Un Brodeur aux multiples talents
Sports divers mercredi, 15 nov. 2017. 07:57 dimanche, 15 déc. 2024. 02:59Même s’il a été lui-même un athlète aux multiples talents, Claude Brodeur a surtout été connu dans l’oeil du grand public comme le fils de Denis Brodeur, l’un des plus grands photographes sportifs de son époque, et comme le frère de Martin Brodeur qui entrera au Panthéon du hockey à la suite d’un vote unanime l’an prochain.
Claude a été un défenseur avec les Saguenéens de Chicoutimi entre 1976 et 1978. Il a signé un contrat professionnel avec les Expos de Montréal. Quand sa carrière dans le baseball a pris fin à 21 ans à la suite d’une déchirure musculaire à un bras, il a jeté son dévolu sur la balle lente, un sport où il a fait suffisamment sa marque pour entrer au Panthéon de Softball Québec il y a un an. Il a aussi été un puissant golfeur dont les coups de départ faisaient rougir d’envie son frère Martin. La vedette de la famille a déjà dit de Claude qu’il avait plus de qualités athlétiques que lui. Tout un compliment venant du plus grand gagnant dans l’histoire du hockey.
Personnellement, je me souviendrai de lui comme d’un homme charmant, poli. Une pièce d’homme qui ne parlait pas fort et qui ne cherchait pas à occuper tout le plancher. Chez les Brodeur, la première vedette a été Denis. La superstar a été Martin. Dans l’ombre du père et du frère, Claude a surtout été celui qui a manqué de chance.
Il avait des ambitions quand il a joint les Expos. Dans les mineures, il s’est lié d’amitié et a même été le co-chambreur occasionnel d’Andres Gallaraga. Il a fallu une blessure sérieuse pour le sortir de là. Puis, le diabète est venu sérieusement hypothéquer son quotidien. Dans un moment crucial de sa maladie, ses deux jambes ont été amputées à la hauteur des genoux. Il y a un mois, on lui a enlevé ce qui restait de ses jambes. Ce dernier coup dur a totalement miné son moral.
« Même si le diabète est une maladie qui ne pardonne pas, ces deux dernières opérations l’ont tué », précise Jean-Paul Campeau, un ami de longue date de la famille qui a veillé sur lui comme un frère au cours des cinq dernières années. À n’en pas douter, Campeau a été son soutien le plus assidu durant la période la plus difficile et la plus douloureuse de sa vie.
Campeau affirme bien humblement qu’il a été son homme à tout faire. Certains jours, il plaçait son fauteuil roulant dans le coffre arrière de sa petit Honda Civic et trouvait le moyen d’y engouffrer ce mastodonte de plus de 250 livres. Ensemble, ils allaient faire ses courses, voir du monde. Ces sorties contribuaient à égayer ses journées. Dans la maison familiale de Saint-Léonard, que Martin avait fait adapter à sa condition, ils ont passé des heures à visionner du baseball, du hockey et du golf à la télévision. Claude avait aussi un dada. Il adorait la lutte. Quand il insistait pour que son chum vienne voir de la lutte en sa compagnie, il parvenait très difficilement à l’attirer chez lui. Campeau déteste la lutte. C’était bien la seule chose qu’il pouvait lui refuser.
D’un naturel jovial, Claude prenait généralement la vie comme elle venait, mais il avait aussi ses moments de révolte, on peut le comprendre. Pas facile pour un sportif dans l’âme de perdre l’usage de ses jambes. Il ne se plaignait pas, mais il s’ennuyait beaucoup. Il ne lisait pas et parlait peu. Le fait d’avoir perdu son père il y a quatre ans et sa mère l’an dernier n’a fait qu’ajouter à sa solitude.
« Il vivait mal ses problèmes de santé, dit Campeau. Il n’a jamais vraiment accepté sa condition. Il a été courageux. Personnellement, si j’avais connu les mêmes ennuis, je ne crois pas que j’aurais pu l’accepter. Quand on a retiré ce qui restait de ses jambes, il y a un mois, il a beaucoup souffert. »
Ses souffrances ont pris fin quand il a rendu l’âme samedi dernier. Son ami, devenu aidant naturel par la force des choses, ne cache pas ressentir un vide immense en ce moment.
« Je ne dis pas cela parce qu’il était mon chum, mais Claude était une vraie bonne personne, le gars qu’on souhaiterait tous avoir comme frère », dit-il.
Une femme coriace
Au cours des derniers jours, on a beaucoup vanté le talent de Danielle Goyette, la cinquième femme à faire son entrée au Panthéon du hockey. On a tout su sur elle : ses débuts sur patins à cinq ans, son intrusion difficile dans un sport réservé à l’élément masculin, sa ténacité pour y arriver et son exil à Calgary pour y apprendre l’anglais, un atout qu’elle jugeait indispensable pour être pleinement accepté dans le programme national canadien et ainsi participer aux Jeux olympiques.
On n’a pas dit suffisamment à quel point elle a été une athlète coriace. Avant les cérémonies d’ouverture des Jeux de Nagano, ses tout premiers, elle a reçu un appel déchirant de la maison. Son père venait de rendre l’âme. Elle a encaissé le choc et beaucoup pleuré. Ses coéquipières ont tenté de la réconforter dans la mesure du possible.
Puis elle a été confrontée à une décision aussi déchirante qu’injuste. Devait-elle rentrer à Saint-Nazaire, au Québec, pour lui rendre un dernier hommage ou devait-elle rester sur place pour caresser son plus grand rêve d’athlète? Sa famille l’a aidé à trancher. Il fallait qu’elle reste à Nagano. Il serait toujours temps à son retour au Québec de se recueillir sur la dépouille de son père.
Si je me souviens bien, elle a marqué le but gagnant à son premier match. Jouant d’une façon inspirée, elle a bouclé la compétition olympique avec huit buts en faisant fi au passage de la remarque mesquine d’une joueuse américaine qui, pour briser sa concentration, lui a fait un commentaire vicieux sur son père durant un match.
Son étonnante production de huit buts l’avait étonnée. Elle avait mis cet exploit sur le compte de l’aide providentielle que lui avait apportée le disparu. Après avoir perdu la médaille d’or dans le dernier match, elle avait éclaté en sanglots devant les journalistes qui se massaient devant elle. Perdre son père et la médaille d’or en l’espace de quelques jours avaient été des épreuves trop lourdes à supporter.
Elle s’est bien reprise en remportant l’or olympique aux Jeux de Salt Lake City et de Turin. Toutefois, il y a fort à parier qu’elle n’oubliera jamais l’expérience très éprouvante de Nagano.
Une femme inspirante, Danielle Goyette n’a pas volé sa place au Panthéon.