Ça commence sans doute à être un peu exagéré! Si vous parcourez aussi avidement que moi les différents sites de course à pied d’Amérique et d’Europe, il n’est pas rare de tomber sur des articles relatant les plus récents records d’athlétisme. 

 

S’il est normal de consacrer un texte à celui ou celle qui bat un record en piste ou sur route selon les standards bien établis de l’athlétisme, on peut se demander pourquoi le moindre exploit farfelu est également considéré digne d’intérêt. 

 

Il y a quelques jours (16 juillet), Michael-Lucien Bergeron, un coureur d’Halifax, a battu le record du monde du 5000 mètres... en jonglant avec trois balles! Je ne savais même pas qu’un tel record existait. Y en a t-il un à quatre ou cinq balles? Remarquez, son chrono est excellent et ferait l’envie de plusieurs coureurs (16:50), mais je me demande si cette combinaison très originale de course et de jonglerie ne devrait simplement pas être considérée comme un simple fait divers. Une curiosité. Un article lui fut consacré sur le site de Canadian Running

 

Les records du monde d’athlétisme plus originaux les uns que les autres foisonnent. Une recherche rapide vous permettra d’en trouver plusieurs. Il en existe certainement un à votre portée. Sinon, créez de toutes pièces votre catégorie, c’est la meilleur façon d’être le premier à détenir le record et à obtenir votre minute de gloire. 

 

Le très sérieux livre Guinness des records en présente plusieurs et vous pouvez y trouver des idées. Quelques exemples : le 100 mètres le plus rapide avec des bottes de ski alpin dans les pieds (17.65), le mile le plus rapide avec des palmes aux pieds (5:48.86), le marathon le plus rapide avec une cuillère et un œuf (3h47), le marathon le plus rapide couru par un homme habillé d’une robe de marié (3h54), le demi-marathon féminin le plus rapide en faisant du hula-hoop (3h03), le marathon à reculons le plus rapide (3h43:39), le marathon sur tapis roulant immergé dans une piscine le plus rapide (3h44:52), etc. La liste n’a pas de fin. 

 

Corey BellemoreLe pire de tous, selon moi, et qui fait de plus en plus parler sur les sites spécialisés : le beer mile! L’idée est de courir quatre tours d’une piste d’athlétisme (1 600 mètres) en calant une bière à chaque tour.

 

Cette course est maintenant pratiquée par des milliers de coureurs sur la planète et possède sa propre organisation qui sanctionne les épreuves, les championnats et compile les records. Réjouissons-nous car c’est un canadien, Corey Bellemore, qui est l’homme à battre sur la planète (4:24.4). 

 

Il existe maintenant une myriade de déclinaison au beer mile tel que le vodka 2 miles ou le whisky mile. 

 

Traitez moi de puriste de la course à pied, mais je n’aime pas qu’on dénature ainsi un si beau sport en y couplant le besoin de boire quelques petites froides pendant plutôt qu’après l’épreuve! 

 

Je serai honnête avec vous, ces records de course à pied plus farfelus les uns que les autres me font sourire même si j’aime d’avantage l’idée de faire évoluer un sport plutôt que de l’altérer.  Je ne comprends pas que certains sites spécialisés en course à pied consacrent des articles à ces détenteurs et détentrices de records originaux plutôt qu’aux grands athlètes qui s’entraînent à longueur d’année sans obtenir de la visibilité pour autant. 

 

Je vous parlais de Corey Bellemore. Pour réaliser un tel temps au mile en buvant quatre bières, il faut être un redoutable athlète. Avant son haut fait d’armes, il peinait à trouver des commanditaires pour poursuivre sa carrière en athlétisme. Il s’est alors dit qu’il pourrait participer à une course de beer mile pour attirer l’attention. Objectif atteint puisque notre champion est maintenant supporté financièrement par différentes compagnies. 

 

C’est d’une question de visibilité dont je vous parle. Il y a quelques années, j’avais pris part à une course de 10 kilomètres à Lévis en pleine soirée d’Halloween. Je portais un costume de Spiderman et une perruque blonde. J’avais réalisé un bon chrono qui faisait sûrement de moi le détenteur du record mondial dans cet accoutrement inédit! Je suis heureux de ne pas avoir attiré d’avantage l’attention au détriment de certaines autres de mes courses mieux gérées et plus rapides. 

 

La même chose est vraie pour les professionnels de la course. Souhaitons qu’ils n’aient pas besoin de se déguiser, de courir à reculons, en habit d’astronaute ou sur des échasses pour faire parler d’eux. Intéressons-nous à nos athlètes sur route et piste pour la pureté de leurs gestes et leurs réalisations.

 

La course à pied est le plus simple et le plus beau des sports. Sa pratique remonte à la nuit des temps. Pas besoin de s’habiller en clown pour la  rendre plus attrayante encore!