L’expansion, c’est supposé être bon, ça, l’expansion, n’est-ce pas? En tout cas, on en connaît qui ont déjà marché tout habillé de la même couleur pour ça. Mais vous comprendrez bien sûr que je ne parle pas de cette expansion-là. En fait, il est question ici de la décision prise par la FIFA de faire passer la Coupe du monde à 48 équipes en 2026. Dans ce cas-là, alors, est-ce que c’est une si bonne chose que ça?

Question de transparence : sachez que je me suis déjà penché sur la question sur une autre tribune avant que le changement ne soit officialisé. Plutôt que de vous recopier le texte en entier - je plaisante, ce serait un manquement grave à l’éthique journalistique (et surtout, pour moi, ce serait beaucoup trop long) - vous pouvez aller rafraîchir votre mémoire en suivant ce lien. Bref, je n’étais pas impressionné, voire perplexe quant à la nécessité d’augmenter la taille d’un événement ayant déjà vécu quelques épisodes d’embonpoint depuis les années 1980.

Reste que l’augmentation du nombre d’équipes par la FIFA ne constitue pas une grande surprise. Le président Gianni Infantino avait déjà annoncé la couleur avant son élection à la tête de l’organisation, parlant d’un tournoi à 40, puis à 48 équipes. Malgré les diverses critiques en provenance de l’extérieur, il faut rappeler qu’au sein de son organisation, Infantino n’a jamais manqué d’appuis pour soutenir cette expansion, et que la proposition vient d’être adoptée à l’unanimité. La nouvelle fait donc des heureux dans les associations nationales qui voient s’améliorer leurs chances de participer à la phase finale de la Coupe du monde.

Ce que ça veut dire pour le Canada? Que malgré bien des efforts en matière de développement, le plan de la CSA est avant tout d’être pays hôte de l’événement avec ses voisins du continent en 2026. Autrement dit, si tout va comme prévu, pas d’échec à craindre lors des qualifications en Concacaf.

Problèmes à l’horizon

Mais les inquiétudes que le futur format de compétition soulève chez plusieurs sont loin d’être apaisées avec un tournoi comprenant 16 groupes de trois équipes. Plus que le nombre total de participants, ce sont les effets pervers sur le déroulement de la compétition qui posent problème.

Ici, afin de bien illustrer le péril des groupes à trois, ça vaut quand même la peine de répéter un exemple maintes fois cité : imaginons un groupe où le Brésil bat le Canada 1-0 et que le Canada fait match nul 0-0 face au Cap-Vert. Lors du dernier match, un nul entre le Brésil et le Cap-Vert « arrange » les deux équipes qui se qualifient pour la suite et éliminent le Canada. À peu de choses près, des histoires comme celles-là, la FIFA en connaît déjà. Bref, les ménages à trois, au soccer aussi, c’est délicat.

N’oublions pas non plus la possibilité de trois matchs nuls de marque identique au sein d’un même groupe... Toujours en mode solution, Infantino mentionnait il y a quelques mois que les tirs de barrage pourraient dorénavant être utilisés lors des matchs de groupe. Or, ce ballon d’essai ne semble pas avoir fait l’unanimité. Il faut donc continuer à chercher. Dans un article publié sur ESPN FC, le journaliste Gabriele Marcotti évoquait pour sa part d’autres scénarios considérés pour éviter les égalités.

Une idée originale serait de se servir du classement mondial de la FIFA pour départager les équipes étant à égalité au classement de leur groupe. Autrement dit, l’équipe étant la mieux classée en raison de ses performances avant le tournoi, lors des qualifications par exemple, obtiendrait un avantage mérité sur ses opposants. Ce serait du même coup une façon d’augmenter le prestige d’un classement souvent remis en question. Islande : 21ème, Angleterre : 13ème? Tous ceux qui ont suivi l'Euro savent que quelque chose ne va pas.

Or, on a beau aimer le concept, hormis l’exception de la Liga MX, un tel mécanisme ne fait pas vraiment partie de la culture actuelle du monde du ballon rond. Vu la vitesse à laquelle la FIFA opère des changements pour l’utilisation de la vidéo dans l’arbitrage ou l’introduction d’un protocole sur les coups à la tête, on imagine mal de quelle manière on ferait accepter une telle mesure lors de son événement phare. Interrogé au sujet des bris d’égalité, Infantino a laissé la question en suspens en affirmant que la décision finale ne pourrait être prise que deux ans avant le tournoi de 2026. On a donc encore le temps d’y penser.

Quant aux clubs qui se plaignent de la surcharge de travail pour leurs joueurs, la bonne nouvelle est que le nombre de matchs à disputer pour les finalistes éventuels (7) ne changera pas. Ils pourront ainsi compter sur leurs étoiles pour de nouvelles tournées estivales en Asie et des camps d’entraînement en Amérique du Nord avant de presser le citron de leurs poulains pendant 70 à 80 matchs plus ou moins bien étalés sur une saison. S’ils ne gagnent pas ou finissent par se blesser, ce sera tout de même la faute de la FIFA.

On aura beau rouspéter tant qu’on voudra, la Coupe du monde à 48 s’en vient. On pourra dire que c’était mieux dans le temps, sans les protège-tibias, avec les matchs nuls et les passes au gardien. On sera quand même plus d’un milliard à la regarder quand le bon Gianni donnera le coup d’envoi.