Le match de vendredi contre les Blue Bombers a été un peu frustrant pour les Alouettes. Quand on regarde la performance de l’équipe, on voit qu'ils auraient facilement pu gagner, mais on s’est tiré dans le pied trois fois plutôt qu’une.

D’abord, la première interception de Rakeem Cato a permis aux Bombers d’inscrire un placement. Du même coup, cela a empêché les Alouettes de marquer au moins trois points ou même un touché, car on aurait pu se débarrasser du ballon, poursuivre la séquence et profiter du fait qu’on était proche de la zone des buts. D’entrée de jeu, cette interception a changé la dynamique de la rencontre.

Ensuite, il y a eu une deuxième interception qui a été retournée pour un touché et le botté bloqué de Boris Bede, aussi pour un touché. Si on veut identifier un jeu en particulier qui a fait toute la différence, c’est ce dernier, car c’était seulement 12 à 10 en faveur des Bombers à ce moment. Lin-J Shell a fait tout un jeu : il s’est débarrassé d’un bloc à la ligne d’engagement, il a sauté par-dessus Marc-Olivier Brouillette, puis a bloqué le ballon. Bede n’a pas grand-chose à se reprocher. Au football canadien, les terrains sont tellement larges, et avec le rayon de cinq verges qu’on doit accorder, on demande souvent au botteur de faire des bottés directionnels. Tout dépendant où on se trouve sur le terrain et où sont les retourneurs, parfois on va lui demander de botter vers les lignes de côté à gauche, parfois vers la droite. Donc au moment de la remise, le botteur va prendre un angle pour frapper dans cette direction. Mais comble de malheur pour Bede, pendant qu’il était en train de faire ses pas et de regarder son élan, sans le savoir il s’est rapproché du joueur des Bombers qui mettait de la pression pour bloquer son botté. Les Manitobains ont amené la pression du bon côté et la distance à parcourir était donc plus courte, rendant le bloc plus facile surtout qu’on n’avait pu empêcher Shell de traverser le mur.

Pas besoin de chercher loin donc pour expliquer le résultat. Ce sont trois jeux sur un total d’environ 150 qui ont fait mal puisqu’on a concédé 16 points à l’adversaire. 

Le syndrome du Superman

On disait qu’avec un jeune quart-arrière, ça prenait une certaine recette. On l’a vu la semaine dernière : aucun revirement et beaucoup de jeux au sol. Cato avait complété 20 de ses 25 passes et c’était de toute beauté. Sauf que c’est dur d’aller sur la route dans un environnement hostile avec un quart recrue qui n’en est qu’à son deuxième départ. C’était important de protéger le ballon, surtout quand on est sur la route, car les revirements donnent une dose d'énergie incroyable à l’équipe locale et à la foule qui est bruyante et dérangeante pour les visiteurs. Malgré tout ça, les Als ont perdu par seulement deux points. C’est donc encourageant même si les points au classement sont allés à Winnipeg. C’est une performance sur laquelle on peut bâtir car ils ont bataillé et offert un effort exceptionnel, et c’est ce qu’on doit retenir.

Je n’ai pas perdu confiance envers Cato, bien au contraire. Dans un environnement hostile, il a lancé deux interceptions en début de partie et a dû jouer du football de rattrapage. Dans une telle situation, bien des jeunes auraient perdu tous leurs moyens, mais il est plutôt revenu plus fort. Il était imperturbable. Il a complété beaucoup de passes et a gardé les siens dans le match. On avait le sentiment que les Moineaux allaient remonter la pente et on avait espoir. Le match était encore à la portée.

On ne s’attendait quand même pas à ce que Cato complète 80 % de ses passes chaque match, mais somme toute, il a eu une efficacité de 70 % hier. C’est exceptionnel encore une fois. Il a lancé pour 317 verges et utilisé huit receveurs différents, dont cinq avec au moins trois réceptions, donc il a encore très bien distribué le ballon. Ce sont quelques erreurs qui laissent un goût amer, et sans elles, on aurait vu un match différent.

Sur sa première interception, Cato a forcé le jeu dans la zone payante. Il avait réussi le même genre de jeu la semaine passée avec Samuel Giguère qui avait fait un attrapé spectaculaire. Il est à nouveau sorti de sa pochette vers la droite, est arrivé vers les lignes de côté et a repéré Tyrell Sutton, mais cette fois il a été intercepté. Il va devoir apprendre que, parfois, une passe incomplète est une meilleure option. J’ai rarement vu une équipe perdre un match en raison d’une passe incomplète, sauf si c’est le dernier jeu de la rencontre et que tu as besoin d’un touché. Cato est un gars hyper confiant, et il semble aux prises avec le syndrome du Superman. Cela dit, personnellement, je préfère compter sur un quart aussi confiant car c’est contagieux au sein du groupe.

Sur la seconde interception, Cato a figé un peu car un blitz s’en venait vers lui. C’est un jeu de synchronisme quand tu veux lancer dans le flanc vers les lignes de côté. Si tu lances en retard, le demi défensif va avoir beaucoup de temps pour réagir et couper devant le receveur, et c’est exactement ce qui s’est passé.

Les Bombers comptent sur une défense qui s’était beaucoup fait brasser au niveau du jeu au sol et j’imagine qu’ils ont travaillé fort pour enrayer cet aspect, mais Sutton n’a réalisé que 14 courses. Ce n’est pas la même recette que la semaine passée quand il en avait fait 25. Je trouve qu’on ne l’a pas assez employé. Il a eu des courses de 8, 7, 8 et 19 verges en deuxième demie. Il était en feu mais on n’en a pas profité.

Il y a certaines décisions qui ne m’ont pas vraiment sur le plan de la sélection des jeux, notamment par rapport à Sutton. Au troisième quart, avec un deuxième essai et trois verges à la ligne de 15, on a décidé de faire une passe à un receveur recrue, Alex Charette, et ça n’a pas fonctionné. Pourtant Sutton connaissait du succès. On s’est donc contenté d’un botté de 22 verges. On n’a pas non plus bien géré les 50 dernières secondes de la première demie quand Winnipeg a bloqué le botté. On aurait peut-être dû faire deux courses pour aller chercher le 1er essai au lieu de faire une course et une passe ratée.

Il est cependant difficile de passer sous silence la performance de S.J. Green qui a été exceptionnel. J’ai adoré les stratégies qu’on a utilisées avec lui dans les zones profondes à partir de feintes de jeu au sol.

Bref, Il faut garder le tout en perspective quant à Cato, il a bien fait dans les circonstances. Ça nous laisse croire que le meilleur est à venir. S’il dispute toutes les parties d’ici la fin de l’année, il va apprendre quelque chose à chaque sortie. Il va voir quelque chose sur le terrain qu’il n’avait jamais visualisé sur les bandes vidéo. La clé pour lui est d’emmagasiner le tout sur son disque dur, d’avoir une bonne rétention visuelle. Il va en apprendre plus chaque semaine sur de nouvelles couvertures, de nouveaux blitzs, etc. C’est ça être une recrue.

Du côté de la défense, ce fut encore une fois remarquable. C’est drôle à dire, mais elle n’a pas alloué de touché dans la défaite. Elle n’a concédé que quatre bottés de précision et a été excellente dans la zone payante même si Winnipeg est pourtant la meilleure équipe de la ligue pour marquer un touché dans cette situation. Ce sont donc 12 des 25 points alloués par la défense, moins de 300 verges et moins de 75 verges au sol. On a échappé quelques gros jeux par-ci par-là, mais quand l’adversaire arrivait à la porte des buts, on répondait présent. J’ai adoré le travail des plaqueurs Alan-Michael Cash, Corvey Irvin et Michael Klassen. On avait clairement un plan de match qui visait à rétrécir la zone de protection de Drew Willy. Kyler Elsworth a aussi été excellent en remplacement de Bear Woods avec 11 plaqués. J’ai donc adoré le travail de la défense, mais c’est le genre de match où elle aurait pu changer l’issue si elle avait été en mesure d’en plus provoquer un ou deux revirements.

Pour revenir à Drew Willy, j’ai rarement vu un quart-arrière aussi bien manœuvrer dans une pochette aussi minuscule. Je l’ai trouvé impressionnant et je lui lève mon chapeau car il a été très courageux. Il s’est souvent fait déranger et frapper de tout bord tout côté. Il y avait toujours du trafic autour de lui. Des fois il était en mesure de sortir de la pochette, de courir et de gagner du temps. À le voir travailler dans une zone de protection aussi restreinte, il ne souffre visiblement pas de claustrophobie. Il faut féliciter Willy et les Bombers qui ont réussi des jeux clés à des moments opportuns. Ils en ont fait juste assez pour gagner.

Maintenant, les Alouettes n’auront pas beaucoup de temps pour s’apitoyer sur leur sort puisqu’ils rejouent jeudi, contre les Tiger-Cats de Hamilton. Ces derniers reviennent d’une semaine de congé et jouent de l’excellent football. Ils ont une bonne défense eux aussi donc ce sera un bon test pour Cato et l’attaque. La beauté dans la défaite d’hier, c’est que les Als ont sûrement un goût amer dans la bouche et qu’ils vont vouloir se reprendre à domicile contre les Ti-Cats.

*Propos recueillis par Audrey Roy