Dans une salle de gym délabrée de Damas où s'entraîne l'équipe nationale syrienne de basketball, Khalil Khoury traverse le terrain en dribblant et fait passer le ballon entre ses jambes avant d'aller marquer un panier tout en douceur.

Depuis le début du conflit syrien en 2011, l'équipe nationale a vu ses effectifs fondre, tout comme le nombre de salles où s'entraîner. Mais joueurs et entraîneurs s'accrochent pour continuer à exister sur la scène internationale.

Du 8 au 20 août, elle participera avec 15 autres nations au Championnat d'Asie, organisé au Liban voisin.

La moyenne d'âge relativement élevée de l'équipe est l'un des reflets majeurs des difficultés qu'elle traverse.

« Je suis le plus jeune, explique à l'AFP Khalil Khoury, 19 ans. Mon coéquipier Michael Madanly a environ 20 ans de plus que moi », ajoute-t-il, en marge d'un entraînement au centre sportif Al-Fayhaa.

« Certains joueurs ont émigré, d'autres ont été enrôlés dans l'armée, il est donc normal que ceux qui restent jouent jusqu'à un âge avancé », souligne l'arrière-ailier, reconnaissant toutefois que cette situation affecte les performances de l'équipe.

Le secrétaire général de la Fédération syrienne de basketball, Daniel Zoalkefl, indique que les clubs participant au championnat national ont perdu « plus de 120 joueurs » ayant pris la route de l'exil.

Douze joueurs sont présents ce jour-là dans la salle décorée d'affiches publicitaires d'avant-guerre et de photos d'anciens joueurs, aujourd'hui à l'étranger.

Coupure d'électricité

De temps à autre, le bruit des bombardements de l'aviation syrienne ou des obus tirés par les rebelles sur des quartiers à proximité viennent perturber l'entraînement.

« Un mortier a explosé à l'endroit où je me trouve, un autre là-bas et des dizaines d'autres autour de la salle. Ce n'est pas facile mais nous nous sommes habitués. C'est la guerre », soupire M. Zoalkefl.

À cause des fréquentes coupures de courant dans la capitale syrienne, le dirigeant doit constamment s'assurer que les générateurs d'électricité qui alimentent le centre sportif Al-Fayhaa--l'un des plus célèbres de Damas-- ne manquent pas de carburant.

Les entraînements sont également rendus difficiles par la chaleur écrasante de l'été. Et comme les climatiseurs sont en panne depuis des mois, les joueurs s'entraînent généralement le soir.

Après le déclenchement de la guerre en 2011, "le championnat national a été interrompu pendant un an puis chaque province a joué séparément" jusqu'en 2015, quand la compétition nationale a repris ses droits, se souvient Anthony Bakar, 24 ans.

La dizaine de joueurs étrangers qui évoluait alors en Syrie a quitté le pays.

Leur départ « a eu des conséquences négatives sur le niveau du championnat. Ce n'est pas facile de convaincre un joueur étranger de rester et de jouer dans un pays en guerre », déplore Bakar, un ailier fort de 1,99 m.

« Crève-coeur »

Des entraîneurs aussi ont fui. Et « pour ceux qui sont restés, il est difficile de trouver des terrains d'entraînement à cause de la situation sécuritaire. Les choix sont très limités », déplore Hadi Darwich, entraîneur de la sélection et coach d'un club syrien.

Aller s'entraîner à l'étranger est pratiquement impossible.

« Il y a une forme de siège qui s'exerce sur nous, beaucoup de pays ne veulent plus nous accueillir. L'obtention de visas est difficile et prend beaucoup de temps », dit M. Darwich.

« Le défi, c'est de construire quelque chose, de bâtir une équipe nationale capable de rivaliser et de représenter le pays de la meilleure façon », affirme le Serbe Nenad Krdzic, l'autre entraîneur de la sélection syrienne.

Quelques minutes avant la fin de l'entraînement, la salle se retrouve subitement plongée dans le noir. Le générateur de secours, cassé, n'est d'aucune utilité et la séance doit donc prendre fin.

Majd Arbacha se met à genoux, tentant de reprendre son souffle.

L'arrière se souvient des beaux jours d'avant-guerre.

« Mes coéquipiers me manquent. Le public, les gradins pleins, me manquent. Avant, le basket était une source de joie. Aujourd'hui, il est devenu un crève-coeur. »