L’ex-porte-couleurs des Alouettes de Montréal et des Eskimos d’Edmonton, Steve Charbonneau, qui partage maintenant sa vie avec la députée caquiste et ministre déléguée à l’Éducation, Isabelle Charest, a déjà une bonne idée de ce qui l’attend dans son rôle de soutien de famille.

« Si jamais vous la voyez avant moi, dites-lui bonjour de ma part », lance-t-il, à la blague.

Sa femme, nouvellement élue dans Brome-Missisquoi, a passé les deux derniers jours à Québec où le nouveau premier ministre François Legault a réuni les membres de son caucus dans le but de les familiariser avec ce qui les attend au cours des quatre prochaines années. Même si les familles des députés et ministres y étaient conviées, Steve est resté à la maison. Lui-même un personnage public, il voulait éviter de se retrouver avec une caméra dans la face pour répondre à des questions qui n’étaient pas de son ressort.

Charbonneau et Charest forment un couple très en vue au Québec. Avant d’embrasser diverses causes et d’être très impliqués dans la communauté, leur carrière sportive leur avait déjà valu leur large part de manchettes. Durant ses 11 saisons dans la Ligue canadienne de football, Steve a remporté deux coupes Grey. En trois participations à des Jeux olympiques, Isabelle a remporté autant de médailles en patinage de vitesse sur courte piste.

Ce sont des gagnants dans le plus pur sens du terme. Avant de se lancer en politique, Isabelle croyait donc en ses chances de remporter la victoire dans un château fort libéral qui n’avait vu aucun député d’un parti rival menacer leur territoire au cours des 38 dernières années.

La décision de se lancer dans pareille aventure n’est pas sans conséquence. La politique n’est pas une sphère de tout repos. Outre les jambettes, les coups de Jarnac et les inévitables critiques à encaisser, il y a inévitablement un prix à payer sur le plan familial. Alors, ensemble, durant une bonne période de réflexion, ils ont tenté de visualiser ce qui allait se passer dans le cas d’une victoire.

« Au départ, je ne crois pas qu’une campagne électorale était une mission très agréable pour elle, précise Steve. Il y a tellement de choses pas nécessairement vraies, à la limite méchantes, qui se disent. Je lui témoigne toute mon admiration, car elle n’a pas fait le moindre commentaire négatif sur le dos de ses adversaires. Je pense qu’elle n’a même pas mentionné leur nom. Ce n’est pas son style de rabaisser les gens pour mieux se mettre en valeur. »

C’est François Bonnardel, le député du comté voisin devenu depuis ministre aux Transports, qui l’a convaincue, de tenter sa chance dans Brome-Missisquoi où elle croit maintenant pouvoir faire une différence. Cette région l’a adoptée il y a longtemps et vice versa puisqu’elle a épousé un gars de Cowansville. Qui prend mari, prend pays.

Devenir politicienne ne faisait pas partie des ambitions personnelles de la patineuse, bachelière en nutrition de l’Université de Montréal et coordonnatrice des communications à la commission scolaire Val-des-Cerfs. Elle aimait ce boulot, de sorte qu’elle ne ressentait pas l’utilité de planifier une seconde carrière. Elle n’était pas du genre à se lancer en politique sur un coup de tête.

Elle avait besoin de recevoir un appel et elle l’a reçu. Son objectif était d’offrir une meilleure chance de réussir aux enfants. Elle va maintenant s’y appliquer.

Pas question de politique pour Steve

L’appel a évidemment été celui de M. Bonnardel que le couple considère comme un ami. Dans le passé, ce politicien de carrière avait subtilement sondé l’intérêt de Charbonneau, lui aussi caquiste. Steve n’y voyait aucun intérêt, principalement parce qu’il ne croit pas avoir la diplomatie requise pour exercer ce métier.

« On prétend souvent que toute vérité n’est pas bonne à dire, mais moi, je la dis quand même, souligne-t-il dans un éclat de rire. Mon ex-coéquipier Bruno Heppell me disait souvent : "Steve, tu n’as pas occasionnellement un pied dans la bouche. Tu es né avec un pied dans la bouche". Je dis ce que je pense. Donc, je ne crois pas que j’aurais bien cadré dans un milieu où il faut respecter la ligne du parti. Quant à Isabelle, elle y a vu une occasion de relever un nouveau défi et l’appel qu’elle a reçu l’a allumée. »

Ils en ont beaucoup parlé avant que la décision d’Isabelle soit prise. Avec des enfants âgés respectivement de 13 et 9 ans, une logistique familiale s’imposait. On s’est même tourné du côté de François Bonnardel afin de mieux savoir ce qu’un tel mandat signifie pour les conjoints et conjointes. Mieux armés pour affronter pareil défi, ils ont convenu que le moment était bien choisi pour tenter l’expérience.

Hissée au rang de ministre déléguée à l’Éducation, on a cru pendant un moment qu’elle avait également hérité de la responsabilité des Loisirs et du Sport, ce qui n’est pas le cas. En faisant le lien avec sa carrière sportive, certains médias ont cru à tort que c’était une évidence.

Isabelle Charest est une femme calme et réfléchie qui a l’habitude de donner ses opinions, une facette de sa personnalité qui a notamment été mise en lumière à l’occasion de son rôle de chef de mission des Jeux de Pyeongchang. Elle n’aurait pas mérité trois médailles olympiques si elle ne s’était pas battue chaque fois comme une enragée pour arriver à ses fins. C’est aussi une femme douce qu’on voit mal encaisser les coups durs et la critique en politique. Son mari, qui la connaît mieux que personne, n’est pas inquiet.

« Elle jouit d’une bonne carapace, mais elle sera toujours une femme d’une grande sensibilité, dit-il. D’ailleurs, les politiciens sont généralement des gens sensibles qui désirent changer des choses. Elle est consciente qu’elle ne peut pas régler tous les problèmes par elle-même. Elle a un gouvernement derrière elle pour l’appuyer. Elle sera efficace, n’en doutez pas. Elle va livrer les dossiers là où ils doivent se rendre. »

Charest est une fonceuse, comme on en a été souvent témoin sur la scène sportive mondiale. Toutefois, si elle est plusieurs fois montée sur un podium, ça ne signifie pas qu’il soit facile pour autant d’y accéder. On sait tous la somme d’effort qu’il faut déployer pour briller aux Olympiques. Ceux qui la connaissent croient qu’elle pourra appliquer en politique ce qu’elle a mis en pratique sur la glace, même si elle patinera dorénavant sur une patinoire fort différente.

De son côté, Charbonneau, directeur général du sport adapté au Québec, sera parfois chargé de garder le fort à la maison.

« Je l’ai supportée durant la campagne électorale et je continuerai à le faire. Je suis déjà très impressionné par sa façon de faire les choses », conclut-il.