Section spéciale : 2020, plus jamais les mêmes

Le dossier du retour du baseball majeur à Montréal laisse bien peu de personnes indifférentes.

 

En cette année 2020 où le monde a été complètement chamboulé et où les considérations envers les préposés aux bénificiaires sont enfin devenues plus importantes que celles d'un frappeur désigné, il était probablement de bon ton pour le groupe de Stephen Bronfman de s'effacer temporairement. Ce qui ne veut pas dire que le projet de garde partagée entre Montréal et Tampa Bay n'a pas avancé.

 

« Ce que l'on me dit en coulisse, c'est que le projet continue d'avancer, mais à un rythme différent que celui que l'on avait escompté pour 2020 », affirme le journaliste Frédéric Daigle, de La Presse Canadienne, qui suit le dossier depuis plusieurs années. « Il y a des gens du groupe de Montréal qui passent beaucoup de temps à étudier les livres des Rays et le montage financier. Ça aussi, ça avance! »

 

L'information du journaliste n'a pu être confirmée par le Groupe Bronfman, qui refuse toute demande d'entrevue liée au sujet. En fait, le Groupe n'a pas pris la parole depuis le dépôt, en mars, du rapport sur le développement du Bassin Peel. Les commissaires refusaient de se prononcer sur la construction d'un stade, en raison du manque d'informations sur le projet.

 

Le facteur économique

 

On peut croire que le portefeuille des membres du Groupe de Stephen Bronfman, dont fait également partie Stéphan Crétier de Garda World, Alain Bouchard de Couche-Tard, Eric Boyko de Stingray, ainsi que l'investisseur Mitch Garber, est aussi solide qu'avant le début de la pandémie. Il reste à voir si leur volonté d'investir dans une propriété sportive est toujours présente. S'ils ont probablement ressenti des inquiétudes au printemps, elles ont fort probablement été apaisées par la vente des Mets de New York au coût de 2,4 milliards de dollars au milliardaire Steve Cohen.

 

« Les Mets ont été vendus à 83 fois leur profit annuel. Pour vous donner une idée, si vous achetez une action d'Apple actuellement vous payez environ 35 fois les profits annuels », analyse le journaliste de La Presse, Vincent Brousseau-Pouliot. « Les Mets n'ont pas vu leur valeur diminuer de beaucoup avec la pandémie. Un investisseur à long terme qui veut une équipe professionnelle se dit que le modèle d'affaires va revenir à ce qu'il était une fois que la pandémie sera chose du passé. »

 

Le marché canadien

 

La fermeture de la frontière a eu des conséquences pour les Blue Jays de Toronto, qui ont été forcés de disputer tous leurs matchs en itinérance aux États-Unis. Il en aurait été de même pour les « Expos 2.0 ».

 

La situation exceptionnelle de 2020 changera-t-elle la perception envers la localisation d'une équipe à l'extérieur des États-Unis. Chose certaine, ce facteur s'ajoute à la liste des écueils que rencontrait déjà le projet de garde partagée, aux yeux du Directeur de l'Observatoire international en management du sport à l'Université Laval, Frank Pons.

 

« Je ne suis pas sûr que l'idée d'avoir une franchise sur deux pays soit la meilleure solution à l'heure actuelle. Je ne croyais pas dans le projet, j'y crois encore moins. Il y a énormément d'intérêt pour Montréal, mais je pense que l'intérêt pour Tampa Bay est en train de diminuer. »

 

Le propriétaire des Rays, Stuart Sternberg, s'est montré presque aussi discret que Stephen Bronfman. Mais dans une rare entrevue accordée cet été au Tampa Bay Times, il a tout de même soutenu que la pandémie démontrait qu'une équipe ne peut dépendre que d'un seul domicile ou un seul marché. Il a aussi indiqué au cours de cette entrevue que le travail se poursuivait avec le Groupe de Stephen Bronfman.

 

Et l'expansion?

 

Une récente étude réalisée par Team Marketing Report montre que l'absence de spectateurs dans les stades a amené des pertes de revenus de 5 milliards de dollars. Ce manque à gagner pourrait peut-être accélérer le processus d'expansion à 32 équipes, souhaitée par le commissaire Rob Manfred.

 

« Moi je suis à Québec et on entend beaucoup le même rationnel pour les Nordiques : c'est possible! », admet le professeur Frank Pons. « Toutefois c'est énormément d'argent dans un moment très risqué et une économie qui n'a pas repris. C'est un chèque en blanc important. »

 

« Si la question se pose réellement et qu'il y a une expansion et qu'il y a une place disponible pour Montréal, je suis certain qu'elle sera étudiée par le Groupe de Montréal », affirme Frédéric Daigle.

 

Le journaliste souligne que malgré la fin de la lune de miel entre le commissaire et l'association des joueurs, après les longues négociations menant à la reprise des activités du baseball majeur en juillet, le projet de garde partagée n'est pas compromis.

 

« Même si le commissaire Manfred a perdu la cote, au niveau des propriétaires du baseball majeur, le projet de ville-soeur Tampa-Montréal a été approuvé et soumis par le comité exécutif. »

 

L'année 2028 était ciblée pour le retour du baseball à Montréal en formule de garde partagée. La pandémie aura grandement brouillé les cartes dans ce dossier qui reste encore plutôt secret.