Il se passe toujours des choses intéressantes dans un tournoi du Grand Chelem car lorsque le gratin mondial se rencontre, les batailles de très grande qualité sont légion. De plus, dans ces temps troublants, certains acquis demeurent certes, mais cela est intéressant de constater que certains joueurs et joueuses en ont profité pour réfléchir un peu plus sur l'allure de leur carrière jusqu'ici tout en posant des gestes concrets pour mieux se positionner pour la suite des choses. 

 

C'est exactement ce qui se passe chez les dames, alors que la Tchèque Barbora Krejcikova va au bout de son rêve pour remporter un premier titre Grand Chelem en simple. C'est certain que le tableau est décimé trop rapidement avec les départs hâtifs des championnes de Grand Chelem Ashleigh Barty, Naomi Osaka, Angelique Kerber, Bianca Andreescu, Garbine Muguruzza et Serena Williams. Cela ne fait aucun doute que les jeunes ont les dents longues et surtout, aucun complexe d'infériorité face aux joueuses détenant un curriculum vitae bien garni.

 

Quel conte de fée pour Krejcikova, qui connecte un peu mieux avec son talent en simple l'an passé à la Porte d'Auteuil avec une présence en ronde des 16, en plus d'atteindre la finale cette année à Dubaï, les demies à Rome et le titre à Strasbourg juste avant Roland-Garros. Donc, se retrouver 33e en simple et 7e en double, c'est tout de même une belle référence.  

Pour moi, elle est la définition parfaite d'une force tranquille alors qu'elle passe à travers des matchs difficiles face à Elina Svitolina, Coco Gauff, Maria Sakkari et en ronde ultime Anastasia Pavlyuchenkova. L'histoire nous raconte qu'elle n'était qu'une des dix Tchèques dans le top-100 sans plus et que durant l'arrêt de jeu en raison de la COVID, on lui offre des matchs d'entraînement face à ses compatriotes de renom soit l'ancienne no 1 mondiale Karolina Plishkova et la double championne de Wimbledon Petra Kvitova. Elle réalise alors quel est son vrai niveau en leur arrachant des sets. 

 

L'autre élément de grande valeur, c'est lorsque sa maman lui dit un bon jour, alors qu'elle est âgée de 18 ans, qu'elle doit prendre des moyens concrets pour atteindre ses buts. « Va cogner à la porte de la championne de Wimbledon Jana Novotna et demande-lui de l'aide ». Comme maman a toujours raison (!), Jana accepte humblement de l'aider et même d'écumer au début les petits tournois avec elle. C'est ainsi que nait une grande amitié et complicité. Malheureusement, Jana nous quitte bien trop tôt en 2017 à l'âge de 49 ans à la suite d'une longue bataille contre un cancer des ovaires. 

 

Un 1er titre majeur émotif pour Krejcikova

Barbora triomphe en l'honneur de sa grande amie, portée par chaque conseil précieux de l'ancienne grande championne. Qui ne se souvient pas de sa finale à Wimbledon en 1993 alors qu'elle mène 4-1 au 3e set devant Steffi Graf en plus d'avoir plusieurs points de 5-1. Jana s'écroule et perd finalement le match. Lors de la cérémonie de la remise des trophées, elle éclate en sanglots, pleurant sur l'épaule de la Duchesse de Kent. Lorsqu'elle triomphe finalement en 1998 au All England, il fallait voir l'immense joie illuminer le visage de la Tchèque lorsqu'elle a reçu le trophée des mains de la Duchesse.

 

Donc, lorsque Krejcikova est nerveuse durant le tournoi et impatiente en finale alors qu'Anastasia Pavlyuchenkova lui fait la vie dure en arrachant le 2e set en plus de sauver deux balles de championnat à 5-4 au 3e set, je m'imagine qu'elle pense aux bons conseils de son amie. Sûrement que Jana lui a raconté comment elle a surmonté ses nerfs pour finalement transformer sa douleur en joie profonde. Une autre preuve de la grande valeur des ex-joueurs pour partager, guider et enrichir la vie des champions de demain. En passant, Novotna excellait aussi en double puisqu'elle a remporté 16 titres Grand Chelem en double féminin et en mixte tout en atteignant la 1e place mondiale de cette discipline. Et bien, Krejicova en rajoute en triomphant aussi en double féminin à Paris en compagnie de Siniakova. Elle trône désormais elle aussi au 1er rang de la discipline avec ce triomphe! Mais c'est fantastique!

 

Pas mal aussi (!) la fantastique remontée de Novak Djokovic pour une 2e fois en moins de 48 heures, d'abord face à Rafael Nadal en demies et puis Stefanos Tsitsipas en ronde ultime. Ce bougre d'homme réussit à épuiser Nadal et Tsitsipas en se transcendant à partir de la 3e manche jusqu'à la fin du match.

 

C'est comme s'il se transformait émotivement et physiquement, devenant une machine qui ne produit que ce qu'il y a de mieux pour éteindre l'adversaire à petit feu. 

 

Petite note intéressante : Barbora Krejcikova a joué et remporté le tournoi de Strasbourg juste avant Roland-Garros. Tsitsipas a disputé et gagné l'épreuve de Lyon, totalisant 19 matchs sur une séquence de cinq tournois sur la terre battue. C'est énormément de tennis. Cela a fonctionné pour la Tchèque mais pour le Grec, avec ce format coupe-pattes au meilleur des cinq manches, on a bien vu qu'il manque d'énergie en finale dès le milieu du 3e set. J'aurais aimé qu'il enclenche au 2e set quelques montées au filet pour écourter les points plutôt que se rabattre sur l'amortie ad nauseam.

 

Il est jeune, dédié et travaillant, alors je suis certaine qu'il apprendra. Je lui offre tout de même un large bouquet de belles roses rouges qui sont des intemporelles reines de beauté, une orchidée dans un pot qu'il pourra déposer à l'entrée de son appartement à Monaco tout en admirant sa discrète élégance et un olivier qu'il plantera dans sa cour et qui représente la paix, la victoire et la force. L'olivier c'est pour la prochaine fois qu'il affrontera Cosmic Djokovic en Grand Chelem...

 

Je termine avec une petite phrase entendue je ne me souviens plus où, mais en marge du tournoi. Je vous l'offre car elle me rappelle que le français est une langue amusante quand utilisée habilement. Alors, voici : «  Les journalistes sont sans voix devant la décision d'Osaka »...