J'ai lu avec beaucoup d'intérêt la biographie d'Arturo Gatti, le dernier round. Écrite par Jacques Pothier, cette brique de 486 pages est cinglante! Jamais je n'aurais cru que la vie de Gatti était si sombre. Qu'il cachait autant de squelettes dans son placard. Qu'il était aussi malheureux. Et qu'il souhaitait mettre fin à ses jours depuis longtemps.

J'ai commencé à m'intéresser à la boxe en regardant Gatti. Je me souviens très bien du premier combat que j'ai visionné en entier. C'était en 1996, face à Wilson Rodriguez. Le Montréalais l'avait emporté par K.-O. au 6e round. Fraichement embauché au Réseau des Sports, je m'étais surpris à apprécier le spectacle offert par celui que l'on surnommait Thunder. Mon collègue de l'époque, Daniel Melançon, en parlait avec tant d'admiration que je m'étais intéressé au boxeur. À tel point que je venais passer mes samedis soirs de congé à RDS afin d'avoir accès aux images en direct des combats de Gatti!

J'avais 20 ans. Gatti en avait 23, et il était déjà célèbre!

Quelques années plus tard, mes patrons me confiaient la couverture quotidienne de la boxe, ce qui m'a permis de rencontrer Gatti et de procéder à quelques entrevues avec lui. Je l'avais trouvé sympathique et charismatique. Notamment lors de sa venue à Montréal, en 2000, dans le cadre de la Gatti-Mania. D'ailleurs, après avoir lu ce bouquin, je comprends mieux pourquoi Gatti avait eu tant de difficulté à vaincre Joe Hutchinson! Il avait passé la semaine sur le party et avait eu toutes les misères du monde à faire le poids!

Je savais depuis longtemps que Pothier souhaitait mettre sur papier la vie du boxeur. Gatti avait toutefois décliné l'offre…avec raison! Il ne voulait pas que les amateurs connaissent ses problèmes personnels, son désespoir, sa détresse et sa déchéance. L'auteur s'était alors tourné vers d'autres vedettes sportives, comme José Théodore et Guy Carbonneau.

Mais en juillet 2009, après la mort de Gatti, Pothier a sauté sur l'occasion. Il s'est rendu au New Jersey. Pendant 13 mois, il a habité le même quartier que lui. Il a interrogé une centaine de personnes. Ses recherches ont été exhaustives. Et à la conclusion de la lecture de ce livre, la thèse du suicide est la seule plausible : Arturo Gatti s'est enlevé la vie.

Cette biographie est complète et débute sur des confidences que Gatti a faites à un ami du New Jersey: « J'ai pris la décision d'en finir avec cette putain de vie. Je suis épuisé. Ma vie rend malade, ma carrière me rend malade. La boxe m'a trahi. Ma mort sera ma revanche, la malédiction que je veux jeter sur l'industrie de la boxe! »

On y apprend aussi que Gatti avait une dépendance aux drogues et aux antidouleurs. Qu'il passait ses journées dans les bars de danseuses. Qu'il avait des difficultés à faire le poids à chacun de ses combats, car il prenait son entraînement à la légère. D'ailleurs, contre Gabriel Ruelas, il avait dû perdre 25 livres en deux semaines! La seule façon d'y arriver était de consommer de la cocaïne pour lui couper l'appétit. Qu'il a fait plusieurs surdoses. Qu'il a été approché par la mafia new-yorkaise. Que le FBI l'a menacé d'expulsion. Que son gérant Pat Lynch était contrôlant et fermait les yeux sur les problèmes de son poulain. Qu'il a probablement fait une dépression en 2009. Qu'il a demandé à Stéphane Larouche de le prendre sous son aile en 2010 pour son retour sur le ring! Et j'en passe!

Gatti a connu une glorieuse carrière. 21 de ses combats ont été présentés sur le puissant réseau HBO! Sa fortune est évaluée à plusieurs millions de dollars. Il était adulé. Malgré tout, il a vécu l'enfer.

Son histoire vaut la peine d'être lue. D'ailleurs, une réimpression du livre est déjà en cours. Et une maison de production vient d'acheter les droits d'adaptation afin de porter sa vie au grand écran!