MONTRÉAL – « C’est sûr qu’on prend toutes les petites bonnes nouvelles qui surgissent. » Après trois mois éprouvants à plusieurs niveaux pour ses protégés, l’entraîneur des Carabins de l’Université de Montréal, Marco Iadeluca, ne pouvait que se réjouir des assouplissements annoncés lundi. 

Ainsi, les joueurs des Carabins pourront renouer avec le terrain pour effectuer de la préparation physique – selon certaines restrictions – à partir du 22 juin. 

« Pour le moment, le plus beau développement, c’est que les gars puissent se retrouver. On dit toujours que le football est un grand sport d’équipe qui crée des amitiés et des fraternités incroyables. Les gars ont tous hâte, ils ont juste envie de se voir », a confié Iadeluca, lundi après-midi. 

« On continue de se croiser les doigts pour obtenir d’autres bonnes nouvelles », a-t-il ajouté du même souffle. 

La première étape de ce « déconfinement » pour les Carabins consistera donc à des séances de course et d’agilité sur la surface artificielle de la colline montréalaise. On peut présumer que la bonne humeur n’aura jamais été autant au rendez-vous lors de ces exercices éreintants, 

« Ça fait plus de trois mois qu’on ne s’est pas entraînés en groupe en personne. Juste le fait d’avoir un petit bout de terrain, un peu de supervision et d’échanger avec quelques gars, ça va faire énormément de bien », a convenu le joueur de ligne offensive Pier-Olivier Lestage avec toute l’excitation qui peut se ressentir dans sa voix grave.  

Cependant, l’accès au gymnase du CEPSUM demeure défendu. Pour l’instant, les joueurs des Carabins devront donc poursuivre leur préparation physique avec des accessoires de base comme des élastiques et des ballons suisses. Toutefois, la pression pour autoriser la réouverture des gymnases s’accentue si bien que ça pourrait changer prochainement. 

Pierre-Mary Toussaint« On suit les directives très strictes du CEPSUM et ce n’est pas pour tout de suite », a confirmé Pierre-Mary Toussaint, l’expérimenté préparateur physique du club.  

Précisons au passage que l’entraînement en « circuits » demeure interdit puisque les joueurs doivent inévitablement utiliser le même matériel à tour de rôle pour compléter les différentes stations. 

Cette petite évolution s’avère tout de même très précieuse pour les Carabins – et les autres équipes de football universitaire – qui ont dû redoubler d’ingéniosité pour conserver les acquis physiques de leurs athlètes durant la pandémie. 

En tant que préparateur physique, Toussaint s’est retrouvé avec un défi de taille à résoudre. C’était loin d’être facile de superviser les efforts des nombreux joueurs à distance surtout que l’équipement nécessaire n’était pas à la portée de tous. 

Durant les premières semaines du confinement, chaque athlète devait s’entraîner de son côté en respectant un programme fourni en fonction de ses besoins spécifiques. Mais, rapidement, le besoin de la motivation de groupe s’est fait sentir. À l’image de bien des équipes sportives, les Carabins ont transformé l’entraînement en séances virtuelles sur Zoom. 

« Ça procure un sentiment d’appartenance de s’entraîner avec leurs coéquipiers. Ils ont retrouvé ce lien avec leurs coéquipiers, c’est super important ! Dans un sport comme le football, il ne faut pas que tu sentes que tu es seul dans ta bulle. C’était le mieux qu’on pouvait faire dans la situation actuelle », a observé Toussaint. 

« Les gars ont trouvé ça beaucoup plus éprouvant la première semaine qu’on a fait le tout sur Zoom. Pourtant, c’était le même programme que chacun suivait à la maison. Mais, dans un groupe, tu veux suivre le rythme. Tu as le préparateur qui pousse les gars, qui les encourage et la pression de vouloir être à la même intensité que les autres. Un gars qui s’entraîne seul, il pense qu’il pousse et qu’il est assez intense, mais dès qu’il se retrouve dans un groupe et qu’il voit une autre personne pousser un peu plus que lui, il va élever son niveau d’intensité », a poursuivi le préparateur physique qui a bâti le programme virtuel avec ses deux partenaires et les entraîneurs. 

Les Carabins ont choisi d’offrir 11 plages horaires par semaine aux joueurs et ceux-ci devaient participer à 4 d’entre elles. La plupart du temps, de 10 à 15 joueurs participent à chaque séance ce qui permettait de superviser la technique de chacun pour éviter des blessures ou des techniques inadéquates.

« Je trouve vraiment que nos préparateurs physiques ont fait toute une job. On pouvait participer quand ça nous convenait plus. Si une journée ça te tentait moins, tu savais que tu serais avec d’autres personnes pour te pousser. Il faut le dire, ce n’est pas le genre d’entraînement auquel on est habitués », a convenu Lestage. 

L’adaptation a justement été imposante pour les joueurs de ligne offensive et de ligne défensive qui doivent lever de grosses charges. 
 
Pier-Olivier Lestage« C’était tough, on ne pouvait pas vraiment remplacer l’entraînement qu’on faisait. Moi, personnellement, je pense que j’ai perdu un peu de poids. J’essaie de me tenir loin du pèse-personne pour ne pas trop y penser. C’est sûr que ç’a été difficile », a précisé Lestage qui adore se réfugier au gymnase. 

Heureusement, les préparateurs physiques disposent de plusieurs trucs pour compenser, en partie, le manque d’équipement. Des alternatives intéressantes sont venues de sacs à dos remplis de livres et des grosses bouteilles d’eau (de 18 litres) remplies. 

« On a même utilisé des portes pour faire le mouvement de pull up. C’est sûr que ça dépend de quel type de porte, elle doit être solide. Mais ça reste que peu de portes peuvent résister à un joueur de 300 livres. On a rigolé avec ça, on n’a pas eu de plaintes pour des portes cassées après quelques semaines. Disons que ça sollicite notre créativité », a souri Toussaint. 

La créativité devra être remplacée par la prudence éventuellement afin d’éviter des blessures lorsque le gymnase sera à la disposition des joueurs. 

« Ce sera important d’effectuer un retour progressif. Les gars seront excités de pouvoir lever des poids, il faudra vraiment les retenir. Même l’arrêt après une saison ne dure jamais aussi longtemps. Ce sera notre défi au retour, ils auront envie de rattraper le tout en deux semaines. Ils sont habitués de pousser dans le gymnase », a conclu Toussaint.  

Un début pour le moins particulier pour Iadeluca

Toute cette adaptation représente un obstacle de taille même pour un entraîneur-chef d’expérience. Imaginez pour Iadeluca qui venait à peine d’accepter au poste avec les Carabins. Il ne risque pas d’oublier ses premiers mois dans cette fonction. 

« C’est sûr que ce n’est pas idéal, je pense que j’ai passé deux ou trois semaines au CEPSUM avant qu’on doive travailler à distance. J’ai réussi à trouver le moyen de me connecter avec les gars, autant pour leurs entraînements que pendant les réunions qu’on tenait avec l’attaque et la défense. J’ai aussi essayé de développer des liens avec ceux que je connaissais moins en plus d’avoir des rencontres régulières avec les capitaines », a décrit Iadeluca. 

Logiquement, il espère que les efforts de sa troupe seront récompensés par la tenue d’une saison, complète ou partielle. Par conséquent, il félicite le Réseau du sport étudiant du Québec (RSÉQ) qui a opté pour la patience au lieu d’annuler la saison 2020 aussi rapidement que les autres circuits canadiens. 

« On est bien heureux que le RSÉQ prenne son temps pour arriver à la meilleure décision », a-t-il noté.  

« Je suis content que le RSÉQ ait décidé d’aller un peu à l’encontre des autres en attendant de voir l’évolution des choses. Je trouvais ça bizarre que les autres ligues annulent la saison du jour au lendemain alors qu’on voit une amélioration depuis quelques semaines. J’ai trouvé ça un peu prématuré. C’est sûr que ça ne garantit pas qu’on aura une saison, mais ça veut dire beaucoup pour nous », a exposé Lestage en appuyant les dires de son nouvel entraîneur.