La difficile acceptation des différences
Sports divers lundi, 9 déc. 2019. 10:52 dimanche, 15 déc. 2024. 11:32Le Canadien sort enfin d’une longue traversée du désert. Dans les derniers jours, on a entendu bien des commentaires et lu bien des analyses apportant toutes les solutions menant à la victoire...
En même temps, on souligne ces jours-ci le 30e anniversaire (même s’il n’y a rien à fêter) du drame de Polytechnique, qui, selon moi, représente un symbole du refus de l’acceptation des différences. Et, encore une fois, j’ai été sous le choc.
Cette fois-là, il s’agissait de la haine des femmes, mais il y a encore tellement de domaines où les différences ne sont pas tolérées, dont le racisme et, bien entendu, les orientations sexuelles. Et le sport a bien des leçons à recevoir sur ce sujet.
Quand j’étudiais à l’Université de San Diego, j’ai eu le plaisir de croiser John Ameachi. Ce nom ne vous dit rien? Il a été un solide joueur de basketball au tournant des années 2000, mais il a surtout été le premier à révéler son homosexualité. J’ai connu un homme sympathique, intelligent, articulé, confiant en ses possibilités et déterminé à se respecter. C’est pourquoi il a décidé de cesser de vivre dans le mensonge et affirmé son orientation sexuelle.
Sa décision date de plusieurs années, et je me suis demandé s’il y avait vraiment des progrès depuis ce moment. Eh bien, force est de constater que règle générale, dans les sports professionnels, les membres de la communauté LBGTQ hésitent à s’afficher parce que c’est généralement mal perçu. Au sein de la Ligue nationale de football (NFL), très peu ont osé s’exprimer; au basketball, dans la NBA, ils représentent encore l’exception, de même qu’au baseball. Au Canada, ce n’est guère mieux. Bref, comme l’écrivait avec justesse le journaliste François-David Rouleau dans Le Journal de Montréal, les athlètes homosexuels, dans les sphères professionnelles, doivent vivre dans le mensonge et l’obscurité.
Au hockey, spécialement dans la LNH, c’est encore l’omerta qui règne. Il aura fallu attendre en octobre dernier pour qu’enfin un hockeyeur professionnel « sorte du placard ». Et encore, il s’agissait d’un gardien jouant dans la ligue du Danemark. On est loin de la Ligue nationale!
Pourtant, un sondage CROP effectué pour la Fondation Jasmin indique que 13 % des Canadiens appartiennent à la communauté LBGTQ. Il serait donc illusoire de croire qu’il n’y a pas, à peu près, la même proportion dans les sports. Je dois noter que l’homosexualité semble mieux acceptée dans les ligues féminines. Un peu comme si personne ne s’en étonne pour des joueuses de hockey. Chez les hommes toutefois, c’est la loi du silence qui voile tout.
Une sociologue albertaine, Cheryl MacDonald, a fait une recherche sur la question et note que l’homosexualité au hockey est considérée au même titre que les problèmes de santé mentale, les commotions cérébrales ou les dépendances aux drogues ou à l’alcool. À talent égal, un dirigeant choisira un joueur qui ne présentera aucun de ces signes.
Et là ne s’arrêtent pas les soucis que rencontrera un joueur homosexuel. Il devra aussi affronter les commentaires machistes sur la glace et ceux de certains de ses équipiers dans la chambre des joueurs. Tout cela s’ajoute aux défis incroyables qu’a déjà à relever un joueur qui atteint la LNH. On comprend donc que les membres de la communauté LGBTQ qui s’y rendent n’aient pas envie que tout le monde connaisse leur orientation sexuelle. En la révélant, ils renforcent leur isolement, seront la cible de blagues malheureuses, pourraient ressentir beaucoup de désarroi et se sentir découragé. À cet effet, bien des athlètes (même au hockey dans les ligues inférieures où des joueurs ont décidé d’arrêter de jouer à cause de leur homosexualité) témoignent d’idées noires et parfois mêmes de tendances suicidaires.
Bien sûr, la LNH a affirmé son soutien à la communauté LBGTQ. Elle dit n’accepter aucun propos homophobe ou raciste à l’endroit d’un joueur, d’un arbitre ou d’un entraîneur. Le problème vient du fait que ces règlements sont très difficiles à appliquer. Les arbitres ont beau être sensibilisés, il est ardu de saisir tout ce qui se dit sur une patinoire. Il y a quand même des cas où les joueurs fautifs ont été punis, dont Ryan Getzlaf des Ducks d’Anaheim (10 000 $) ou Andrew Shaw, alors un membre du Canadien (5 000 $).
Mais la partie n’est pas gagnée. Ça prendra beaucoup de volonté politique et d’efforts pour que les joueurs de la communauté LBGTQ puissent se sentir acceptés au hockey. Ça passe par la compréhension des différences et une approche inclusive et humaine.
J’aborderai cette problématique à l’émission l’Antichambre ce soir le 9 décembre, et je vous y invite. J’attends aussi de prendre connaissance de vos commentaires sur cette question.