MONTRÉAL – Les sceptiques étaient nombreux envers les Alouettes de Montréal en raison des déboires incessants vécus depuis trois ans. Mais l’état-major de l’organisation a peut-être frappé son premier grand coup en mettant le grappin sur le réputé Mike Sherman pour accepter le rôle d’entraîneur-chef.

 

Alors que toutes les pistes semblaient mener vers un long routier de la Ligue canadienne de football pour accéder à ce poste, les Alouettes ont sorti un lapin de leur chapeau en séduisant l’ancien pilote des Packers de Green Bay (dossier de 57-39 de 2000 à 2005).

 

Certes, d’autres entraîneurs ont fait le saut dans le circuit canadien après avoir œuvré dans la NFL. Cependant, les Marc Trestman, Junes Jones, Marv Levy de ce monde n’avaient pas été l’entraîneur-chef d’une aussi grande équipe de la NFL pendant six ans avant de franchir la frontière.  

 

Bref, dès la confirmation de son embauche, un vent d’optimisme a soufflé dans le paysage des Alouettes. Dans le temps de le dire, les inquiétudes ont baissé de plusieurs crans pour ramener l’espoir chez les joueurs et les partisans.

 

Celui qui a fêté son 63e anniversaire, mardi soir, à Montréal s’est donc présenté devant les médias avec une prestance et une poigne rassurantes.

 

« J’aime le défi qui se présente à moi à Montréal. La chance de créer et de bâtir quelque chose qui n’a pas été fait depuis les deux championnats de suite », a expliqué Sherman qui est loin de se sentir prêt pour la retraite.

 

Fort d’un bagage de 40 ans dans le métier d’entraîneur, Sherman a rapidement convaincu l’audience par son discours réfléchi et bien senti. Il a d’ailleurs utilisé l’expression anglophone « what you see is what you get » pour se décrire.

 

« Je suis un homme simple avec des objectifs clairs. Je voudrais que cette équipe soit bien alignée avec cette ville. Montréal est une ville fière avec une histoire et une tradition. C’est une ville passionnée. Je veux que notre équipe soit à l’image de Montréal. On veut bâtir une culture gagnante », a mentionné l’Américain.

 

Réaliste, Sherman sait donc qu’il s’embarque dans toute une aventure avec les Alouettes. Il sait que les partisans ont été échaudés particulièrement depuis trois ans.

 

« Je ne serais pas ici s’il n’y avait pas un problème à ce sujet. Je suis bien conscient des enjeux des dernières années. Mais ça ne veut pas dire que ça doit se poursuivre. On est ici pour changer les choses, bâtir une équipe qui rendra la ville fière. Ça prendra beaucoup de travail et ça n’arrivera pas immédiatement, mais on va se retrousser les manches et on va y arriver étape par étape », a-t-il maintenu sans embellir la réalité.

 

« Il y aura évidemment des défis et des obstacles, mais il y a une formule très simple qui fonctionne selon mes expériences. Dans une organisation, peu importe ton rôle que ce soit laver les uniformes ou être un pilier sur le terrain, tout le monde doit pousser vers les mêmes objectifs. Quand on gagne, tout le monde sera excité et je veux que tout le monde soit fâché quand on perd », a insisté Sherman en laissant sous-entendre que les joueurs n’ont pas toujours été affectés de cette manière.

 

D’ailleurs, le père de cinq enfants n’a pas tardé à remarquer une lacune en ce sens en regardant quelques vidéos de la saison 2017 (fiche de 3-15).

 

« L’équipe aurait pu jouer avec pas mal plus de passion par moments. On joue pour les Alouettes de Montréal, dans une ville avec une grande passion et une immense fierté. Ça doit nous aider à élever le niveau de notre jeu. Il faut redonner à nos partisans. Il faut aimer nos coéquipiers, nos partisans et nos entraîneurs », a-t-il souhaité.

 

Le directeur général Kavis Reed et le président Patrick Boivin ont mené le processus d’embauche durant lequel ils ont interviewé plus de 15 candidats de la LCF, la NFL, la NCAA, le réseau universitaire canadien et l’Arena Football. Reed et Boivin étaient ravis de leur coup qui a été approuvé par les propriétaires Bob et Andrew Wetenhall.

 

« C’est une journée de fierté pour cette organisation, il remplissait absolument tous nos critères de sélection. On parle d’un homme intègre, un pédagogue, un bâtisseur avec une feuille de route très impressionnante qui est reconnu pour développer le talent sur le terrain et chez les entraîneurs. On a franchi une étape très importante, la première pour redéfinir notre équipe », a déclaré Boivin.

 

Lors des embauches de Jacques Chapdelaine et Tom Higgins, les Alouettes n’avaient pas procédé à une révision complète du personnel d’entraîneurs. Cette fois, le processus logique a été respecté et Sherman pourra élaborer son équipe d’adjoints. Bref, la journée du 19 décembre apparaît comme un moment tournant pour cette organisation.

 

« Ce n’est pas facile de changer l’élan d’une compagnie. On ne s’en allait pas dans la bonne direction et notre dernière fiche le démontre. Mais, quand on a embauché Patrick et Kavis l’an passé, on a posé les premiers jalons d’une structure plus solide. Sans avoir fait cela, on n’aurait pas pu embaucher Coach Sherman », a tenu à spécifier Andrew Wetenhall qui se réjouissait de la réaction positive et du travail de ses employés.

 

Étonnant de convaincre un tel candidat ?

 

À un certain point, on pourrait même se demander comment l’état-major a pu convaincre un homme de cette envergure d’accepter le défi périlleux de raviver le club.

 

Mais la vie fait parfois bien les choses et la visite de Marv Levy à Montréal il y a deux mois pourrait avoir contribué à ce résultat. Les dirigeants des Alouettes ont écouté avec intérêt l’homme inspirant de 92 ans et ils lui ont notamment demandé comment dénicher l’entraîneur qui pourrait redorer le blason du club.

 

« Il a souvent répété qu’on devait commencer avec du caractère et que le reste allait suivre. On a emprunté cette voie. On a parlé de ça et de développer une culture en entrevue avec Coach Sherman. On a bien défini ce qu’on voulait dire et établir. On s’est bien entendu là-dessus et Patrick a discuté des mêmes choses avec lui. Bref, on a eu le sentiment que le mariage devait se faire », a expliqué Reed qui adore les qualités de Sherman pour développer des joueurs, des quarts et des entraîneurs.

 

« Dès ma première rencontre avec Coach Sherman, j’ai eu l’impression d’entendre le même discours que celui de Marv Levy. Il parlait comme s’il avait entendu ma discussion avec lui. Je lui en ai glissé un mot et il m’a répondu que Levy a été l'un de ses mentors », a noté Wetenhall qui a félicité Reed pour l’avoir sollicité.

 

Questionné sur sa relation avec Levy, Sherman a puisé dans ses souvenirs pour la décrire.

 

« Quand j’étais assistant à l’Université Texas A&M, j’allais à Buffalo pour leurs entraînements avant la saison. Je ne connaissais pas Coach Levy à cette époque. Je l’ai rencontré et il m’a permis d’assister à des réunions et ça m’a aidé comme entraîneur. J’ai pu y retourner plusieurs fois, pratiquement chaque année. J’ai eu des discussions enrichissantes avec lui et j’ai toujours eu beaucoup de respect pour lui et sa façon de gérer une équipe », a remercié Sherman.

 

Sans surprise, quelques vétérans des Alouettes ont assisté à sa présentation. Les visages des Kyries Hebert, Luc Brodeur-Jourdain, Tyrell Sutton et John Bowman rayonnaient après avoir reçu ce « cadeau de Noël ».

 

« C’est vraiment impressionnant considérant son parcours. On souhaite évidemment que tout ça se transpose bien dans la LCF comme d’autres ont pu le faire. Ça fait longtemps qu’on a pu s’exciter à propos de quelque chose », a confié Hebert.

 

Brodeur-Jourdain n’a pas caché qu’il a été étonné que les Alouettes puissent convaincre un candidat de sa réputation de faire le saut à Montréal.

 

« C’est un défi de taille pour lui d’arriver ici sans connaître l’identité de son quart partant et de plusieurs de ses joueurs. Je lui lève mon chapeau, c’est un risque de s’exposer comme entraîneur », a-t-il admis.

 

Ces quatre vétérans pourraient aider Sherman qui souhaite voir les Alouettes jouer avec plus de passion.

 

« Pendant mon enfance à Boston, je ne regardais pas beaucoup de hockey, mais je ne ratais jamais les matchs contre le Canadien que ce soit en saison ou en séries sur notre télévision en noir et blanc. On ne pouvait pas voir de différence dans l’intensité entre un match de saison régulière ou pour la coupe Stanley. C’est exactement la manière dont je veux voir mon équipe jouer », a conclu Sherman qui était accompagné de sa femme, deux de ses cinq enfants et de sa bru.