Ce fut comme un grand frisson, une chair de poule aussi désagréable que la teneur de la bombe lancée par Frank Gifford en plein Monday Night Football, au réseau ABC. C’était le l0 décembre 1984. « Messieurs », dit-il à ses collègues Don Meredith et O.J. Simpson, « Gary Carter vient d’être échangé aux Mets de New York ». J’étais sidéré, incrédule, choqué, comme tous les amateurs! « Gary Carter échangé? »

Ce soir-là, les Expos de Montréal sont morts. Pas instantanément, certes. Mais ce fut le premier signe de la longue agonie qui allait suivre au cours des vingt années suivantes. Ce fut la fin de « l’innocence », le constat brutal que Montréal ne pouvait plus suivre le même rythme que les marchés puissants comme New York, Los Angeles et autres. Ce fut le début d’une ère frustrante pour les amateurs, marquée par de longues et prometteuses reconstructions suivie immanquablement par de tristes liquidations.

Avec le départ de Gary Carter, les Expos venaient de perdre leur cœur, leur âme, leur personnalité. Carter fut, à lui seul, le lien le plus fort de l’histoire de l’équipe avec ses partisans. Si Rusty Staub avait marqué le début de la concession, si la merveilleuse édition de 1994 avait de quoi faire saliver les autres formations du baseball majeur, si Vladimir Guerrero nous a fait bondir de notre sièges à plusieurs reprises, aucun autre joueur ayant porté l’uniforme des Expos n’aura eu le même impact que le « Kid ».

À Montréal, Gary Carter avait trouvé le marché parfait pour lui. Sa joie de vivre, son énergie, son intensité sur le terrain, sa grande générosité envers le public étaient des qualités dont raffolent les amateurs de sport de chez nous. Les quelques mots de français qu’il distribuait ici et là avec le sourire nous portaient presque à oublier qu’il était américain et anglophone. Globalement, il donnait l’impression d’être vraiment heureux à Montréal, d’être « un des nôtres ».

Frissons et chair de poule. C’est aussi la sensation ressentie en voyant les récentes photos de cet homme ravagé par le cancer. Ce fut aussi la sensation ressentie jeudi, en apprenant son décès. Avec en toile de fond, une grande tristesse. Mais aussi, de merveilleux souvenirs.

Adieu le « Kid ». On ne t’oubliera jamais.

Le « dos blanc » au cœur rouge

« Salut le dos blanc! »

La plupart du temps, c’est ainsi que Mathieu Darche m’interpelle, en raison de notre origine commune. « Les dos blancs », c’est le surnom que l’on donne à ceux qui sont natifs de Ville Saint-Laurent. Cela remonte à l’époque où la région était surtout composée de terres agricoles et faisait référence à ceux qui portaient les tabliers blancs, dans les champs.

Or, le « dos blanc » du Canadien connaît peut-être ses meilleurs moments en carrière dans la Ligue nationale présentement et cela fait suite à une décision éclairée de l’entraîneur Randy Cunneyworth qui remonte au début du mois de février. À partir du match au New Jersey, contre les Devils, le temps de jeu de Darche est passé de 10 minutes ou moins par rencontre à près de 20 minutes! Puis, il y eut cette réunion fructueuse avec Tomas Plekanec qui eut pour effet de donner à l’équipe une unité extrêmement efficace autant en défense qu’à l’attaque.

« Je n’ai rien inventé », me disait Randy Cunneyworth hier. « Jacques Martin a déjà utilisé les deux ensemble dans le passé. Mathieu est un joueur honnête, qui offre toujours un rendement constant, qui va droit au but, qui est intense et je croyais que c’est le genre de compagnon dont Tomas Plekanec avait besoin à compter de maintenant ».

Le moins que l’on puisse dire, c’est que les résultats sont probants. Depuis le début du mois, Plekanec a repris vie en attaque tandis que Mathieu Darche présente une fiche de trois buts et trois passes, ce qui est encore plus éloquent compte tenu de son étiquette « d’employé de soutien ». Fait important à noter, ces résultats à l’attaque découlent de missions défensives complexes, les deux étant appelés plus souvent qu’autrement à neutraliser les meilleurs attaquants adverses.

Contre Boston, jeudi, Mathieu Darche a aussi étalé au grand jour une autre facette de sa personnalité d’athlète : le cœur! De la première à la dernière minute, au cours d’une rencontre presque digne des séries éliminatoires, il a frappé l’adversaire, a bloqué des tirs, a provoqué des revirements et il a aussi marqué un but en infériorité numérique qui a redonné vie à son équipe en deuxième période. Il a ressenti une certaine gêne quand on lui a demandé si ce fut un des ses bons matchs en carrière dans la LNH, mais il a fini par admettre que ce soir-là, il a vraiment donné tout ce dont il est capable.

Mathieu Darche veut jouer dans la LNH la saison prochaine, cela ne fait aucun doute dans son esprit. Et il veut le faire à Montréal, avec le Canadien, s’il n’en tient qu’à lui. À la direction maintenant de saisir l’occasion de garder au moins une saison de plus un aussi vénérable guerrier!