Avant de poser les pieds au Stade IGA pour y animer le spectacle, les joueurs de l’ATP font la connaissance des ambassadeurs de la Coupe Rogers.

 

Ce groupe de bénévoles a un mandat fort simple au premier regard : permettre aux athlètes qui lutteront pour le trophée remis au terme du tournoi de se rendre du point A au point B.

 

Cette tâche, Maxime De Blois l’a accomplie lors de cinq présentations de la Coupe Rogers en sol montréalais. Bien naïf cependant de croire que ses fonctions de chauffeur, qu’il partage avec 137 collègues pour l’édition 2019, se limitent à tenir fermement le volant et à manœuvrer dans les rues de la Métropole.

 

Comme on sait qu’une bonne première impression est primordiale et que le dessert assurera un doux souvenir en fermeture, le directeur du tournoi fait bien comprendre aux chauffeurs de la Coupe Rogers l’ampleur de la responsabilité qu’ils endossent quand ils s’assoient dans le siège du conducteur.

 

« Lorsque Eugène Lapierre vient nous rencontrer au début du tournoi, il laisse entendre que nous sommes les ambassadeurs de la Coupe Rogers. Nous sommes les premiers avec qui les joueurs entrent en contact à l’aéroport et les derniers lorsqu’ils quittent », a indiqué Maxime De Blois lors d’un généreux entretien avec le RDS.ca.

 

« Je pense que notre travail revêt une importance particulière alors qu’on est le reflet du tournoi à l’extérieur du site », a-t-il avancé, louangeant  au passage le travail réalisé par tous les bénévoles impliqués.

 

Comme de fait, le comité du transport entame ses activités bien avant le coup d’envoi du tournoi de la série Masters 1000. Cette année, quatre jours avant le début des qualifications, des chauffeurs ont été dépêchés à l’aéroport pour récupérer les premiers joueurs, officiels ou dignitaires de l’ATP qui débarquaient en ville.

 

Au moment du premier trajet, De Blois ne cache pas qu’il leur arrive de devoir endosser la casquette du guide touristique en présentant la ville jusqu’au trajet vers leur hôtel, soit l’Hotel Fairmont The Queen Elizabeth ou le DoubleTree de Hilton. Si ce n’est pas pour parler de Montréal, ils leur arrivent de devoir venir en aide à un joueur qui a besoin d’un conseil magasinage d’urgence. L’homme de 42 ans se souvient très bien de la demande de l’Italien Fabio Fognini à son arrivée tout juste après être débarqué de l’avion il y a quelques années.

 

« Je suis allé le chercher à l’aéroport et son équipement ne l’avait pas suivi avec l’avion. Il m’a alors dit qu’il avait besoin d’une paire de chaussures et il se demandait où il pouvait trouver ça. Je lui ai donné quelques commerces sur Ste-Catherine où il pourrait se procurer de chaussures de tennis », a souligné celui qui a vu Richard Gasquet, Feliciano Lopez et Evgeny Donskoy monter à bord avant les matchs de troisième tour.

 

Lorsque ce n’est pas pour trouver un magasin de chaussures, la majorité des chauffeurs suivront un tracé bien établi entre l’aéroport, l’hôtel et le stade IGA. Il s’agit d’un véritable triangle pour ceux qui ne sont pas assignés à titre de chauffeur privé. Ces derniers ne sont qu’une poignée, alors qu’ils sont à la disposition des joueurs du top-10 et de certains Canadiens, dont Félix Auger-Aliassime et Denis Shapovalov.

 

Ceux-ci doivent toutefois faire face à une tout autre réalité que M. De Blois alors que leur itinéraire est établi par le joueur sur toute la ligne.

 

« Ce sont des bénévoles comme moi qui se font attitrer un joueur durant toute la durée du tournoi. L’avantage est qu’ils ont la voiture pour toute la compétition. Par contre, leur horaire est celui du joueur. Ils doivent donc être disponibles pour ce dernier », mentionne celui qui apprécie bien le fait d’avoir un passager différent à chacune de ses courses.

 

Être prêt à accepter l’inattendu

 

La journée d’un chauffeur débute véritablement avec le contrôle de la BMW qui est mise à sa disposition pour l’événement, le premier plein d’essence et un lavage à neuf. Ce manège se répète tous les matins. Vient ensuite la période d’attente à l’hôtel avec un café à la main et le cellulaire pas trop loin jusqu’à ce qu’il sonne.

 

Une fois l’appel du superviseur reçu, l’invité sur la banquette arrière est maintenant identifié. Les papillons peuvent alors se faire ressentir, surtout lorsque le joueur est fort bien connu.

 

« J’ai déjà eu Juan Martin del Potro dans ma voiture et lorsqu’il est arrivé avec tout son entourage c’est devenu un peu stressant », a confié l’enseignant de profession.

 

Le stress n’allait pas s’arrêter là, car le même Argentin lui a fait vivre un moment inusité alors qu’il le ramenait à l’hôtel.

 

« J’allais le reconduire du stade à l’hôtel, mais j’étais pris dans le trafic en raison d’un spectacle. Del Potro, me demande si l’hôtel est bel et bien là, de l’autre côté de la rue. Je lui ai répondu que oui, mais que je devais alors remonter Mansfield pour le déposer au débarcadère. Il me répond : “I will go out”. Il a ouvert les portes et toute son équipe est sortie et je me suis dit alors : “non ce n’est pas possible ” », en se rappelant ce souvenir.

 

Cette anecdote est cependant une belle preuve que le chauffeur doit être prêt à toute éventualité et accepter que certaines situations ne se dérouleront pas toujours comme le plan initial le prévoyait. Il s’agit d’une réalité que tout nouveau chauffeur devra rapidement accepter et que toute bonne volonté ne pourra empêcher.

 

« Parfois un joueur vient de disputer un super gros match et on voudrait le rendre le plus rapidement à l’hôtel, sauf qu’il faut faire avec les aléas de la circulation, donc c’est impossible », fait-il savoir.

 

« Le seul inconvénient de mon travail, c’est le stress. Je me l’impose à ma personne. Je me mets une pression qui n’est pas toujours nécessaire. C’est le souci de bien faire. On veut aller porter le joueur à un emplacement le plus rapidement possible. Mais c’est Montréal et il y a la réalité des cônes oranges », ne sait-il que trop bien.  

 

Vient un moment où cette réalité n’est plus une source de stress. L’expérience entre alors en ligne de compte selon celui qui doit faire entre quatre à cinq trajets en voiture par quart de travail qui dure six heures chacun, sauf celui du soir qui se termine avec la fin des activités au Stade IGA. Il en vient donc un temps où les détours et les zones de travaux sont même source de rires au sein de l’habitacle.

 

« Montréal, ça fait 15 ans que c’est en construction et ce le sera pour les 15 prochaines années. C’est d’ailleurs une blague répétitive avec les joueurs, alors que le symbole de la ville de Montréal, c’est le cône orange », a mentionné celui qui fait un minimum de huit quarts de travail au cours de la Coupe Rogers.

 

« Je ne commencerai pas à payer un ticket en plus. Je suis bien heureux de côtoyer des joueurs et conduire des BMW, mais il y a des limites quand même », s’est-il esclaffé.

 

Une tendance qui rattrape les chauffeurs

 

Si les cônes oranges font encore et toujours partie du portrait peu importe l’édition de la Coupe Rogers, un élément en particulier a changé aux yeux de De Blois. La flotte de chauffeurs a considérablement augmenté au cours des dernières années.

 

Ils sont d’ailleurs passés de tout juste une centaine de chauffeurs à 138 même si le nombre de joueurs ou joueuses demeure constant d’une édition à l’autre. En réalité, la taille des équipes entourant l’athlète a augmenté à un point tel qu’il faudra parfois deux véhicules pour assurer le transport.

 

« On voit une tendance chez les joueurs à se déplacer avec l’entraîneur, le massothérapeute, le psychologue, la nounou, la femme, les enfants. Pour aller chercher un joueur, il faut parfois deux chauffeurs, pour que tout le monde puisse faire le trajet », a-t-il exposé.

 

Si le véhicule est rempli à pleine capacité avec l’équipe du joueur et ses outils de travail, parfois le silence règne dans l’habitacle puisque l’athlète a simplement besoin de se concentrer ou de faire le vide après une période plus difficile.

 

« Il faut être respectueux du joueur ou de la joueuse. J’avais Brayden Schnur que je transportais à l’hôtel. Il avait une dure journée et il m’a demandé si c’était correct qu’il enfile ses écouteurs. J’ai répondu qu’il n’y avait aucun problème. L’important est de le mettre à l’aise dans toutes les circonstances », a-t-il assuré.

 

Une façon de bien réaliser ce qui se présentera à lui est de communiquer avec les différents chauffeurs, que ce soit entre deux quarts de travail ou dans une salle aménagée tout près de l’entrée des joueurs au Stade IGA. De Blois prend soin d’indiquer que la communication est la clé entre les bénévoles pour faire face aux différentes situations.

 

« L’ambiance est plaisante. Le mot clé est la camaraderie avec les autres chauffeurs. On est une équipe vraiment amusante. Je ne les revois pas durant l’année, mais je serai heureux de les revoir à la même date l’an prochain. Quand on revient au stade, c’est un exutoire, on décompresse et on se donne des trucs. On se dit quel raccourci prendre », a-t-il donné en exemple.

 

Alors qu’il a l’intention de se retrouver derrière le volant pour plusieurs Coupe Rogers encore, De Blois admet qu’au terme de son mandat, il n’est pas déçu d’arrêter de jouer les chauffeurs de taxi.

 

« Après avoir fait le tournoi, j’ai un plus grand respect encore pour les chauffeurs de taxi qui sont dans le trafic toute la journée. Même chose pour les policiers en patrouille. Faire ça 365 jours par année, je ne suis pas certain », a-t-il songé avant de partir à rire.

 

Les dernières courses des chauffeurs s’écouleront jusqu’à deux jours après la remise du trophée. Après, il sera temps de couper les moteurs, une ultime fois.