Il était connu comme Barabas dans la passion à ses heures de gloire, comme aumônier de l'oeuvre du bon Dieu en taxi de 1955 à 1969. Autant que le Cardinal Léger, le Maire Drapeau, Yvon Robert ou Maurice Richard.

Le Révérend Père Aquin, s.j., le Père pour les intimes, pénétrait dans le vestiaire du Canadien comme bon lui semblait. Il pouvait bénir Yvon Robert avant l'un de ses importants combats au Forum, sur demande. Ou encore Johnny Rougeau au Centre Paul Sauvé. À Blue Bonnets? Il était vu plus souvent que Ti-Guy Émond. Mettons.

Ses relations avec les Canadiens remontaient à 1950. Stationné à Québec pour une période de deux ans à la demande de ses supérieurs, le Père Aquin avait invité la grande vedette des Citadelles de Québec, Jean Béliveau, à patiner avec des jeunes dans le cadre d'une promotion spirituelle de son ministère. Le Grand Jean avait accepté sans hésitation et depuis les deux sont restés de grands amis. Le Père Aquin était toujours invité aux célébrations de la conquête de la coupe Stanley chez Jean rue Victoria, à Longueuil, de 1955 à 1960. Jean assistait d'ailleurs aux funérailles du Père entre Noel et le Jour de l'an à Ville St-Laurent. Il a connu une baisse de pression et a été hospitalisé, mais il se sent bien maintenant.

Il y a une quarantaine d'années, si non plus, Henri Richard, mécontent de réchauffer le banc, avait fait une fugue dans les Laurentides et c'est le Père Aquin qui avait ramené la brebis égarée au bercail. "J'ai écouté les conseils du Père Aquin, surtout pour le bien des amateurs. Mais je ne me souviens plus tellement des circonstances. Ça fait si longtemps" de commenter Henri, lorsque questionné sur le sujet ces jours derniers.

Le secret de la confession

Un jour, bien décidé à faire mes Pâques, j'arrête à la roulotte du Père Aquin, située parc Lafontaine à l'angle des rues Rachel et Papineau, dans le but de me confesser. Le Père, un peu surpris, me dit de passer dans son bureau. Il n'y avait pas de confessionnal. Je suis installé de l'autre coté de son bureau, comme s'il s'agissait d'une entrevue. Le Père met son étole et m'ordonne de commencer ma confession. Après une minute et demie, il me demande d'arrêter.

"C'est suffisant", dit-il. "J'en ai assez entendu. Je te donne l'absolution et comme pénitence, tu réciteras une demi-dizaine de ton chapelet."

"Premièrement, le Père, j'en ai déjà eu un chapelet, mais je l'ai perdu au fil des ans. Et puis pourquoi seulement une demi-dizaine", lui dis-je?

"Parce que Jean-Paul, avec les péchés que tu viens de me déclarer, je suis persuadé qu'une dizaine de chapelet au complet, ça sera trop long pour toi. Allez-en paix". Fin de la confession et des émissions. Que le diable m'emporte, je pense que je n'ai jamais retourné à la confesse depuis. J'ai eu mon voyage.

Il a vidé les églises

L'oeuvre du "Bon Dieu en taxi" a connu un tel succès, que le Père a vidé les églises. Les curés étaient jaloux du fait que le "Bon Dieu en Taxi" était devenu la plus grosse paroisse en ville. Des milliers de personnes, en voitures comme dans des "drive in", principalement des taxis, assistaient régulièrement aux messes dominicales du Père Aquin ainsi qu'aux messes de minuit. Le ballon devait finalement crever. En 1969, après 14 ans de dur labeur, le Père a reçu ordre de ses supérieurs de cesser la présentation des messes de nuit puis de fermer boutique. Ce fut le commencement de la descente aux enfers pour le Père Aquin.

Après deux ans de réflexion et de ressourcement spirituel, le Père a pris son courage à deux mains et est allé demander un "job" au premier ministre du temps, Robert Bourassa. Il n'allait pas demander la charité, mais il voulait travailler. Il avait connu Bourassa comme élève durant sa régence au collège Jean-de-Brébeuf. Quatre jours plus tard, il était nommé directeur des relations extérieures à l'Office de développement de l'Est du Québec, Bas du Fleuve, de la Gaspésie, des Îles-de-la-Madeleine, avec bureau à Rimouski et résidence chez les Jésuites tout près. C'était en novembre 1972.

Ce fut une mauvaise expérience, pour ne pas dire le désastre. Laissons la parole au Père Aquin. "J'ai senti que mon parachutage par le premier ministre du Québec ne plaisait pas à tout le monde de la région. J'étais un gars de la ville. Je venais de Montréal. Je restais donc au bureau le plus souvent possible C'était une atmosphère néfaste que ne pouvais plus supporter. Je prenais un verre avec des amis pour me distraire, mais ce n'était pas bon pour moi. Un bon soir, le 6 mai 1973, vers deux heures du matin, après une journée d'ennui, revenant chez-moi, ce fut le "black-out", l'amnésie partielle. Je me réveille au volant de ma voiture, déjà entourée de curieux. Je venais de tuer deux personnes. Vous m'excuserez mais je ne suis plus capable de vous décrire la pire nuit de ma vie.".

Le Père Aquin fut trouvé coupable et condamné à la prison de Waterloo "Beach" où il a finalement obtenu sa libération le 24 décembre 1974. À 72 ans, il a décidé d'abandonner la prêtrise et a mené jusqu'à sa mort, survenue le 23 décembre dernier à 87 ans, une vie d'hermite qu'il a dédié durant 17 ans à la maison de réhabilitation pour alcoolique surnommée le Grand Élan à Mont Roland. Rencontré au Centre Bell il y a environ trois ans, le Père - parce que je l'ai toujours appelé de cette façon même s'il n'était plus prêtre - m'avait promis de m'envoyer le manuscrit de sa biographie qu'il avait rédigé à la "mitaine" durant son séjour en prison. À une condition : pour des fins personnelles. Je l'ai toujours conservé et respecté sa volonté.

Il était une fois, le Révérend Père Aquin, s.j. À son dernier repos, il était Paul Aquin. Tout court. Qu'il repose en paix.