
Chelsea se met donc à subir, à reculer, à éprouver d'énormes difficultés à sortir. Son système est alors de balancer loin vers Drogba, pour permettre au bloc de remonter de 15-20 mètres. La «prise à deux» sur lui (peaufinée par Liverpool ces dernières saisons) limite terriblement le nombre de ballons qu'il peut exploiter. Joe Cole et Malouda sont déjà englués dans le travail du milieu, tandis qu'Essien reste très sagement dans la zone de Ronaldo. Bref, après 25 minutes on se dit que Manchester tient le match et que ce Chelsea est parti pour aller nulle part. Survient le premier but.
Chelsea doit réagir
Un double échange rapide Scholes - Brown à droite qui permet au défenseur de revenir vers l'axe sans être menacé par un Bleu. Il a tout le temps d'ajuster un joli centre au deuxième poteau. Là, Ronaldo a pris ses distances derrière Essien, planté sur place, impuissant. La détente du Portugais est impressionnante, tout comme la justesse de son coup de tête, placé au ras du poteau de Cech.
Comme prévu, Manchester recule, laisse un peu plus de jeu à son adversaire. Prudence logique. Ferguson sait que Chelsea va, doit réagir. Il préfère lui donner quelques mètres pour mieux l'attendre et le prendre en contre. Ce qui ne manque pas d'arriver, avec une action parfaite Rooney - Ronaldo, mais Cech effectue deux arrêts magistraux devant Tevez puis Carrick.
Chelsea va, doit réagir. On a déjà vanté son incroyable résistance. Elle en fait de nouveau la preuve, juste avant la mi-temps. Le triangle Makélélé - Lampard - Ballack s'est mis en marche. Il gagne des ballons et surtout ne les lâche plus. Chelsea arrive enfin à jouer dans le camp d'United. Et Essien peut enfin se lâcher. À chaque montée, il apporte le surnombre, d'autant que Ronaldo ne le suit pas. Et c'est sur une de ces montées qu'il peut placer une frappe lourde... de conséquences. Elle rebondit deux fois, sur Vidic puis Ferdinand, et arrive parfaitement dans la course de Lampard. En face, Van der Sar glisse sur ses appuis et ne peut que regarder le grand Frank glisser le ballon sur sa gauche. Chelsea égalise juste avant la mi-temps. La rencontre a basculé.
Les tranchées
La deuxième mi-temps et la prolongation vont avoir le même visage. Chelsea a pris l'ascendant dans le jeu. Ses mouvements sont plus nets, plus tranchants. Ballack, Joe Cole, Drogba, Essien, Malouda (puis Kalou) et Lampard se créent des occasions. Deux moments importants de la deuxième mi-temps: cette magnifique frappe de Drogba sur le poteau, alors que Van der Sar était bien trop court (à 10 minutes de la fin). Et l'entrée en jeu de Ryan Giggs. D'abord, le «vieux» mancunien bat un record historique, dans ce club historique: le nombre de matches joués pour les Red Devils, propriété de Sir Bobby Charlton depuis presque 40 ans. Giggs l'a égalé la semaine dernière, lors du sacre en Championnat. Ce soir, pour son 759e, il entre dans la légende du club, aux cotés de Charlton, Georges Best...
Dans le jeu, Giggs s'installe derrière ses attaquants. Surtout, il repousse Hargreaves aux cotés de Carrick. Ces deux-là, devant la défense, vont jouer une demi-heure de «tranchées». Bien épaulés par Vidic qui s'avère essentiel durant le restant du match.
Et Terry
Chelsea terminera la prolongation avec 25 tirs. Énorme. Seulement deux cadrés. Ridicule. La différence se fait sans doute là, dans ces quarante minutes (une partie de la deuxième mi-temps, une partie de la prolongation) où les Bleus ont vraiment malmené United, sans parvenir à prendre l'avantage. Lampard trouve la transversale durant la prolongation. Mais de l'autre coté, Terry sauve (encore) une reprise de Giggs qui allait droit dedans après une accélèration d'Evra. Manchester n'a pas disparu d'un coup. Il s'est créé des bouts d'occasions. Mais avait perdu la maîtrise du match dès la mi-temps.
La prolongation est marquée par l'expulsion de Drogba. Logique, dans un climat de plus en plus volatil. Où chaque intervention se rapproche de la limite. Voire la dépasse.
Viennent les tirs au but. Et la tragique glissade de Terry, le tir de la victoire au bout du pied. Tragique pour un joueur qui incarne, plus que tout autre, ce Chelsea qui n'abandonne jamais. Le tir d'Anelka, mi-figue, mi-raisin et pourtant tout aussi décisif, on l'oubliera plus vite. Tout comme le raté de Ronaldo, tiré n'importe comment, mais finalement anecdotique.
Maintenant?
MU remporte sa troisième Coupe des Champions, la deuxième de Sir Alex (et les deux fois dans quelles circonstances!!!). Et, sur l'ensemble de sa saison, semble vraiment à sa juste place ce soir. L'entraîneur écossais décroche son 32e titre majeur (entre Aberdeen et MU) et ne semble pas prêt à tirer sa révérence (même si...).
Chelsea, Avram Grant, Terry, Lampard et Drogba achèvent une drôle de saison dans la place du «presque» (presque en Coupe de la Ligue, presque Champions, presque Champions d'Europe). Au cours de cette finale, ils auront gagné le respect après lequel ils courent depuis quatre ans. Sans doute trop tard, car l'aventure en Bleu semble s'achever pour plusieurs d'entre eux.
À Manchester, l'avenir commence aujourd'hui. Ronaldo restera-t-il? Les contacts avec le Real sont déjà avancés et il faudra toute la persuasion de Sir Alex pour le faire rester. Quelques changements sont à prévoir, mais la manne que MU va ramasser cette saison (EPL, Ligue des Champions, droits TV) pourrait inciter Ferguson à quelques dépenses de luxe. Car après avoir résisté aux assauts des prétendants (Wenger, Mourinho, Benitez), on imagine assez bien Sir Alex rêver d'un MU capable de durer au sommet de l'Europe.
Et si United peut fièrement - et à juste titre - s'enorgueillir d'un troisième succès et s'autoproclamer meilleur club d'Europe cette saison, on voit mal comment un vaincu peut s'approcher encore plus près de la victoire que Chelsea mercredi soir... Milan, en 2005, peut-être?
Manchester s'installe
Comme on pouvait le craindre, les dix premières minutes sont quelconques. Les deux équipes ne se livrent guère, balançant souvent de longues balles, plus pour «tester» les replacements de l'adversaire que pour faire avancer quoi que ce soit. Les dix minutes suivantes ne valent pas mieux. Mais Manchester commence à faire circuler le ballon, bien, efficacement. Dans ces séquences, on se rend compte à quel point Carrick est devenu le pivot de cette équipe lorsqu'elle pose son jeu dans le camp adverse. Et il joue juste, dans le rythme, donnant l'impression de «voir» les deux-trois passes qui vont suivre. Hargreaves tente quelques incursions à droite, bien appuyé par un Brown qui monte plus que d'habitude, forçant d'ailleurs Malouda à défendre bien souvent. Ronaldo est assez peu sollicité mais chacune de ses prises de balle laisse pressentir le danger.
Chelsea se met donc à subir, à reculer, à éprouver d'énormes difficultés à sortir. Son système est alors de balancer loin vers Drogba, pour permettre au bloc de remonter de 15-20 mètres. La «prise à deux» sur lui (peaufinée par Liverpool ces dernières saisons) limite terriblement le nombre de ballons qu'il peut exploiter. Joe Cole et Malouda sont déjà englués dans le travail du milieu, tandis qu'Essien reste très sagement dans la zone de Ronaldo. Bref, après 25 minutes on se dit que Manchester tient le match et que ce Chelsea est parti pour aller nulle part. Survient le premier but.
Chelsea doit réagir
Un double échange rapide Scholes - Brown à droite qui permet au défenseur de revenir vers l'axe sans être menacé par un Bleu. Il a tout le temps d'ajuster un joli centre au deuxième poteau. Là, Ronaldo a pris ses distances derrière Essien, planté sur place, impuissant. La détente du Portugais est impressionnante, tout comme la justesse de son coup de tête, placé au ras du poteau de Cech.
Comme prévu, Manchester recule, laisse un peu plus de jeu à son adversaire. Prudence logique. Ferguson sait que Chelsea va, doit réagir. Il préfère lui donner quelques mètres pour mieux l'attendre et le prendre en contre. Ce qui ne manque pas d'arriver, avec une action parfaite Rooney - Ronaldo, mais Cech effectue deux arrêts magistraux devant Tevez puis Carrick.
Chelsea va, doit réagir. On a déjà vanté son incroyable résistance. Elle en fait de nouveau la preuve, juste avant la mi-temps. Le triangle Makélélé - Lampard - Ballack s'est mis en marche. Il gagne des ballons et surtout ne les lâche plus. Chelsea arrive enfin à jouer dans le camp d'United. Et Essien peut enfin se lâcher. À chaque montée, il apporte le surnombre, d'autant que Ronaldo ne le suit pas. Et c'est sur une de ces montées qu'il peut placer une frappe lourde... de conséquences. Elle rebondit deux fois, sur Vidic puis Ferdinand, et arrive parfaitement dans la course de Lampard. En face, Van der Sar glisse sur ses appuis et ne peut que regarder le grand Frank glisser le ballon sur sa gauche. Chelsea égalise juste avant la mi-temps. La rencontre a basculé.
Les tranchées
La deuxième mi-temps et la prolongation vont avoir le même visage. Chelsea a pris l'ascendant dans le jeu. Ses mouvements sont plus nets, plus tranchants. Ballack, Joe Cole, Drogba, Essien, Malouda (puis Kalou) et Lampard se créent des occasions. Deux moments importants de la deuxième mi-temps: cette magnifique frappe de Drogba sur le poteau, alors que Van der Sar était bien trop court (à 10 minutes de la fin). Et l'entrée en jeu de Ryan Giggs. D'abord, le «vieux» mancunien bat un record historique, dans ce club historique: le nombre de matches joués pour les Red Devils, propriété de Sir Bobby Charlton depuis presque 40 ans. Giggs l'a égalé la semaine dernière, lors du sacre en Championnat. Ce soir, pour son 759e, il entre dans la légende du club, aux cotés de Charlton, Georges Best...
Dans le jeu, Giggs s'installe derrière ses attaquants. Surtout, il repousse Hargreaves aux cotés de Carrick. Ces deux-là, devant la défense, vont jouer une demi-heure de «tranchées». Bien épaulés par Vidic qui s'avère essentiel durant le restant du match.
Et Terry
Chelsea terminera la prolongation avec 25 tirs. Énorme. Seulement deux cadrés. Ridicule. La différence se fait sans doute là, dans ces quarante minutes (une partie de la deuxième mi-temps, une partie de la prolongation) où les Bleus ont vraiment malmené United, sans parvenir à prendre l'avantage. Lampard trouve la transversale durant la prolongation. Mais de l'autre coté, Terry sauve (encore) une reprise de Giggs qui allait droit dedans après une accélèration d'Evra. Manchester n'a pas disparu d'un coup. Il s'est créé des bouts d'occasions. Mais avait perdu la maîtrise du match dès la mi-temps.
La prolongation est marquée par l'expulsion de Drogba. Logique, dans un climat de plus en plus volatil. Où chaque intervention se rapproche de la limite. Voire la dépasse.
Viennent les tirs au but. Et la tragique glissade de Terry, le tir de la victoire au bout du pied. Tragique pour un joueur qui incarne, plus que tout autre, ce Chelsea qui n'abandonne jamais. Le tir d'Anelka, mi-figue, mi-raisin et pourtant tout aussi décisif, on l'oubliera plus vite. Tout comme le raté de Ronaldo, tiré n'importe comment, mais finalement anecdotique.
Maintenant?
MU remporte sa troisième Coupe des Champions, la deuxième de Sir Alex (et les deux fois dans quelles circonstances!!!). Et, sur l'ensemble de sa saison, semble vraiment à sa juste place ce soir. L'entraîneur écossais décroche son 32e titre majeur (entre Aberdeen et MU) et ne semble pas prêt à tirer sa révérence (même si...).
Chelsea, Avram Grant, Terry, Lampard et Drogba achèvent une drôle de saison dans la place du «presque» (presque en Coupe de la Ligue, presque Champions, presque Champions d'Europe). Au cours de cette finale, ils auront gagné le respect après lequel ils courent depuis quatre ans. Sans doute trop tard, car l'aventure en Bleu semble s'achever pour plusieurs d'entre eux.
À Manchester, l'avenir commence aujourd'hui. Ronaldo restera-t-il? Les contacts avec le Real sont déjà avancés et il faudra toute la persuasion de Sir Alex pour le faire rester. Quelques changements sont à prévoir, mais la manne que MU va ramasser cette saison (EPL, Ligue des Champions, droits TV) pourrait inciter Ferguson à quelques dépenses de luxe. Car après avoir résisté aux assauts des prétendants (Wenger, Mourinho, Benitez), on imagine assez bien Sir Alex rêver d'un MU capable de durer au sommet de l'Europe.