Encore une fois, c’est une fin plus que frustrante pour les Alouettes. C’est simple, le match de la demi-finale de l’Est a été un véritable microcosme de l’année des Alouettes. Si quelqu’un voulait comprendre ce qui est arrivé à cette équipe en 2013, il n’a qu’à regarder ce match pour tout comprendre.

On a vu une équipe qui n’a pu protéger son avance, des revirements, des mauvais jeux sur les unités spéciales, des pénalités coûteuses… C’est malheureux parce que je suis encore le premier surpris du résultat car je m’attendais à une victoire des Alouettes.

Lorsque j’ai vu les Alouettes marquer leur touché contre le vent à la fin du troisième quart et amorcer le dernier quart avec une avance de 10-6 en profitant du vent dans le dos, je dois avouer que je croyais que la victoire était dans la poche pour Montréal.

Je ne pouvais pas concevoir que la troupe de Jim Popp allait échapper cette partie.

Avant la majorité des matchs, mon collègue Denis Casavant a la chance de s’entretenir avec Popp pour lui demander les clés de l’affrontement. Cette fois, il a répondu : protéger le ballon, la discipline et finir le match en force. Il faut croire que la boule de cristal de Jim avait bien identifié les éléments déterminants, mais que ce ne fut pas assez.

Au bilan, les Alouettes ont commis quatre revirements dont l’interception de Troy Smith et l’échappé de Bo Bowling (photo). D’ailleurs, ce ne fut vraiment pas la journée de ce dernier qui a aussi échappé des passes en plus de garder un ballon en vie qui est tombé dans les mains d’un adversaire… Je ne dois pas épargner Arland Bruce qui a échappé d’autres passes.

Au moins, la défense a également provoqué quatre revirements si bien que cette bataille était égale.

Ensuite, les Alouettes ont écopé 11 pénalités dont une qui a fait perdre trois points. Je vous rappelle que Sean Whyte avait réussi un placement de 22 verges à la suite d’un très beau jeu de Brandon London sur les unités spéciales. Cependant, le botté de précision a été annulé par une formation illégale ce qui est assez décevant comme infraction en fin de saison.

Tout le monde qui a vu le match se souvient que Whyte a dû reculer de cinq verges et sa tentative de 27 verges a été stoppée par une bourrasque de vent. Whyte a donc raté deux placements ce qui n’est rien pour aider au niveau de la confiance de l’équipe.

Au quatrième quart, les Alouettes ont profité d’un positionnement sur le terrain favorable car les Tiger-Cats devaient dégager contre le vent. Malgré cela, les Alouettes ont été limités à une minuscule production de quatre points et les entraîneurs ont opté pour des sélections de jeux trop conservatrices ce qui est venu les rattraper.

On avait l’impression qu’ils ont joué pour ne pas perdre et ils ont fini par se brûler. La même chose s’est répétée en prolongation car les Alouettes n’ont effectué que deux jeux offensifs et un placement.

De plus, je considère que la formation n’a pas toujours opté pour les stratégies appropriées. Je pense notamment à deux passes incomplètes au quatrième quart en situation de deuxième essai et trois verges à franchir. Pourtant, le porteur de ballon Tyrell Sutton connaissait un superbe match.

Bien sûr, c’est facile de critiquer tous ces aspects une fois que le match est complété.

Dommage pour l’unité défensive

Par rapport à l’unité défensive, elle a encore été excellente, mais elle a malheureusement fléchi au mauvais moment. Au total, elle a provoqué quatre revirements en plus de freiner Hamilton trois fois à la porte des buts au deuxième quart.

Il ne faut pas oublier que les Tiger-Cats ont tenté un paquet de jeux truqués et rien n’a fonctionné. Chaque fois, la défense était prête et il faut croire que la préparation de Noel Thorpe (le coordonnateur défensif) avait été approfondie avec son groupe.

Je compte, au minimum, trois jeux truqués de Hamilton et les Alouettes ont toujours réagi avec brio en limitant les options. Ensuite, la défense n’avait accordé aucun point en première demie et seulement six points après 55 minutes.

Bien sûr, c’est dommage de concéder une séquence de 12 jeux et 97 verges en fin de rencontre pour un touché. Sur ce point, il faut quand même donner du crédit à Henry Burris qui a brillé sur cette poussée avec 7 passes complétées sur 8 pour 86 verges dont sa passe de touché. Même s’il a été mauvais pendant trois matchs et 55 minutes contre Montréal cette saison, il a su sortir sa meilleure performance quand ça comptait et contre le vent par-dessus le marché.

Ce qui est décevant, c’est que les Alouettes ont raté des plaqués durant cette séquence et surtout lors du touché alors que Marc-Olivier Brouillette et Shea Emry n’ont pu contenir C.J. Gable. Ce sont de bons joueurs fiables habituellement, mais ils ont raté leur coup et ça prouve que la marge de manœuvre est si mince dans un match chaudement disputé que ça peut basculer rapidement.

En prolongation, on a utilisé à outrance la recette de Burris sur le premier essai et Dan LeFevour ensuite pour compléter le travail. Hamilton a effectué six courses avec LeFevour dont quatre faufilades du quart et deux fois sur le troisième essai.

C’est vrai que, dans la LCF, le taux de réussite frôle le 100 % avec une verge à franchir, mais un risque existe toujours. Malgré cela, l’entraîneur Kent Austins avait décidé qu’il jouait pour gagner. Il aurait pu opter pour le botté de précision et poursuivre la prolongation. Les Tiger-Cats ont donc inscrit 13 points dans les dernières minutes réglementaires et celles supplémentaires.

Hamilton a gratté les fonds de tiroir

Je dois quand même dire que j’ai beaucoup apprécié la performance des Tiger-Cats dans le sens que rien ne fonctionnait pour eux en attaque contre Montréal et les entraîneurs ont tout fait pour provoquer des choses et renverser la vapeur.

Je fais allusion à la formation « wildcat » avec LeFevour, les joueurs de ligne offensive supplémentaires, des lignes offensives débalancées pour confondre le front défensif, des jeux truqués, des formations à cinq et six receveurs. En somme, on a utilisé tout l’arsenal, ils ont gratté les fonds de tiroir et j’apprécie ça!

Finalement, ils ont trouvé un filon intéressant en fin de match avec la formation à six receveurs qui a procuré un certain succès.

De plus, j’ai apprécié leur stratégie offensive pour le touché de Gable pour contrer le blitz des Alouettes. Au football, on parle d’un blitz quand la pression vient de plus de quatre joueurs et le défi pour l’attaque est de prévoir d’où viendra la pression supplémentaire.

Mais l’attaque aussi peut utiliser des stratégies difficiles à deviner pour la défense. La protection normale contient cinq joueurs de ligne et le porteur de ballon devient normalement le sixième bloqueur, mais elle peut ajouter un septième ou un huitième si nécessaire. C’est ce que les Tiger-Cats ont fait en ajoutant deux receveurs qui sont devenus les sixième et septième bloqueurs tandis que Gable s’est transformé dès le début du jeu en receveur en attaquant dans le flanc.

Cette permutation a compliqué la vie des Alouettes car ils ont tendance à permettre aux demis défensifs de venir blitzer quand leur receveur respectif s’ajoute en protection. Donc si l’attaque utilise six bloqueurs, Montréal envoie sept joueurs en pression ou huit joueurs si la protection déploie sept bloqueurs …

Les Tiger-Cats avaient pris le pari que ce serait l’option choisie par Montréal ce qui a créé beaucoup d’espace pour Gable sur le côté. Ainsi, le secondeur Marc-Olivier Brouillette a dû parcourir beaucoup de terrain pour se rendre à Gable qui est un athlète exceptionnel et très dangereux quand il possède de l’espace pour manœuvrer. Il a gagné sa bataille et Emry n’a pas utilisé la bonne technique pour le plaquer par la suite ce qui a mené au touché.

Dans l’ensemble, les Alouettes ont très bien joué contre ces défis offensifs, mais les erreurs en fin de rencontre ont fait la différence car l’attaque n’a pas profité de ses occasions.

Les arbitres ne sont pas à blâmer

Bien sûr, la passe à l’endroit de Duron Carter en fin de partie a fait réagir car les arbitres auraient pu imposer une punition. Je croyais que c’était une infraction, mais il faut souligner que la victoire n’était pas acquise si les arbitres avaient lancé un mouchoir. Les Alouettes auraient eu le ballon à la ligne d’une verge avec 4 secondes à écouler.

Personnellement, j’aurais joué pour gagner en raison de la performance de Sutton et je me dis que tu ne mérites pas de gagner si tu ne peux pas obtenir une verge dans un moment si important. Tout de même, les entraîneurs auraient pu jouer de prudence et y aller avec le placement menant à la prolongation.

En même temps, les partisans des Tiger-Cats se rappellent de certains jeux que les Alouettes auraient pu être punis comme la passe de Dave Stala vers Andy Fantuz. J’ai toujours préféré la philosophie que ça finit par s’égaliser en ce qui concerne les décisions des arbitres.

Pour moi, voici l’explication de la défaite des Alouettes : les hommes de Jim Popp n’ont marqué que six points avec le vent dans le dos : deux au premier quart et quatre au dernier quart. Ensuite, ils n’ont pas marqué un seul point à la suite des quatre revirements provoqués. Au quatrième quart, les Alouettes ont hérité du ballon à leur ligne de 44, à celle de 52 des Tiger-Cats, à leur 50, à leur 43 et ils sont sortis de là avec uniquement quatre points… En prolongation, ils ont eu le ballon à la ligne de 35 de Hamilton avec le vent dans le dos et ils ont dû se contenter de trois points.

Ce n’est pas tout, si Sean Whyte n’avait pas raté deux placements, on ne parlerait pas de la même façon. De plus, Burke Dales a manqué deux dégagements menant à deux points de Hamilton. Juste ici, on parle de six points qui manquent à Montréal et deux de trop à Hamilton.

Je retiens cela davantage au lieu d’une décision d’un arbitre.

Évidemment, c’est une défaite crève-cœur pour les Alouettes surtout que Burris n’a pas connu de succès contre eux toute la saison. Je n’aurais donc pas parié un petit 2 $ sur lui avec 97 verges à franchir surtout contre une telle défense et un puissant vent dans son visage.

Voilà où Hamilton mérite du crédit pour l’effort accompli alors que les Alouettes ont été conservateurs dans leur approche.

C’est plus frustrant parce que les attentes sont élevées envers les Alouettes, surtout qu’ils ont tellement gâté les partisans, et les dirigeants visent aussi le sommet année après année.

Vous aurez compris que c’était tout sauf une saison ordinaire, c’était plutôt une année rocambolesque avec des rebondissements sans cesse. On peut quand même regarder le verre à moitié plein car on a pu découvrir le potentiel de Troy Smith en raison de la blessure à Anthony Calvillo. Si Whitaker ne s’était pas encore blessé, on n’aurait pas apprécié le talent de Sutton (photo). Il faut préciser que Whitaker était prêt à revenir au jeu et les entraîneurs ont préféré miser sur Sutton ce qui en dit long sur l’opinion des entraîneurs envers cet ancien de la NFL. 

Si Jamel Richardson ne se blesse pas, est-ce qu’on aurait été épaté par Duron Carter? Si Scott Flory et Andrew Woodruff ne subissent pas le même sort, on n’aurait pas autant remarqué la valeur de Ryan Bomben et Michael Ola.

C’est ainsi qu’il faut regarder le portrait. C’est vrai que ce n’est pas de cette façon que tu veux évaluer ta relève, mais le scénario a été précipité et on peut conclure que le talent est présent pour les prochaines années.

C’est juste fâchant parce que la défense était le maillon faible l’an dernier et cette situation a été corrigée alors que, cette fois, c’est l’attaque qui n’a pas été à la hauteur… Donc ceux qui aiment rêver peuvent songer à l’attaque de l’an passé et la défense de 2013. Ça produirait une équipe plus que redoutable!

À travers une année aussi folle, j’apprécie le fait que les joueurs ont combattu en gardant le moral et un bon esprit d’équipe. Je ne suis pas dans le vestiaire, mais on pouvait remarquer que les joueurs se tenaient et c’est tout à leur honneur.

Voilà ce qui est rassurant pour l’avenir puisque c’était l’année idéale pour assister à des divisions dans le groupe, mais ce ne fut pas le cas. Tu peux donc déterminer que l’équipe est bâtie avec des personnes de qualité et des fondations solides.

Mes préférences pour le prochain entraîneur

Par rapport au dossier de l’entraîneur, on a entendu Jim Popp préciser qu’il doit d’abord discuter de la situation avec le propriétaire Robert Wetenhall. Vous pouvez d’ailleurs lire la chronique de Matthieu Proulx pour en savoir davantage à ce sujet.

Quant à moi, je veux seulement mentionner que c’est clair, à mes yeux, que les Alouettes ont besoin d’un nouvel entraîneur-chef. Ce n’est rien contre Popp qui s’avère un excellent directeur général.

Je trouve qu’il est encore plus efficace en occupant une seule fonction et ce n’est pas moi qui le dit, mais plutôt l’historique des Alouettes. Lorsque l’équipe a soulevé la coupe Grey, c’était avec le duo Popp-(Don) Matthews en 2002 et celui Popp-(Marc) Trestman en 2009 et 2010. Tandis que les résultats n’ont pas été aussi probants avec Popp comme entraîneur en 2001, 2006, 2007 et 2013.

Voilà pourquoi je conclus que les Alouettes sont à leur meilleur avec deux hommes aux commandes du groupe. C’est l’un des meilleurs dirigeants, mais ça prend un bon entraîneur pour arriver au but ultime. D’ailleurs, Chip Cox ne s’est pas gêné pour mentionner que ça prenait un entraîneur et on parle ici d’un meneur de l’organisation.

Si Popp revient comme entraîneur, on pourrait en déduire que c’est une question d’économie car les Alouettes paient encore des salaires. Je ne connais pas le contrat des adjoints qui œuvrent avec l’équipe, mais je m’attends à un grand ménage du côté de l’attaque car je ne crois pas qu’un seul entraîneur de cette unité ne sera de retour. Il faut savoir que les contrats des entraîneurs sont garantis et j’ignore si des ententes dépassaient la durée d’une saison.

Si on choisit d’aller à l’interne pour nomme le nouvel entraîneur, c’est évident qu’on opterait pour Noel Thorpe. Il est, de loin, le plus organisé et le plus structuré dans son travail en plus du succès de son unité défensive.

Mais sincèrement, ce ne serait pas mon choix et comprenez-moi bien ici, je ne dis pas qu’il ne serait pas bon et qu’il ne mérite pas sa chance. C’est juste que la défense excelle et ça pourrait affecter, en partie, son rendement s’il doit ajouter des fonctions à son travail.

La raison principale pour laquelle je regarderais dans une autre direction, c’est que ça me semble clair qu’on amorcera véritablement l’ère Troy Smith ou bien un autre quart que Calvillo. J’aurais donc tendance à embaucher un entraîneur au profil offensif pour aider dans cette situation.

Si on se fie sur la recette qui fonctionne dans la LCF, les Stampeders et les Argonauts ont disputé la Coupe Grey en 2012 et ils ont fini au premier rang de leur section respective en 2013. Ça adonne que leur entraîneur est spécialisé sur l’attaque en John Hufnagel et Scott Milanovich.

De l’autre côté, ce sont des entraîneurs de la défense qui ont terminé dans la cave du classement en Tim Burke avec Winnipeg et Kavis Reed qui a été limogé par Edmonton. C’est peut-être un hasard, mais ça convient très bien à mon argumentaire (rires).

Si on veut entamer une nouvelle ère au poste de quart-arrière, je me dis qu’on devrait l’encadrer au maximum pour que ça fonctionne. Il me semble que ce serait approprié comme on l’avait fait avec Trestman.

En regardant la situation rapidement, on pourrait s’informer auprès de Dave Dickenson à Calgary ou Paul LaPolice qui est libre ou bien Jacques Chapdelaine avec les Lions.

Au moins, Popp a précisé que le nouveau candidat, s’il y en a un, aura déjà dirigé des athlètes professionnels et ce fut un apprentissage relié à l’échec de Dan Hawkins. Popp n’a pas établi que le prochain entraîneur devra posséder de l’expérience de la LCF. Ça pourrait donc être un autre Américain et je veux surtout que ce soit le meilleur et, si possible, un fin connaisseur de l’attaque.

*Propos recueillis par Éric Leblanc