MONTRÉAL – Mardi, le premier ministre François Legault a évoqué la possibilité que les activités sportives ne reprennent pas avant 2021. Cette déclaration a sans doute provoqué tout un choc chez les dirigeants des Alouettes de Montréal, et des autres organisations de la Ligue canadienne de football, qui s’accrochent à l’idée de disputer une version à définir de la saison 2020. 

« Bon là, toute la question qui reste, ce sont les rassemblements, les activités culturelles et sportives, est-ce que ça ira en 2021 ? Ce n’est pas impossible », a déclaré le premier ministre avec une phrase particulièrement lourde de sens pour les Alouettes et l’Impact qui évoluent dans des ligues professionnelles qui ne disposent clairement pas de moyens financiers assez solides pour jouer devant des gradins vides.  

Toutefois, cette option pessimiste n’a pas anéanti l’optimisme de l’entraîneur-chef Khari Jones qui a rencontré, virtuellement, les médias montréalais vendredi. 

« Je souhaiterais avoir plus d’informations à ce sujet, mais croyez-moi, j’ai pensé à un millions d’options pour trouver ce qu’on pourrait faire afin que cette saison se déroule. Plusieurs plans sont étudiés sauf que je n’ai pas participé aux réunions avec la LCF. Je sais qu’ils vont nous donner des informations quand on verra la lumière au bout du tunnel et j’espère que ce sera bientôt », a mentionné Jones à partir de son domicile de Surrey en Colombie-Britannique. 

« J’ai l’impression qu’il y aura une saison. On fait tout le nécessaire pour s’assurer que ça se produise. Je sais que les joueurs sont encore excités et qu’ils tiennent à jouer. Bien sûr, plusieurs facteurs doivent être pris en compte, mais je suis optimiste. Je ne suis pas assurément pas un docteur, mais on voit que la courbe s’aplanit à bien des endroits. Pour l’instant, on ne reviendra pas avant la fin juin et je ne fais que me préparer pour ce scénario en espérant qu’on puisse commencer en juillet », a aussi raconté l’entraîneur.  

Il est toutefois impossible d’écarter le pire résultat : celui de renoncer à la saison. Pour un maniaque du football comme lui, qu’est-ce que ça voudrait dire ?

« Oh, j’essaie de ne pas y penser parce que ça ferait mal, très mal », a d’abord répondu Jones qui ignore s’il sera payé advenant une annulation complète. 

Khari Jones« D’avoir eu la saison 2019 sans pouvoir poursuivre sur cette lancée et de pas voir en action l’équipe assemblée pour cette année, ce serait difficile. Mais je tente de demeurer optimiste. Il faut garder espoir », a poursuivi l’ancien quart-arrière. 

La gestion des attentes s’imposera aussi avec les joueurs. 

« On a des plans (avec ses adjoints) pour parler aux joueurs afin qu’ils demeurent en mode football jusqu’au moment où ils diront, si jamais on en arrive là, que la saison n’aurait pas lieu. D’ici là, il faut s’entraîner et se préparer. On doit tout faire comme si on allait jouer. Je sais que c’est difficile et je m’assure de leur dire qu’on pense à eux », a précisé l’entraîneur. 

En ce qui concerne son personnel, Jones anticipe une période plus éprouvante en mai.  

« Le moral est bon, je parle à mes adjoints au moins une fois par semaine. C’est particulier parce que le travail ressemble étrangement à une année normale à l’heure actuelle. Ça veut dire des réunions et préparer le cahier de jeux. C’est plus quand on arrivera en mai que ça deviendra un peu différent pour les joueurs et les entraîneurs. C’est à ce moment qu’on commence normalement à travailler en vue du camp, mais ce ne sera pas le cas cette année. Ce sera un défi pour nous », a convenu Jones qui ne voit pas beaucoup de place pour exaucer le souhait de S.J. Green de venir finir sa carrière à Montréal. 

Ce délai offrira tout de même du temps supplémentaire aux joueurs qui se remettent de blessures importantes comme Taylor Loffler, Tony Washington et B.J. Cunningham. 

La sécurité des joueurs et … la sécurité des joueurs

Advenant qu’un sauvetage soit possible, la formule habituelle du camp d’entraînement sera inévitablement chamboulée. Si le feu vert était accordé, il sera sans doute réduit à sa plus simple expression et les parties préparatoires risquent d’être supprimées. Comme n’importe quel citoyen, Jones réfléchit au quotidien à différents plans en lien avec son travail, mais il doit attendre les directives de la LCF. 

« Tous les scénarios me traversent l’esprit. […] J’ai parlé des options avec mes adjoints et on a des plans pour les nombreuses possibilités selon le nombre de matchs à jouer, la date choisie pour lancer la saison, si on a un camp régulier ou réduit. Mais si ce scénario se concrétisait, je crois que ça devrait bien aller puisqu’on peut compter sur le retour de bien des joueurs, particulièrement en attaque. Du côté défensif, il y a quelques nouveaux visages, mais ce sera à nous de s’ajuster pour décoller rapidement quand la saison s’enclenchera », a évoqué l’entraîneur-chef. 

Pour l’instant, il appert que la présentation de la coupe Grey – le 22 novembre à Regina - ne serait pas déplacée. Ainsi, la LCF modifierait son calendrier en fonction de cette date et le lancement des activités. 

« C’est clair que j’aimerais jouer une saison complète, mais on devra s’ajuster en conséquence pour déterminer le nombre de matchs au calendrier. Si on commence à jouer en juillet, je crois qu’on pourrait être en mesure de jouer toute la saison ou une grande partie de celle-ci. Si le délai se prolonge, des matchs seront retranchés. Oui, on veut jouer tous les matchs, mais on se soucie également de la sécurité et la santé des joueurs. La chose la plus importante, ça demeure d’avoir une saison. Ainsi, les gens pourraient penser à d’autre chose », a commenté celui qui dynamisé le club. 

Selon ce qu’il entend de la part de ses joueurs, ils sont prêts à se plier aux conditions qui pourraient accompagner un retour à l’action. On parle notamment de tests fréquents de détection de la COVID-19.
 
« Les gars auxquels j’ai parlé, ils seraient tous heureux de disputer une saison peu importe le contexte de celle-ci. Tout le monde a surmonté des obstacles et ce ne serait qu’un autre obstacle. Je ne crois pas qu’ils s’objecteraient à des tests, ils veulent être en sécurité eux aussi. Ils ne veulent pas ramener le tout à la maison ou affecter des personnes plus vulnérables. Avant tout, les joueurs veulent jouer, ils veulent être sur le terrain et laisser aller leur instinct de compétition. Même si ça veut dire de jouer devant des gradins vides », a expliqué Jones. 

Par contre, la nature du football empêche, évidemment, la distanciation sociale. 

« Je sais que Randy (Ambrosie, le commissaire) travaille fort. Il y a tellement d’éléments à considérer : les joueurs américains, les joueurs internationaux … Bien des enjeux doivent être discutés et élucidés. Les autres ligues vivent la même chose, c’est un peu plus facile au baseball pour la distanciation. C’est impossible au football, on le sait bien. On comprend que des mesures doivent être instaurées et on doit les accepter. On peut oublier la distanciation sociale pour les plaqués et les blocs. Il y aura des risques dans l’équation si on joue et on le sait même si ce n’est pas idéal », a admis l’entraîneur avec lucidité. 

Jones veut tout de même éviter d’exposer ses protégés à des risques injustifiés. Il ne voudrait pas que le calendrier soit trop condensé alors que les semaines de répit devrait écoper en partie ou en totalité. 

Le repêchage entre les mains de Maciocia

Parmi les idées lancées pour limiter les risques de santé et ménager les joueurs, les équipes pourraient se contenter d’affronter les rivaux de leur division en saison régulière. 

« Je serais à l’aise avec cette idée, ce serait surtout pour réduire les déplacements. Je suis prêt à m’ajuster, je ne suis pas le plus difficile. En autant qu’on prenne soin des joueurs », a-t-il souhaité. 

À cet égard, Jones peut se fier sur des meneurs comme Vernon Adams fils et Henoc Muamba qui ont eu l’initiative de contacter plusieurs coéquipiers pour les appuyer dans cette période déstabilisante.  

« J’adore ça, Henoc a été un grand meneur pour nous la saison dernière. Il a vraiment été l’âme de la défense dans le vestiaire. Il a été d’une grande aide pour nous en plus de jouer comme un joueur étoile. Les gars ont confiance en lui et Vernon fait la même chose de son côté. Voilà ce qu’on veut dans une organisation. Je ne pourrais pas être plus content du groupe qu’on a », a soumis Jones alors que Muamba a offert son soutien à Quan Bray notamment. 

Ce groupe obtiendra du renfort via le repêchage  qui se tiendra, virtuellement, le 30 avril. Étant donné que le nouveau directeur général, Danny Maciocia, arrive du football universitaire, Jones n’a pas eu autant à s’impliquer dans ce dossier. 

« Je suis très à l’aise avec son approche, je me concentre plus sur les possibilités en vue de la saison. Cet aspect repose entre bonnes mains », a précisé Jones. 

Malheureusement pour les Alouettes, ils n’ont aucun choix de première ronde en raison de la transaction de Johnny Manziel. 

« Sans choix de première ronde, il faut plus attendre les sélections des autres équipes avant de faire des plans. Je suis particulièrement à l’aise à propos des joueurs du Québec, j’ai pu voir plusieurs matchs », a convenu l’entraîneur. 

Jones a conclu sur une note d’humour en disant qu’il ne pourra pas battre le peignoir porté par Henry Ruggs III lors du repêchage de la NFL. Et non, il ne sera pas sur un yacht à la Jerry Jones.