Listen to "Compte complet - épisode 4 - 15 mai 2017" on Spreaker.

L’an dernier, on avait donné le rôle de premier frappeur à Kevin Pillar. Pourtant, celui-ci avait conservé une moyenne de présence sur les buts de moins de ,300 au cours de sa carrière et l’expérience a été telle que prévu : très loin des attentes.

Tellement, que son nom n’a plus été mentionné lorsque venait le temps de discuter de cette problématique chez les Blue Jays de Toronto. 

Encore, cette année, il a fallu des blessures à la moitié de l’attaque de la formation torontoise et un rendement en deçà des attentes de Devon Travis pour tenter de nouveau l’expérience avec Pillar. Cette fois, le voltigeur était beaucoup mieux préparé.

Ce n’est pas tout de vouloir être meilleur, il faut travailler très fort sur des aspects très précis de notre jeu pour ainsi devenir le joueur le plus complet possible. Kevin sait qu’il a un don pour aller cueillir des balles dans les allées ou encore à la clôture. Ce gars peut, semaine après semaine, faire une vidéo de jeux spectaculaires à lui seul. Mais son coup de bâton l’empêchait d’être considéré comme un joueur d’impact et ça le chatouillait. Qu’a-t-il fait?

Il faut d’abord se connaître. L’expérience d’un joueur compte pour beaucoup dans ce genre de situations. Quel tir me cause des ennuis et dans quelles conditions? Une fois que l’on a une bonne idée de ce qui cause aux frappeurs de l’incertitude ou même ce qui le fait paniquer, on peut commencer à trouver des exercices en ce sens.

Pillar avait tellement peur de rater une balle rapide qu’il trichait. Il se compromettait rapidement sur les tirs qu’il n’avait aucune chance de toucher, soit la balle glissante au coin extérieur. Durant l’hiver, on lui a fait comprendre qu’il n’avait pas besoin de tricher et que ses mains étaient assez rapides pour frapper d’aplomb cette balle rapide en plus de lui donner plus de temps pour juger une balle à effet. Il a donc commencé par laisser la balle entrer un peu plus dans la zone de contact et frapper des milliers de balles au champ opposé.

Une fois cet aspect mieux maîtrisé, il fallait travailler sur son synchronisme, appelé dans le jargon du baseball, son « timing ». À l’aide d’un lance-balles, il a vu et voit d’ailleurs toujours aujourd’hui, des centaines de balles à effet. Il a réalisé que son pied avant doit être au sol plus tôt.  Si le pied avant du frappeur n’est pas stable au sol, il devient très difficile pour le haut du corps et les mains de générer de la vitesse et ainsi frapper la balle avec force.

Si l’on considère qu’une balle prend 0,4 seconde lorsqu’elle quitte la main du lanceur jusque dans la zone de contact du frappeur, vous comprendrez que le pied avant doit être rapidement au sol. Les résultats de tout cela sont assez impressionnants. Son taux de contact est nettement en hausse, ce qui se traduit par une excellente moyenne au bâton et donc une moyenne de présence sur les buts qui tourne autour de ,370. Il a soutiré déjà 13 buts sur balles en 169 présences au bâton. Pour vous donner une appréciation de son travail, il en avait soutiré 24 en 584 présences en 2016.

Une fois que l’aspect mécanique est mieux soutenu et compris, il faut ensuite s’attaquer au rôle et surtout le comprendre. Dans ce cas-ci, le premier frappeur reçoit beaucoup plus de balles rapides qu’un frappeur au 5e ou 6e rang par exemple. Le lanceur ne veut pas de coureur sur les buts lorsque les frappeurs 3 et 4 vont se présenter à la plaque. Il  défie alors davantage les frappeurs 1 et 2 avec des balles rapides. Il faut en être conscient et en profiter. Son rôle est de se retrouver sur les entiers le plus souvent possible, et ce, de n’importe quelle façon.

En voyant cette progression, il est difficile de douter que ce succès ne dure pas. Il aura un véritable test sous peu, puisque les équipes ont toutes ces nouvelles données sur lui. La technologie est tellement présente dans le sport qu’un nouvel élan est vite analysé par l’adversaire et l’ajustement vient tout aussi rapidement. Mais son éthique de travail est irréprochable et sa compréhension du jeu est tellement meilleure que Pillar semble être l’homme de la situation au premier rang du rôle offensif des Jays.

Depuis le début du mois de mai, les Jays ont conservé une excellente fiche de 9-4. Pillar a conservé une moyenne de ,340, une moyenne de présence sur les buts de ,424 et a déjà marqué 11 points. Plusieurs joueurs sont responsables des récents succès de l’équipe, mais lorsque le premier frappeur est constamment sur les buts, vos chances de marquer et donc de gagner sont d’autant meilleures.

On peut simplement s’imaginer qu’avec les retours éventuels de Josh Donaldson, Troy Tulowitzki et Russell Martin, les Jays vont poursuivre leur ascension en attaque avec en plus, un véritable premier frappeur!