Voici le 2e article d’une série sur le thème des coéquipiers. Chaque article permet, avec un angle différent, d’exposer les liens forts qui unissent des coéquipiers dans le sport. 

MONTRÉAL – En 1990, Marc Griffin et ses coéquipiers des Dodgers de Bakersfield digèrent mal la décision de leur gérant. Alors que l’équipe s’apprête à disputer un match crucial pour accéder aux séries, il confie la balle à un chétif artilleur de la ligue des recrues. 

« On n’était pas insultés, mais un peu en maudit. Puis là, j’arrive assez tôt dans le vestiaire et je constate, par ses vêtements, que c'est une petite personne. Ensuite, on aperçoit ce Pedro Martinez qui, à ce moment, n’était que le frère de Ramon Martinez. Personne ne connaissait Pedro Martinez. On le regarde et il est tout petit, il est maigrichon... Déjà, tu comprends, il y a toujours un préjugé négatif envers les petits joueurs selon lequel ils n’ont pas de puissance, pas de ci, pas de ça... », s’est souvenu Griffin.

Bien sûr, aucun joueur cette formation 'A fort' ne se doutait, il y a 32 ans, que ce droitier au physique peu intimidant allait justement intimider les plus grands frappeurs du Baseball majeur pendant 17 saisons!  

Mais, au plan personnel, Griffin a vite découvert que le jeune droitier influencerait sa carrière et même davantage. C’est qu’à cette époque, Griffin était tiraillé mentalement par tout ce qui lui sautait aux yeux. 

« Je ne me suis jamais trouvé très gros, très costaud. Et ce, dans un monde sportif où l’athlète de six pieds deux pouces et 195 livres, qui court comme le vent, est toujours celui qu’on regarde », a confié Griffin qui mesure six pieds et pesait alors 170 livres. 

« Je ne voyais pas mon physique comme un handicap, mais presque. Je me disais ‘Ah, si je pouvais être un peu plus costaud, plus fort, ça m’aiderait’ », a ajouté l’analyste à RDS.

Tandis qu’il tentait de gravir les échelons, Griffin réalisait, à chaque nouveau camp d’entraînement, que les autres joueurs étaient plus costauds dans cette ère que certains athlètes tournaient les coins ronds pour gonfler leur charpente. 

Voilà pourquoi Pedro Martinez est arrivé comme une bouffée d’air frais pour le Québécois. 

« Il s’est pointé avec sa joie de vivre, celle qu’on a connue à Montréal par la suite. Il déborde de confiance et tu te dis ‘Voyons, c’est quoi ce personnage!’. On s’en va jouer ce match et il est dominant, il alloue trois coups sûrs. Ils n’ont pas touché la balle », avait été fasciné Griffin. 

Marc Griffin« Mon premier réflexe a été de me dire wow ! Et, après la partie, je suis allé le féliciter et je lui ai carrément posé la question ‘Mais comment fais-tu?’ », a poursuivi Griffin.

Confiant et insouciant à la fois, Martinez lui raconte qu’il ne sent pas qu’il est petit. Dans sa tête, il grimpe sur le monticule avec la conviction de « tous les passer dans la mitaine ». 

Fasciné par ce phénomène en devenir, Griffin a été inspiré par l’approche du Dominicain à l’attachant sourire. Il s’est empressé de lui soutirer quelques trucs quand les deux hommes se sont côtoyés pendant deux à trois mois durant la Ligue d’automne.   

« On jasait souvent de ça, il m’encourageait à ne pas m’en faire à ce sujet. Son attitude a déteint sur moi. Je n’avais plus mentalement, cette espèce d’épine. Je suis parti vers quelque chose de pas mal plus fort mentalement. J’ai complètement éliminé cet élément négatif qui traînait en moi », a noté Griffin. 

Et dire que, rappelons-le, les Dodgers ont choisi de le sacrifier dans l’échange avec les Expos en retour de Delino Deshields car les dirigeants ne croyaient pas que son physique diminutif tiendrait le coup avec sa grande vélocité. 

Par un bel hasard, Griffin a recroisé Martinez sur son chemin au sein des Expos. 

« Quand il était arrivé à la caravane des Expos où ça parle français et qu’il ne connaissait pas beaucoup de gens, c’est sûr qu’il est venu me voir et qu’il s’est collé sur moi », a rappelé Griffin en souriant. 

« Ce fut un peu ma façon de lui redonner ce qu’il avait fait pour moi. On a toujours eu ce petit lien et je lui en suis, encore aujourd’hui, très reconnaissant », a-t-il précisé. 

Martinez a été adoré à Montréal alors qu'on était facilement charmé par sa confiance qui se ressentait dans les gradins et même à travers le téléviseur.  

L’excellent livre sur la carrière de Griffin explore les circonstances qui l’ont freiné dans sa quête vers les Majeures. Mais, la beauté de la chose, c’est que Griffin a su utiliser cette grande leçon autrement. 

« Il a eu un impact majeur aussi quand je suis arrivé dans le monde des médias. Tout d’un coup, je me retrouvais entouré de Jacques Doucet, Claude Raymond et compagnie. Je me suis dit ‘Non, ce n’est pas vrai (que je vais refaire la même erreur), je vais adopter son attitude et ne pas me sentir petit parce que je manque d’expérience. J’ai foncé dans le tas et je suis rentré dans un club de commentateurs reconnus avec Rodger Brulotte, Jacques, Claude, et Denis Casavant. L’influence de Pedro est venue chambouler ce que j’avais comme ligne de pensée auparavant », a exposé Griffin. 

Un exemple utile pour la relève et les dépisteurs

Évidemment, l’expertise de Griffin est sollicitée de multiples manières dans le monde du baseball québécois et le développement de la relève. Là encore, il s’inspire de l’as lanceur.

Il passe aussi des messages aux plus jeunes grâce à son micro à RDS.

« Cette année, Steven Kwan est arrivé à Cleveland et il a eu une séquence assez incroyable. Il mesure cinq pieds neuf pouces et demi avec ses souliers à crampons et il connaît du succès. C’est sûr que, les joueurs avec un plus petit gabarit, je parle d’eux en disant qu’ils ont été mesure de se rendre là quand même », a exposé Griffin. 

Pedro MartinezIl faut toutefois que les recruteurs ne ferment pas les yeux sur de tels profils et Griffin s’assure de leur rappeler. 

« J’en parle souvent aux dépisteurs parce que c’est fou maintenant : il y a des recruteurs qui disent de ne même pas te présenter si tu ne mesures pas six pieds et 180 livres. Ça m’insulte tellement, ça veut dire que je n’aurais même pas pu aller à des camps d’essai », a-t-il cerné. 

Griffin, lui-même, en était à sa deuxième année bantam lorsqu’il a joué pour la première fois dans une catégorie deux lettres. 

« Non seulement je n’étais pas gros, mais je n’étais pas le meilleur. Tout a fini par débloquer et c’est vraiment à 15 ans que, c’est parti mon affaire. C’est certain que je traîne ces exemples partout pour encourager les plus petits ou ceux qui pensent qu’ils sont un peu moins bons », a décrit Griffin. 

En réfléchissant à son parcours, Griffin aurait pu vanter l’apport de plusieurs anciens coéquipiers comme Henry Rodriguez qui l’a aidé pour sa mentalité au bâton. Mais l’histoire de Pedro Martinez a remporté la palme pour sa portée autant auprès des jeunes qu’il côtoie, de lui-même et de ses enfants.